Eléonore Devillepoix – La ville sans vent (tomes 1 et 2)

La ville sans vent est un diptyque d’Eléonore Devillepoix, paru aux éditions Hachette. J’ai commencé à lire le premier volume en ebook, et puis j’ai couru dans ma librairie préférée pour me procurer les deux livres en format papier. Les livres sont vraiment beaux, les couvertures signées Guillaume Morellec. Amanda m’avait donné envie de découvrir cette duologie sur son blog, et je l’en remercie ici, car je n’ai pas été déçue du tout. Le premier volume est un des 5 finalistes du PLIB 2021.

Synopsis

A dix-neuf ans, Lastyanax termine sa formation de mage. Mais le meurtre de son mentor fait de lui le plus jeune ministre d’Hyperborée, la ville sans vent. Son parcours est parsemé d’embûches, et tout ça ne s’améliore pas quand il croise le chemin d’Arka, une jeune guerrière au passé mystérieux, douée pour s’attirer des ennuis. Récemment arrivée en ville, elle semble mener sa propre enquête, quand Lastyanax veut faire la lumière sur le meurtre de son mentor. Bientôt, les morts pleuvent, et c’est la ville tout entière qui est en danger…

La ville sans vent nous emmène dans un univers fantasy foisonnant, magique, au cœur de magouilles politiques et diplomatiques, dans une quête du passé et de ses racines. Lastyanax et Arka vont devoir s’apprivoiser pour déjouer les plans des assassins et complotistes…

Présentation du diptyque

On est sur une duologie destinée à un public Young Adult. Personnages jeunes (Arka a 13 ans, Lastyanax 19), nombreuses péripéties, des thématiques phare (complots, amitié, héros élus, le thème de l’apprentissage…), une lecture très fluide. Pour autant, on le verra plus bas, les romans offrent bien plus qu’un simple divertissement.

En terme d’équilibre, le premier volume est massif (425 pages), et prend bien le temps de dessiner les contours de cette ville. J’ai particulièrement aimé ce tome, qui pose les bases de toute l’intrigue, crée les nœuds, et surtout le cadre urbain que j’ai trouvé génial. C’est une lente montée en tension, jusqu’à l’acmé finale, point d’orgue et explosion de l’intrigue. Le second tome est un poil plus court (390 pages), et je l’ai trouvé davantage dans l’action (qui ne m’a pas toujours convaincue, d’ailleurs), moins posé, plus rapide, guidant le lecteur vers le dénouement. On y reviendra aussi plus bas, mais j’ai moins aimé ce second tome (attention, c’est néanmoins resté une très très bonne lecture).

Le personnage principal de La ville sans vent : Hyperborée

Une ville pas si classique

Sa représentation semble assez classique de prime abord. Hyperborée est une ville à 7 niveaux. On retrouve les riches les puissants dans les tours des niveaux supérieurs, et plus on descend, plus c’est la loose et les gueux. Rien de nouveau sous le soleil sur ce point.

Mais ce qui est bien, c’est qu’on se promène dans tous les niveaux, et que chacun a un visage bien marqué. Hyperborée, c’est aussi une organisation horizontale, avec des quartiers spécifiques (les maîtres verriers dans la petite Napoca du second niveau par exemple) et ses lieux stratégiques (la cour de justice, la prison, la bibliothèque…). Eléonore Devillepoix évite le piège de ne se focaliser que sur les riches et les pauvres, et ajoute de la nuance, de la diversité et du mélange (certains personnages ont connu l’ascension sociale, qui prend ici tout son sens).

Une ville bourrée de détails

L’originalité vient surtout du fait que tout est vraiment bien développé, notamment les inventions et trouvailles sur lesquelles repose la ville : les moyens de transport (des tortuuuuues 🙂 ), les péages pour passer d’un niveau à un autre, les canaux d’irrigation (et voies de transport), la monnaie, ses portes d’entrées (avec la douane), son organisation politique (on y reviendra plus loin)

Hyperborée fonctionne avec un mélange de mécanique et de magie : c’est foisonnant, bourré de détails et c’est vraiment captivant. J’ai adoré me promener dans cette ville, que j’aurais adoré voir en vrai. Par ailleurs, l’aspect magique de la ville est un enjeu majeur du roman (le dôme, les matières magiques comme l’adamante, l’orichalque etc.). La ville n’est donc pas seulement un décor en carton-pâte.

Une intrigue complexe réussie

L’histoire

Particulièrement riche aussi, avec de multiples arcs narratifs et strates temporelles. C’est assez labyrinthique, j’ai dû m’accrocher pour tout retenir et tout comprendre.

Plusieurs fils s’entremêlent :

  • La recherche d’Arka de ses origines, de son passé, de ses racines
  • L’enquête de Lastyanax sur le meurtre de son mentor
  • Et en arrière-plan des complots politiques sur fond de situation diplomatique tendue avec d’autres peuples, tout ce petit monde ayant guerroyé jadis (et continuant de le faire).

Evidemment, tout ceci est lié, vous vous en doutez. Tout ceci fait qu’on ne s’ennuie pas, et c’est bien construit : tout ceci a du sens. Rien ne tombe comme un cheveu sur la soupe, les événements sont liés par le principe cause –> conséquence qui donne une structure solide à l’ensemble.

Quelques zones d’ombre en revanche demeurent, notamment le serpent Python, dont je ne suis pas bien sûre d’avoir saisi le rôle ni l’utilité.

Ajoutons à tout ceci des pouvoirs magiques, des prouesses technologico-magiques et des créatures bizarres/étranges/fantastiques : vous avez là un roman captivant du début à la fin, qui reprend des ingrédients savoureux du genre, et qui fait passer un très bon moment de lecture : ça fonctionne sacrément bien.

Les personnages

Je les ai trouvés intéressants, consistants, tant les protagonistes que les personnages secondaires.

A mon sens, le second volume prend davantage le temps de creuser les personnages que le premier, surtout focalisé sur la peinture de la ville et la construction de l’intrigue. Certains personnages connaissent d’ailleurs une évolution très intéressante.

Les méchants offrent aussi un visage ambivalent qui les rend humains, réalistes. Chaque personnage révèle des surprises (sauf Rodolphe, qui reste dans le cliché de la brutasse débile qui ne sert d’ailleurs pas à grand-chose en fait quand on y pense).

Le récit

J’ai adoré le premier volume, qui prend son temps, qui est soucieux du détail, et qui en plus est parsemé de touches d’humour délicieuses. Je l’ai trouvé innovant, original, super bien ficelé et très rythmé par l’alternance majoritaire des focus Lastyanax/Arka.

En revanche le second volet m’a un peu moins plu. Davantage centré sur Arka (ce tome est d’ailleurs sous-titré La fille de la forêt), qui ne me semble pas évoluer beaucoup pour le coup et qui vadrouille beaucoup en dehors d’Hyperborée (qui n’a plus le même faste non plus, d’ailleurs). Mais ce que j’ai le moins apprécié c’est le nombre ahurissant de péripéties qui s’enchaînent (du mal à tout suivre !), et qui se résolvent « comme par miracle ». Pas toujours, mais très souvent. J’ai trouvé que parfois, ça manquait de vraisemblance. Ah, les sauveurs qui tombent à pic, « comme-par-hasard » !

Le second volume m’a semblé beaucoup plus classique dans sa structure.

Un roman YA aussi pour adultes

C’est là pour moi le gros point fort aussi de ce texte, qui offre davantage qu’un moment de divertissement pour jeunes adultes.

D’abord, le texte aborde comme ça l’air de rien des sujets vraiment difficiles (la torture, la prison) et d’autres font l’objet de réflexions intéressantes (l’exercice du pouvoir, les élections, la découverte de la démocratie par le peuple hyperboréen). Surtout, le statut des femmes et leur rôle dans la société sont des questions centrales et objets de critiques, réflexions, débat. J’ai beaucoup apprécié cette dimension à travers le personnage de Pyrrha, la seule mage femme de l’assemblée. Là encore, ce n’est pas là pour faire beau, c’est finement traité, ça a du sens et ça apporte quelque chose au récit. C’est très bien joué.

Enfin, le roman s’inscrit dans une culture historique et mythologique bien marquée. L’organisation de la ville fait penser à l’organisation romaine (les riches patriciens, la plèbe, les prénoms à consonance romaine des personnages, le Basileus, terme utilisé par la Grèce antique pour désigner l’empereur romain). Par ailleurs, le récit évoque des récits de mythologie (Les Amazones, le peuple septentrional hyperboréen, le serpent Python…). J’ai bien aimé tous ces clins d’œil qui m’ont poussée à me renseigner sur tout ça, j’ai appris plein de choses d’ailleurs.

   

La ville sans vent est une duologie d’Eléonore Devillepoix, qui m’a beaucoup plu. J’ai énormément aimé le premier volume, vraiment original, foisonnant de détails, riche en imagination, rigolo, captivant… Si mon engouement est un peu tombé dans le volume 2, ça n’en reste pas moins un ensemble de qualité et passionnant, que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire tout du long. J’ai énormément apprécié l’aspect double lecture qui dépasse le simple divertissement de fantasy. De la sélection finale du PLIB, j’ai donc lu Rocaille (Pauline Sidre) et La princesse au visage de nuit (David Bry) et c’était de très bonnes lectures aussi. Je souhaite bon courage au jury pour n’en sélectionner qu’un !

9 commentaires sur “Eléonore Devillepoix – La ville sans vent (tomes 1 et 2)

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  1. Chronique très complète et qui rejoint bien mon avis ! Un tome 2 un peu en dessous, mais vraiment un univers hyper plaisant à découvrir. Et oui le vote pour le PLIB va être un enfer ?

    1. oui, tout à fait ! je me souviens que j’avais lu aussi ta chronique, et je m’étais dit que ça me plairait bien. Et oui, bon courage pour ce vote… ! c’est un très bon cru cette année !

  2. Très chouette chronique. Effectivement, de l’avis général le tome 2 est un peu en dessous du premier excellent sous bien des aspects. Mais rien à faire, dès que je lis Lastyanax je me marre xD, ça avait été le point de départ de mon quizz médicament ou personnage et à 85% les gens avaient voté médicaments ^^. J’en peux plus de ces noms en fantasy.

    1. ah c’est marrant ça ! je n’avais pas tilté à la lecture, je trouvais qu’il y avait une sorte de consonnance romaine qui matchait bien avec l’organisation urbaine de la ville, mais maintenant que tu le dis, c’est vrai que ça fait vraiment médicament !! 😀

  3. J’ai lu le premier tome en début d’année, et j’ai peut-être été un peu moins enthousiaste que toi, même si je te rejoins sur plusieurs points : j’ai beaucoup aimé l’organisation sociétale moi aussi (le côté horizontale de la ville, tant spatialement que d’un point de vue social), les petites trouvailles comme les tortues dans les canaux, le système de magie et notamment tout le dénouement autour des Amazones dans le premier tome. Mais à côté, j’ai trouvé le roman très classique tant dans les relations entre les personnages (le côté « maître / élève ») que dans l’enchaînement des péripéties ou le caractère même des personnages (surtout Arka, je n’ai pas accroché au côté « rebelle » qui a fait échos à de trop nombreux romans peut-être, même si j’ai aimé les nuances apportées par le fait qu’elle soit plus faillible qu’elle ne le laisse entrevoir au début). En bref, j’ai passé un bon moment de lecture, mais je ne sais pas trop si je me lancerai dans le tome 2, et ton retour ne m’encourage pas à me jeter dessus.

    1. Oui, je vois ce que tu veux dire concernant l’aspect classique des relations entre les personnages. Tu as raison de le pointer, effectivement, c’est du déjà vu et on aurait pu imaginer quelque chose d’un peu différent. J’ai néanmoins aimé qu’il n’y ait pas de romance cette fois entre les deux personnages principaux. Quant au tome 2, ça dépend vraiment de ce que tu recherches dans tes lectures. Pour ma part, je préfère les descriptions aux actions dans les romans, ça finit toujours par me fatiguer quand il se passe 36000 trucs à la minute !

      1. Oui c’est vrai que c’était agréable qu’on ne tombe pas dans la romance entre les deux héros, et que du coup l’autrice fasse le pari de montrer un autre genre de relation entre eux (maître / élève, j’ai ressenti aussi une petit côté « paternel » de temps en temps chez Last, je ne sais pas si cet aspect est creusé par la suite).
        Je vois ce que tu veux dire pour le côté « trop d’actions tue l’action » ahah. De mon côté ça dépend des romans, parfois les descriptions vont me lasser un peu (surtout selon le style de l’auteur / autrice ou la façon dont elles sont introduites, je pense), et parfois au contraire je me laisse totalement emporter par la poésie des mots !
        Je garde l’idée de tenter un jour le tome 2, on verra !

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