Hana Claistel – Eden Island, Le secret (Tome 1) – #PLIB2022

Premier volume d’un diptyque, Eden Island – Le secret est un roman dystopique de Hana Claistel, paru chez Inceptio Editions en janvier 2020. J’avais précommandé ce roman, et j’ai eu l’extrême plaisir de le recevoir dédicacé. Le voyage à Eden Island m’a réservé de belles surprises, et c’est avec impatience que j’attends la sortie de son second volet, Si loin du paradis.

Synopsis

« La montée des eaux a depuis longtemps réduit les continents à quelques îles arides disséminées sur l’océan. Alors que partout ailleurs la population lutte pour sa survie, une poignée de privilégiés vivent à Eden Island : archipel paradisiaque offrant une vie sereine en parfaite harmonie avec la nature.

Et c’est dans ce cadre idyllique préservé du reste du monde qu’Analia se prépare pour la prestigieuse soirée qui va marquer son entrée dans le monde adulte. Mais Aylan, nouvellement arrivé sur l’archipel, ne va-t-il pas changer à jamais le destin de l’adolescente en lui montrant la face sombre du paradis ? Du rêve au cauchemar, il n’y a parfois qu’un pas… »

Un roman Young Adult assez classique dans sa forme

Des thèmes traditionnels

On est clairement dans un roman de type Young Adult. Les personnages principaux sont adolescents, en passe de rentrer dans le monde adulte. Ils en découvrent tous les ressorts, son fonctionnement, ses règles. Ils apprennent aussi le sens des responsabilités, les sacrifices qu’elles impliquent, l’impact des choix qu’ils vont faire. En somme, ils comprennent peu à peu que le monde des adultes est bien moins rigolo que celui des enfants. Les héros sont donc en plein questionnement critique sur leur environnement et le monde qui les entoure. Finalement, ils se retrouvent face à un univers contre lequel ils vont se dresser.

Les thèmes abordés sont également pour un public YA (premières amours, l’amitié, famille et les relations avec l’autorité représentée par les parents, affirmation de sa personnalité et caractère rebelle).

Une écriture et un style assez simples

Ce premier tome se lit facilement, le rythme est fluide et entraînant. Les impressions et ressentis des personnages sont rapportés par une focalisation externe. C’est assez pratique pour alterner les centrages alternés sur les personnages, ce qui contribue à l’entraînement du rythme. C’est agréable à lire, c’est prenant (je l’ai lu avec une rapidité assez hallucinante).  Les dialogues sont majoritaires, la langue est courante, fluide, simple, cohérente avec le public visé et le style du récit. On aurait pu s’attendre toutefois à un travail descriptif un peu plus poussé sur Eden Island et les personnages. J’y reviendrai plus bas.

En revanche, j’ai trouvé intéressants les chapeaux introductifs de chapitres. Ce sont des extraits du journal du créateur d’Eden Island. Ces petits chapeaux donnent un aperçu assez glaçant des principes qui régissent Eden Island et le but de leur instauration. Ces chapeaux cadrent le récit, et donnent une hauteur de point de vue.

Personnages et histoire

Les personnages sont assez typiques, et je les ai même trouvés assez pauvres, engoncés dans des rôles bien prédéfinis et qu’on voit venir de loin. De ce côté-là, je n’ai pas eu de surprise. On trouve en effet la gentille héroïne parfaite dans sa bulle (elle m’a même agacée au début d’ailleurs), son amie moins bien classée et rebelle, le prince charmant appartenant à l’élite, ses parents méprisants, le beau gosse qui fait face à la vraie vie… Ces personnages sont assez creux. Par ailleurs, certains personnages secondaires auraient gagné à être davantage dépeints (les parents d’Analia, par exemple, délaissés dans le courant de l’histoire. Peut-être l’autrice laisse-t-elle des choses de côté pour le second tome ?).

En revanche, ce que j’ai beaucoup apprécié c’est l’histoire, pleine de rebondissements inattendus et que je n’ai pas vus venir. L’autrice crée de beaux effets de surprise. Elle semble nous faire croire à des scènes de déjà-vu mais nous concocte des choses intéressantes. Ce faisant, elle apporte de l’épaisseur là où il en manque. Je me suis souvent exclamée « Noooon, elle n’a pas fait çaaaa », et « ah nooooon, c’est pas possible, mais pourquoi ?! ». J’ai trouvé assez courageux de la part d’Hana Claistel de malmener ses héros. Ils ne vivent pas dans des situations trop faciles. Elle n’a pas peur de les confronter à « la vraie vie », de leur faire connaître des moments douloureux. Surtout, il n’y a pas de solution miracle venue de nulle part ou une aide extérieure bienvenue « comme par hasard ». J’ai donc vraiment accroché au récit.

Des réflexions actuelles intéressantes

Eden Island aborde des sujets très contemporains

Des sujets très actuels sont évoqués dans ce roman. Ecologie, raréfaction des ressources naturelles, réchauffement climatique, flux migratoires… J’ai apprécié qu’Hana Claistel n’en fasse pas des tonnes. Elle ne plombe pas son récit avec un pathos malvenu, ni ne transforme son récit en manifeste pro-écolo alarmiste. Elle développe un monde tel qu’il est, ne s’appesantit pas sur la façon dont on en est arrivé là. Il n’y a pas de jugement non plus, l’autrice ne cherche pas de coupable, et ne donne pas de solution miracle. Enfin, elle dépeint des personnages qui essayent de s’adapter, tant bien que mal, à la situation.

La question de la liberté et de la sécurité des citoyens est un autre thème abordé. Là encore ce sujet est tout à fait d’actualité. Le roman décrit le jeu d’équilibriste qui consiste à assurer la première tout en garantissant la seconde. Comment parvenir à maintenir les deux, sans risquer de tomber dans l’excès d’un côté ou de l’autre ?

Hana Claistel brouille suffisamment les pistes pour que rien ne soit simple. Et jamais elle ne valide ou encense Eden Island ou les îles. Elle interroge, remet en question, soulève les paradoxes… et au lecteur de se débrouiller avec ça, et de se faire ses propres réponses.

Un univers dystopique

Le parti pris d’Eden Island est de présenter deux mondes. Si l’univers d’Aylan est dur et violent (La faim et la raréfaction des ressources amène son lot de violences et de flux migratoires vers Eden Island), celui d’Analia semble être une bulle de paradis (tout est beau – merci aux hologrammes, tout le monde est gentil, suit les règles, se soucie de la communauté etc.).

Mais rapidement, quelque chose cloche. Eden Island s’avère être un univers dystopique, organisé autour de la recherche de bonheur et de protection d’une société, garanti par l’ordre et le contrôle des individus. Eden Island renvoie évidemment à des classiques SF (Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, 1984 de George Orwell, avec sa figure de Big Brother). Rien de révolutionnaire dans le traitement de ce monde qui reprend tous les éléments et codes de la dystopie, mais ça fonctionne.

Ce qui est très intéressant en revanche, c’est le point de vue porté sur Eden Island. Pour Analia, l’île est une utopie. Mais Aylan porte sur l’île un jugement sévère alors même que ses conditions de vie sont dures, exactement à l’inverse de celles d’Analia. Il trouve Eden Island absolument monstrueux, dans sa perfection, son contrôle des citoyens, et le poids porté sur la liberté individuelle, restreinte. La thématique du monstrueux est d’ailleurs bien travaillée, avec son aspect double face, visible/caché, charmant/terrifiant. Cela interroge la frontière poreuse entre utopie et dystopie, ou plutôt leurs similitudes, dans leur philosophie, construction, ressorts.

Une réflexion éthique poussée, et assez dérangeante

Ce que révèle surtout ce roman, c’est la façon dont les humains s’adaptent et adoptent des solutions pour faire face. Et il pose des questions d’éthique : « pour le plus grand bien », jusqu’où peut-on aller ? Cette simple mention n’est-elle pas un risque de dérive très dangereux ? Peut-on tout justifier pour faire « le bien » ?

Certaines scènes m’ont instinctivement révulsée. Mais leur traitement m’a fait aller plus loin. Je me suis demandé, comme les personnages, pourquoi elles provoquaient en moi ce ressenti, et j’ai dû aller au-delà du simple « parce que c’est inhumain ». Alors, peu à peu, je me suis posé la question… : qu’est ce qui fait que c’est inhumain ? L’est-ce vraiment, ou est-ce plutôt question de point de vue ? Terrifiant, de se poser cette question, de poser le postulat que peut-être, nos limites et valeurs sont arbitraires et formatées. On ne peut s’empêcher de se demander si on ne devient pas un peu un monstre aussi, du seul fait de se poser ces questions.

Bref, ce roman aborde des sujets pas évidents, peut-être déjà traités et revus, mais j’ai trouvé ici qu’il y avait quelque chose de plus. Pas tant dans le fait de présenter Eden Island, mais dans sa justification par ses défenseurs. Il y a des questions posées qui sont véritablement dérangeantes, qui m’ont personnellement bousculée, et à mon sens c’est assez novateur dans un roman Young Adult.

En pratique…

Hana Claistel, Eden Island, Tome 1 Le secret

Inceptio Editions

Couverture : Lysiah Maro

#ISBN9782490630509

#PLIB2022

Premier volet réussi, à mon sens. S’il contient des ingrédients typiques destinés à un public Young Adult, ce qui a plutôt tendance à me rebuter un peu, j’ai quand même accroché au récit, haletant et très prenant. J’ai beaucoup aimé le rapport utopie/dystopie et toutes les réflexions engendrées par Eden Island. Les clins d’œil à des grands classiques de SF étaient aussi bienvenus. Je suis donc assez pressée de lire le second tome, Si loin du paradis, qui va sortir en juin 2021. J’ai hâte de transformer l’essai !

2 commentaires sur “Hana Claistel – Eden Island, Le secret (Tome 1) – #PLIB2022

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  1. Même si ça a l’air plutôt bon, le côté très YA dans les thèmes risquent de me bloquer un peu. Je le note néanmoins pour le rayon YA de la bibliothèque, ça devrait plaire!

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