Rappelez-vous, je vous avais beaucoup parlé du premier volume d’Eden Island, cette dystopie SF Young Adult. J’avais énormément apprécié cette découverte. Nous étions restés sur un final vraiment marquant. J’étais donc très enjouée à l’idée de lire enfin la suite, Si loin du paradis, publiée en juin 2021 chez Inceptio Editions. Je me demandais comment toutes les excellentes idées du premier volume allaient se goupiller. Comment l’autrice allait-elle conclure sa duologie ? Eh bien, je suis désolée de le constater : je suis un peu déçue.
Rappel volume 1 – Eden Island, Le secret
Evidemment, si vous n’avez pas lu le tome 1, vous allez avoir des spoilers dans cette chronique. Difficile de faire autrement !
Dans Le secret, nous faisions la rencontre de deux personnages principaux : Analia, adolescente vivant à Eden Island, petite île préservée du reste du monde qui se noie sous la montée des eaux et qui s’assèche sous un soleil de plomb. C’est de là que vient Aylan, qui débarque sur l’archipel grâce à ses compétences sportives recherchées. Ces deux personnages sont comme la pluie et le beau temps : ils n’ont rien en commun.
Le cœur de l’intrigue était assez classique : Eden Island se révèle être une utopie de type « Meilleur des mondes », donc reposant sur un fonctionnement assez sinistre, découvert par Analia et d’autres personnages qui en font les frais. Tout ceci bouleverse l’ordre établi et tout fout le camp. Cependant, les rebondissements et péripéties étaient assez inventifs, inattendus, et inspirés. Les personnages se sont épaissis au fur et à mesure du premier tome, et nous finissions donc sur un renversement total : Analia bannie d’Eden Island et catapultée sur une île en dehors de l’archipel, et Aylan qui, semble-t-il, l’abandonne en restant sur Eden Island.
Si loin du paradis : de la continuité…
Dans le récit…
Le second volume reprend donc exactement là où s’était arrêté le premier. On retrouve Analia larguée sur son île miteuse, seule et abandonnée. On est totalement dans la continuité, et pour le coup, on est vraiment loin du paradis. Car la jeune fille va (nous faire) découvrir ce qu’est le reste du monde en dehors d’Eden Island.
Mais cette construction m’a rappelé celle de La ville sans vent : le premier volume concentré sur le centre urbain, Hyperborée, et le second en vadrouille dans les terres excentrées plus sauvages. C’est quelque chose dont je ne suis pas très fan, mais pour le coup, c’est très personnel. Il faut dire que j’aime énormément les récits imaginaires en cadre urbain, surtout quand ils sont très détaillés, qu’ils fonctionnent bien, et c’est le cas tant pour Hyperborée que pour Eden Island. Une petite larmichette de devoir quitter Eden Island, surtout pour me retrouver sur des îles pourries toutes moches, remplies de sales bestioles cannibales et à crever la faim.
Mais, mais, mais : c’est quand même bien trouvé. Il faut l’avouer, et le reconnaître : Hana Claistel surprend encore, et profite de ces excursions sur ces terres hostiles pour aborder de manière très intelligente les aspects écologiques d’une part, mais aussi le statut des femmes, toujours les premières victimes d’un monde en déroute. J’ai également adoré le clin d’œil à l’Antlantide, cité engloutie : je n’en dis pas plus, car je ne veux pas vous gâcher cette belle surprise, mais là aussi, c’est vraiment pas mal et bien trouvé. J’ai aimé me promener dans cet autre univers.
… et dans l’écriture
D’autre part, on retrouve cette écriture fluide, efficace et le point de vue externe qui permet d’englober tous les personnages. De même, le récit au présent dégage toujours cette instantanéité qui convient très bien au récit que l’on vit en même temps que les personnages. Enfin, les chapeaux introductifs des chapitres continuent d’apporter au récit une hauteur de vue. Ils prennent d’ailleurs tout leur sens dans ce volume.
Si loin du paradis se lit toujours aussi bien que Le secret.
Mais une rupture qui m’a perdue
Du bon, il y en a, donc, dans ce second volume. Mais je n’ai pas adhéré malgré tout. Pourquoi ? Parce que le récit s’éloigne à un moment radicalement de l’esprit initial. Il s’embarque une direction vraiment très éloignée de ce à quoi on pouvait s’attendre. Ça aurait pu être une bonne surprise, après tout, pourquoi pas ? Mais l’écart est tel qu’on perd le fil avec tout ce qui s’est tissé lors du premier volume et surtout avec Eden Island.
Une intrigue décevante
Ce changement de cap ne m’a pas convaincue. Je n’ai pas du tout adhéré à ses ressorts, pour plusieurs raisons :
- J’ai trouvé les liens entre cette intrigue et les enjeux du premier volume vraiment trop ténus. Les liens ne sont pas évidents, je n’ai pas trouvé cette construction suffisamment solide pour fonctionner. J’ai eu une impression de deux one shot séparés.
- L’antagoniste principal, Rosabel. C’est à mon sens le plus gros point faible de ce second volet : ce personnage n’a absolument aucune nuance. C’est vraiment la méchante par excellence, la personnification de Cruella. Il ne manquait plus que le « hin hin hin » après ses dialogues. Ça m’a tantôt agacée, tantôt fait rire, mais dans tous les cas, je ne pense pas que c’était l’effet recherché.
- Cette intrigue ne m’a enfin moins intéressée. Elle est assez étroite, construite autour d’un noyau de personnages très resserré : c’est davantage une histoire de famille, qui fait perdre de vue ce dont il est vraiment question.
Des personnages et des enjeux laissés de côté
Par ailleurs, j’ai été aussi un peu surprise de l’absence de certains personnages : Aylan fait figuration dans ce volume, et c’est dommage. Les parents d’Analia ne sont pas plus importants dans ce volume que dans le premier. Il y a des personnages secondaires intéressants (Garance, Louka, Alexander…) mais pas assez approfondis pour s’y attacher.
Finalement, Eden Island m’a semblé n’être plus qu’un décor lointain dans ce volume, et j’aurais aimé avoir de vraies réponses, quelque chose de plus consistant dans la résolution de cette duologie. Bon sang de bois : on a quand même eu des révélations terribles sur Eden Island dans le premier volume, décoiffantes même ! J’aurais bien aimé voir comment on allait se sortir de cette galère, et pas me concentrer sur une vielle folle mégalomane qui sort de nulle part !
Je garderai d’Eden Island le souvenir du premier volume, qui m’avait beaucoup plu. Autant le premier volume m’avait bluffée par son niveau et ses réflexions, autant là, je trouve qu’on est sur quelque chose de plus basique : des personnages peu brossés, des portes facilement fermées sur des pans de l’intrigue, et un nœud pas très recherché. Dommage, mais pas vraiment surprise : les diptyques, c’est vraiment casse-gueule je trouve. Souvent, je suis un peu déçue par le second tome. Bon, cela dit, rien de dramatique, ça reste comme je le disais plus haut un livre intéressant à bien des égards, et qui mérite d’être lu pour conclure la duologie. Et je continuerai de suivre les publications d’Hana Claistel, parce qu’à mon avis, elle n’a pas encore tout dit et nous surprendra encore 🙂
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