Thomas Geha – Sous l’ombre des étoiles

Sous l’ombre des étoiles est un petit roman SF que je me suis procuré à Ouest Hurlant, dédicacé par son auteur. Je n’avais encore rien lui de lui, à part L’histoire de la SF en bande dessinée signée sous son autre pseudonyme Xavier Dollo. J’ai choisi celui-ci pour deux raisons : d’abord pour les retours de Yuyine et Blubelly, et pour le côté SF positive, bienveillante et douce qui me plait. Lecture qui m’a d’abord laissée perplexe, mais qui s’est très bien terminée grâce à un final que j’ai trouvé superbe.

Synopsis

« Kee. Il s’appelle Kee Carson. Ses yeux pleurent du sang. »

Sous l’ombre des étoiles nous raconte l’histoire de Kee Carson, recueilli par la Tribu de l’Espace sur la planète Seinbeck, après une cryoveille de 250 ans. Il était tireur d’élite dans l’armée humaine qui combattait les Salamandres. Il découvre à son réveil que les deux espèces vivent maintenant en harmonie sur cette planète, ce qui est un peu dur à avaler pour lui, surtout quand il fait la rencontre de Sirval, le Salamandre de sa Tribu !

Cependant cela se comprend, car ils affrontent maintenant un ennemi commun, qui plus est sur une planète souvent hostile, les autochtones Seinbecks.

Une écriture de la sensation et de l’immédiateté

Première chose qui frappe dès les premières lignes de ce roman : son écriture. Très factuelle. Le cadre est dépeint très brièvement, sans détails superflus. On sent que l’on va à l’essentiel, seuls les quelques éléments de contexte et de décors nous sont donnés afin de comprendre ce dont il est question. En cela, j’ai eu l’impression de lire une nouvelle. D’ailleurs, le roman est assez court, et sur cet aspect-là, j’ai vraiment eu la sensation de retrouver certains éléments du format court.

D’autre part, la voix narrative est distante. Le récit à la 3ème personne du singulier est en focalisation interne. Le narrateur, inconnu, nous rapporte les faits à travers le regard d’un personnage, celui de Kee. On a alors accès à ses ressentis, pensées, mais de manière intermédiée. J’ai trouvé cela un peu dommage, car l’immersion dans la peau de ce personnage n’est pas totale. Ainsi, j’aurais aimé ressentir davantage d’émotions, mais cette distance m’en a empêchée. D’autre part, cette focalisation empêche également d’accéder aux pensées et ressentis des autres personnages, qui paraissent aussi distants, lointains. Mais d’un autre côté, cela apporte une touche de réalisme dans les rapports entre les personnages.

Enfin, une écriture de l’immédiateté. Le récit au présent propose quelque chose d’assez direct, comme si celui-ci se déroulait en même temps qu’il était écrit. Il se dégage alors une impression d’instantanéité, de vraisemblance. Comme si le texte n’avait pas eu le temps d’être travaillé, remanié, avant d’être couché sur le papier. Une impression fausse, évidemment. Et en plus cela donne au lecteur la sensation de vivre les événements en même temps que les personnages.

Des cailloux dans la chaussure

Vous le savez si vous me lisez depuis quelques temps, j’ai une préférence pour les récits au passé. J’ai donc eu un peu de mal à apprécier pleinement ma lecture ici, même si tout ce que je décris plus haut est assez remarquable. Mais le manque d’immersion et la distance ainsi créée m’a laissée… un peu à l’écart justement. Je suis donc restée spectatrice assez longtemps, assez peu concernée par les uns et les autres.

D’autre part, la manière dont le contexte est amené n’est pas toujours adroite. J’ai soulevé quelques étrangetés qui m’ont laissée un peu perplexe. Rien de dramatique, mais des petites fausses notes. Comme lorsque Kee, qui revient d’une cryoveille de deux cent ans, galère à émerger, ses sens lui faisant défaut, mais qui parvient à se rappeler, à ce moment-là, de son cursus scolaire. Idem lorsqu’on lui demande de parler de l’histoire des vaisseaux et qu’une pensée tout autre lui vient en mémoire, qui est alors développée, sans lien avec le récit. L’occasion j’imagine d’évoquer le passé de Kee, d’expliquer d’où il vient – mais de cette manière-là, c’est assez étrange. Ces sauts du coq à l’âne récurrents ont renforcé ma distance avec le récit.

Et je déplore également un texte assez mal relu, parsemé de coquilles et de fautes, essentiellement d’accord, comme d’habitude. Je trouve cela particulièrement dommage d’autant que j’ai lu la version poche . On aurait donc pu s’attendre à ce que cette seconde édition soit corrigée correctement. Mais je constate que ce n’est toujours pas la priorité des éditeurs.

Un final superbe

L’essentiel de ma lecture n’a donc pas été très enthousiasmant, sans être non plus désagréable. Disons que je passais un moment de lecture assez sympathique. Mais j’avais des doutes sur ce qu’il allait m’en rester sur la durée.

Pourtant, Sous l’ombre des étoiles est un planet opera très beau. Le récit est plutôt lent, contemplatif, et profondément optimiste. Ses personnages variés sont plein d’humanité, touchants, bienveillants. Ici, peu de vaisseaux, pas de pan pan dans l’espace. L’action est beaucoup plus douce, parsemée dans le roman. On prend aussi le temps de découvrir la planète Seinbeck dans toute sa variété, sa richesse. Sa faune, sa flore, sa géopolitique. Par bien des aspects, cela m’a rappelé Apprendre, si par bonheur de Becky Chambers. J’ai aimé aussi l’accent mis sur la psychologie des personnages, l’évolution des regards, points de vue, et relations entre eux. Même si, là encore, j’ai regretté parfois un excès de naïveté qui ne m’a pas toujours paru très crédible.

En revanche, j’ai adoré le dernier tiers. Là, j’ai eu les émotions que j’attendais, la surprise aussi. Je me doutais de la manière dont allait se terminer le roman. Mais Sous l’ombre des étoiles m’a néanmoins surprise par son final ouvert, laissant la place à l’imagination, à d’autres potentielles histoires – ou pas. Ca, c’était vraiment inattendu pour ma part. J’ai quitté ce roman avec une petite larme, parce que même si je m’attendais au sort de certains personnages, le lire est une autre affaire. Et surtout, je me suis dit que Thomas Geha avait bien caché son jeu pendant tout son roman. Qui n’est pas ce qu’il paraît de prime abord, portant finalement une grande force émotionnelle assez juste. Et ça, ça m’a plu.

En pratique

Thomas Geha, Sous l’ombre des étoiles

Editions Rivière blanche, 2013 puis Moutons Electriques, collection Hélios (Poche), 2020

Le texte est suivi d’une autre nouvelle, Une île (et quart) sous la lune rouge (que je n’ai pas encore lue, car j’ai préféré ne pas mélanger les univers).

Autres avis : Je mets donc ici les avis de Yuyine et Bluebelly, qui m’ont convaincue de lire ce texte. Vous pouvez aussi lire le retour du Maki. Et enfin, celui de Phooka, qui fait référence à celui de Dup sur le même blog.

 

Sous l’ombre des étoiles est un roman de Thomas Geha. Assez court, il nous emmène à la découverte d’une planète inconnue, avec un sentiment de paix, de bienveillance et de fraternité. J’ai regretté une immersion limitée et une grande distance avec l’histoire et les personnages du fait des choix narratifs. Si j’ai ressenti une petite pointe de douce naïveté qui ne m’a pas semblé toujours très crédible, ce roman plutôt feel good se lit malgré tout très bien, offrant une petite promenade tout en douceur. Et puis bon, vous allez finir par penser que je ne sais pas ce que je veux (et vous auriez raison) ! Je retiens surtout le très beau final de ce roman qui m’a touchée et surprise, et amenée à reconsidérer le texte dans son ensemble. Pendant un bon nombre de pages, je n’étais pas sûre de garder grand chose de ce texte en mémoire, mais finalement, si. Et peut-être que c’est ce qui compte, et que la magie réside ici ?

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