J’ai commencé à piocher dans ma pile à lire automnale. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que pour l’instant, ce n’est guère concluant. Trois textes très différents mais qui ne m’ont pas éblouie.
Au menu de cet avis flash #22 :
– Nora Lake, Ce que font les filles font à la nuit tombée ;
– Jan Carson, Les lanceurs de feu ;
– Sue Rainsford, Jours de sang.
Sue Rainsford, Jours de sang
Présentation
Anna et Adam sont jumeaux. Ils habitent une commune abandonnée, dans un paysage changeant, au milieu duquel ils se préparent à un événement apocalyptique qu’ils croient imminent. Adam monte la garde le jour, Anna la nuit. Ils ne se croisent qu’à l’aube et au crépuscule.
Leur seul compagnon est Koan, ancien chef de la commune, qui exerce encore un contrôle intrusif sur leurs rituels quotidiens. Mais le retour d’un habitant de la communauté les oblige à remettre en question tout ce qu’ils croyaient avéré.
Avis flash
Je commence cet avis flash #22 avec le 2e roman de Sue Rainsford. Pour tout dire, je suis incapable de vous dire de quoi parle ce roman, car je ne l’ai pas compris.
C’est un roman de l’attente. Tout tourne autour de cette apocalypse, tant espérée que redoutée. De ce fait, il ne se passe pas grand-chose (c’est-à-dire rien). Beaucoup de souvenirs, issus de la mémoire des personnages principaux ou de feuillets écrits par un 3e personnage. J’ai eu un mal fou à relier les temporalités et les personnages. Qui est qui, et par rapport à qui ? Je ne suis toujours pas sûre d’avoir bien saisi. Malheureusement, la choralité du roman et les chapitres très courts ne m’ont pas permis d’y voir clair. Je n’ai pas trouvé d’échos dans cette alternance de voix qui ne se répondent pas vraiment. J’ai plutôt eu l’impression d’un dialogue de sourds.
Alors oui, il y a de l’ambiance. Il y a tellement de sang (ce « rouge ») que ça colle. C’est poisseux. Viscéral, comme Jusque dans la terre. Mais une ambiance ne suffit pas à faire un roman. En plus, j’ai trouvé qu’il y avait plus de dire que de montrer. À force de me parler du rouge par-ci, rouge par-là, j’ai fini par me lasser. Sans compter que je n’ai pas bien saisi l’origine de ce rouge. Une épidémie ? Et qu’est-il, exactement ? Et pourquoi ces rituels ? On est à quelle époque, et que s’est-il passé dans cet univers ?
Des personnages obscurs et aux liens flous, une construction tout aussi opaque, une lourdeur dans l’ambiance et l’écriture à force de répétitions… Par-dessus le marché, quand je relis la 4e de couverture, je m’interroge. Ah bon, Anna et Adam ne font que se croiser ? Je n’ai pas eu cette impression… D’ailleurs, je n’avais pas saisi qu’Anna faisait la garde (de quoi ?). Un personnage qui revient ? Ah ? Mais… qui et quand ? Je me suis demandé tout au long du texte, justement, quand interviendrait l’élément perturbateur (et je ne l’ai jamais vu…).
Gné ?
Je précise que j’ai lu le roman en entier et pas en diagonale : je ne voulais pas risquer de zapper quelque chose. Mais j’ai quand même tout zappé. J’ai fini ce roman en me demandant : « Mais qu’est-ce que je viens de lire ? ».
J’avais bien aimé le premier titre de l’autrice, Jusque dans la terre. Je trouvais cependant qu’il manquait de précision dans le propos et le message. Je n’étais pas parvenue à saisir totalement ce qu’avait voulu exprimer l’autrice. Mais si je trouvais que Jusque dans la terre manquait un peu son but, Jours de sang m’a semblé encore plus louper sa cible. Ce roman vise-t-il quelque chose ? Que veut-il dire ? Quel est son message ? Son sens ? Je n’ai jamais trouvé les réponses à ces questions.
Je veux bien croire que je ne suis pas le public cible, ou que je manque de finesse pour saisir certaines choses… Mais quand un roman laisse à ce point quelqu’un dans l’incompréhension la plus profonde, n’y a-t-il pas un loupé dans le projet narratif, malgré tout ?
Jan Carson, Les lanceurs de feu
Présentation du roman
Belfast, été 2014. Bien avant les foyers traditionnellement élevés à l’occasion de la parade orangiste du 12 juillet, de gigantesques incendies illuminent la ville en toute illégalité.
Jonathan Murray, médecin, ne cesse de se remémorer la nuit de garde pendant laquelle il n’a pu résister à la voix enchanteresse d’une femme qui le hante désormais. Il oscille entre le ravissement et la terreur de découvrir sur le visage de sa fille l’empreinte de sa fascinante génitrice…
Sammy Agnew, ancien paramilitaire loyaliste, tremble de devoir s’avouer que, sur la vidéo anonyme et virale du « Lanceur de feu » appelant à propager la rébellion, il reconnaît la silhouette de son propre fils.
Avis flash
Premier roman de l’autrice que je lis, je pense pas le dernier. J’ai apprécié ce texte, même si là encore, je trouve qu’il prend également des détours étranges. Je m’attendais à quelque chose de plus frontal, direct et percutant.
Du réjouissant…
Ce qui m’a plu dans ce texte : le parcours parallèle de ces deux pères de famille dépassés avec leur progéniture. Des personnages d’une petite classe moyenne, des types lambdas, qui galèrent au quotidien. Ils ne se connaissent pas, n’ont rien en commun sinon leur vie de merde qui se délite un peu plus chaque jour. De ce fait, chaque page est un pas de plus dans la perte de repères et de contrôle. Les lanceurs de feu se déroule dans un contexte de troubles intenses, où les lignes bougent. En miroir, la vie de ces deux hommes suit le même trajet.
Évidemment, ce qui m’a le plus plu réside dans les décors. La ville de Belfast est un personnage à part entière, dont on prend le pouls à chaque ligne. C’est une ville qui n’attire pas, et pourtant quand on ouvre ce roman, on se plait à l’apprécier à travers les yeux de l’autrice, qui y vit, d’ailleurs. On lit dans Les lanceurs de feu non seulement une géographie, mais aussi un aménagement urbain, une histoire, une sociologie. On y vit pleinement, parcourant ses rues et ses croisements. J’ai adoré la relation entre la ville et ses habitants, toute d’attirance et de rejet mêlés.
Enfin, j’ai énormément aimé le réalisme magique qui infuse dans ces pages. Du réalisme magique à Belfast, on n’y croit pas trop. Et pourtant, ça marche bien. Et ne croyez pas que parce qu’il y a le mot magique, il y a de la douceur et de l’innocence. Au contraire. Les lanceurs de feu est un roman qui raconte la violence à l’état pur, celle qui couve depuis des lustres et qui menace d’exploser. Le réalisme magique du roman apporte certes une dimension surnaturelle au récit, mais accompagne surtout à la perfection la montée de ces pulsions sauvages.
Mais un peu frustrant parfois
Mais justement, j’attendais une explosion. Or, elle n’arrive jamais vraiment. Comme si cette ville et ses habitants n’avaient finalement jamais la possibilité de s’exprimer totalement, toujours muselés avant l’explosion finale, et ce jusqu’au prochain tour. On prend des chemins de traverse, des longueurs dans le passé ralentissent le récit comme un peu d’eau froide dans la marmite bouillante. Et puis les scènes que l’on attend ne viennent jamais vraiment. Le roman m’a souvent paru comme un long dialogue entre deux personnages qui se croisent assez tard, intimiste et tourné vers leur passé respectif. Ça contraste pas mal avec le bordel ambiant qui semble ne toucher qu’indirectement les personnages – et c’est un peu frustrant. Ainsi, on n’avance pas beaucoup dans ce roman, et celui-ci se termine sur les mêmes portes grandes ouvertes dès le début : et maintenant, quoi ? Ben, je ne sais pas.
Nora Lake, Ce que font les filles à la nuit tombée
Présentation
Beaufort, Mississippi.
La récente disparition de May Miller, reine du lycée, fragilise l’équilibre déjà précaire entre les habitants de la ville. Parmi les élèves, la solitaire Thelma et la douce Ava ne semblent rien avoir en commun. Pourtant, elles se retrouvent liées l’une à l’autre lorsqu’un nouvel événement tragique déchire la communauté.
Chacune porteuse de son propre drame, elles se lancent à la poursuite de la vérité, une vérité au-delà de toute imagination.
Entre mysticisme et réalité, des fleurs éclosent, des fissures se creusent et l’étrange et dangereuse forêt de Creekside attend de révéler tous ses secrets.
Avis flash
Dernière chronique pour cet avis flash #22, exclusivement féminin, d’ailleurs. Ce que font les filles à la nuit tombée est ma plus grosse déception. Le résumé me tentait beaucoup, la couverture de Marcela Bolivar est superbe, comme d’habitude, et j’aime habituellement bien les romans du Chat noir.
Pas bon sur le fond…
Et pourtant, c’était une très mauvaise pioche. D’abord parce que le roman ressemble davantage à un script de film à peine développé qu’à un roman. Tout se passe très vite, trop. Le roman est trop rapide d’abord pour les personnages. Ceux-ci vivent ou ont vécu l’enfer, et pourtant ils ne semblent pas si impactés que ça. Il manque une profondeur psychologique à ces personnages, qui sont un peu trop superficiels en l’état pour être crédibles. Les choses semblent glisser sur eux… Et le roman est aussi trop rapide pour le lectorat, qui court après les rebondissements en pagaille. Et qui dit rebondissements en pagaille dit risque d’incohérences. Ça ne rate malheureusement pas ici : entre facilités scénaristiques, invraisemblances dans les réactions et deus ex machina, les ficelles sont grossières.
Alors là encore, il y a une ambiance, certes. Fin d’été poisseux, décors forestiers, ambiance high school américaine. Mais là encore j’attendais davantage. J’avais l’impression d’avoir un décor en carton pâte avec les must have du cahier des charges correspondant tous cochés. J’aurais aimé plus de suggestions, plus d’impressions, de ressentis. Parfois, il se dégage plus de choses dans le non-dit, surtout dans un thriller.
Pas bon dans la forme
Le roman manque cruellement de travail éditorial et de correction. Des passages entiers auraient mérité un remaniement ou un développement plus poussé. Par ailleurs, sur la forme ça n’a pas été l’extase non plus. Le registre de langue est courant (ce qui est cohérent par rapport aux personnages, mais ça m’éclate moins) et l’étendue du vocabulaire très limitée. Les dialogues sont particulièrement pauvres, sonnant creux, ni introduits ni étoffés, ce qui renforce l’idée du scénario de film. Et cerise sur le gâteau, le roman est truffé de fautes de grammaire et de langage (maladresses, barbarismes et solécismes, nombreuses répétitions). Je suis très peinée pour l’autrice qui a cédé ses droits à l’éditeur… pour qu’il en fasse ça. Son texte méritait mieux.
Ce roman a du potentiel, mais celui-ci n’a pas été exploité ni poussé à son maximum. Le cœur du propos repose sur de belles idées plutôt bien développées (diversité, sororité) mais il côtoie parfois des phrases d’une banalité grossière qui détruisent le tout. Du style « Elle avait toujours aimé les hommes plus vieux, aussi toxique[s] soient-ils » (j’ai remis le « s » manquant dans le bouquin, d’où les crochets…). Et hop, comment ruiner un propos en une phrase… Dommage. Le roman est parti dans la boîte à livres…
Je ne suis pas certaine de relire un Chat noir prochain si le travail édito reste aussi décevant. Ça me déçoit beaucoup. Pour le reste, je resterai attentive aux prochaines sorties de Sue Rainsford, même si je pense ne pas comprendre le projet de l’autrice. Enfin, j’ai très envie de lire Les ravissements de Jan Carson, roman que m’a d’ailleurs conseillé Rmd : ça se passe aussi pendant la période des Troubles, et j’aurais bien plaisir à retrouver la plume de l’autrice.
C’est fini pour cet avis flash #22 ! Avez-vous lu l’un de ces trois titres ? L’un d’entre eux vous donne-t-il envie de le lire ?
Ah dommage, les résumé étaient pourtant alléchants. Particulièrement Jours de sang, je me serais sans doute laisser tenter rien que par sa quatrième de couverture mais vu ton retour, je m’en passerai. Car si on n’attend l’élément perturbateur sans jamais le voir venir et qu’il n’y a que l’ambiance pour porter le roman, ca risque de me paraitre long. Bonnes lectures pour les jours à venir, en te souhaitant de belles découvertes. 🙂
Ben écoute, une copie l’a lu et m’en a fait une explication de texte émerveillée, alors on va dire que vraiment je n’avais pas les yeux en face des trous ! 😀 Mais quand j’ai lu son résumé détaillé, ça m’a confirmé que je n’avais vraiment rien compris. Ça m’arrive assez rarement de ne rien saisir à ce point, c’est très particulier !
Je te souhaite un bon dimanche et de belles lectures également 🙂
Ou peut-être que tu n’as pas été suffisamment transportée par la plume pour en saisir la portée. C’est une rencontre manquée, tout est question d’affinités, ca arrive. 😉 Merci, un très bon week end à toi aussi Zoé !
Ouch, mauvaises pioches en effet… Pour Ce que font les filles à la nuit tombée, j’ai personnellement été bien emballée, le roman m’a remuée dans tous les sens. Addictif, je l’ai lu en 2 jours.
Jours de sang, je l’avais noté mais vu ton retour je vais déjà me contenter d’explorer Jusque dans la terre.
J’espère que tes prochaines lectures te seront plus plaisantes !
Je l’ai lu super vite aussi, mais bon, beaucoup trop de défauts d’écriture pour moi. Il aurait gagné à être travaillé davantage pour être encore meilleur, j’aurais certainement apprécié plus avec ça. tant pis !
Pour le Sue Rainsford, une copie m’a expliqué le texte après sa lecture (émerveillée pour sa part, comme quoi !), et ça m’a confirmé… que j’avais vraiment rien compris 😀 Déjà Jusque dans la Terre est particulier – tu verras ^^ Ce sera le test 🙂
Pour le coup, j’en ai lu aucun. Eventuellement, le lanceur de feu me tenterait, je me souviens d’avoir visiter le musée du Titanic à Belfast et de m’être dit qu’il faudrait que je visite la ville un jour !
Ça pourrait te donner encore plus envie de la visiter, avec ce roman ! Pourtant ce n’est pas très joyeux… Mais j’ai trouvé ça assez vibrant, malgré tout.