Et c’est parti pour les petites lectures et avis brefs de mars 2023 ! Dans cet avis flash #8 :
– Agathe Roméo, Cannelle et gingembre
– Arnauld Pontier, Sur mars
– Nancy Kress, L’une rêve, l’autre pas
– Vernor Vinge, Cookie Monster
Agathe Roméo, Cannelle et gingembre
Lecture pour les challenges printaniers : le Blossom Spring Challenge (menu Lapin de pâques et catégorie Les œufs de Fabergé – autre époque) et pour le Printemps de l’imaginaire francophone (Menu Beltaine, Nuit de Walpurgis – réécriture de conte).
Ce livre est le dernier SP que j’ai reçu dans le cadre de mon partenariat 2022 avec Magic Mirror. Je commence donc mes avis flash #8 par celui-ci, car c’était une grosse déception, et j’en suis un peu chagrinée. Le moins bon d’abord, et le mieux après.
Synopsis
Sur la lointaine Rotkap, terre hostile, cohabitent, tant bien que mal une majorité d’habitants végétariens, dont Cinnamon et Ginger, et des individus montrant un fort penchant pour la viande, ce qui leur vaut d’être appelés des Loups.
Les deux sœurs vivent au jour le jour, unies toujours, prenant soin d’une de l’autre. Mais lorsque Cinnamon recueille l’un deux blessé, tout bascule et cet équilibre fragile menace de basculer.
Avis flash
Déception d’abord sur la SF. Qui m’a donné un goût de trop peu. C’est davantage un décor de scène, qui manque selon moi cruellement de corps. D’autre part, il n’est quasiment jamais relié à l’intrigue. Finalement, j’ai trouvé que l’essentiel était dit dans le résumé. Ca ne répond pas à mes attentes en matière de SF.
Déception aussi sur la réécriture. On est ici sur la revisite de deux contes : Marlaguette de Marie Colmont et Blanche-neige, rose rouge des frères Grimm. Ici, c’est plus une transposition des contes (qui fonctionnent très bien ensemble cela dit) dans un autre univers qu’une réécriture. Ca manque de réflexion sur les contes mêmes.
Enfin, je n’ai pas été convaincue par les thématiques abordées. Actuelles avec un effort de nuance, mais un propos de départ volontairement stéréotypé. Donc une nuance sans réelle finesse et qui nous fait deviner les rebondissements très longtemps à l’avance. Il faut dire que le sujet ne me passionne pas outre mesure non plus, et je déteste les romans qui mettent en scène des Loups. Forcément, ça allait être compliqué de m’embarquer.
Enfin, l’écriture ne m’a pas transportée. Elle est certes fluide, mais je n’ai pas ressenti d’émotion pendant ma lecture, ni été émerveillée par le niveau de langage assez commun. J’aurais aimé une certaine mélodie dans le phrasé, un texte un peu plus débarrassé de tics de langage redondants et une subtilité dans le discours que je n’ai malheureusement pas trouvée.
Arnauld Pontier, Sur Mars
Et maintenant, place aux bonnes petites lectures du mois !
Sur Mars, 1ère lecture du Printemps de l’Imaginaire Francophone (Équinoxe – Vers l’infini et l’au-delà : space opera, SF). Un texte des éditions 1115.
Synopsis
» En mars, c’est Arnauld Pontier qui prend les commandes. Destination la planète rouge avec un carnet de voyage qui nous arrive du futur, journal de bord de la première mission humaine à débarquer sur Mars en 2025, avec l’espoir fou d’y découvrir la vie ou de percer les mystères de cette planète si proche de nous, de notre imaginaire, et pourtant si lointaine ».
Avis flash
Petit récit sous la forme d’un journal de bord. Factuel et précis dans les termes choisis et la description du quotidien à bord, les différentes taches et missions des personnages. Il y a un gros travail sur la cohérence et la vraisemblance du récit. Pour un peu, on dirait presque un récit d’un voyage qui a déjà eu lieu tant c’est criant de réalisme et de justesse. J’ai apprécié cette rigueur scientifique. D’ailleurs, à la fin du volume, vous pourrez retrouver une chronologie de l’aventure martienne, et un QR Code pour prolonger le voyage.
A côté de cela, cette novella se lit très facilement. Le présent donne un sentiment d’instantanéité renforcé par une sorte de sobriété dans le style du narrateur, qui va à l’essentiel. Une sorte de journal d’impressions dont l’apparente simplicité contraste avec la rigueur scientifique de mise dans ce journal.
Cela aboutit alors à un texte remarquablement accessible et très entraînant, aux réflexions philosophiques passionnantes. Des bribes de réflexions et des pensées fugaces, sur la nature humaine, le sens de la vie, le nécessaire recul à adopter, notre rapport au matérialisme, et bien sûr l’amour, qui nait dans des situations inattendues… Avec une douceur dans le propos, sans polémique, violence ni envie de brusquer. Une sorte de poésie sans fioritures, sans fard. Toute en simplicité. Un bien joli voyage que j’ai effectué là.
Nancy Kress, L’une rêve, l’autre pas
Des retrouvailles réussies avec l’autrice, après la grosse déception qu’avait représentée La fontaine des âges.
Synopsis
Deux jumelles, Leisha et Alice, viennent au monde. Leisha a été conçue « sur mesure », avec modification génétique lui permettant de ne plus dormir.
Huit heures d’éveil de plus par jour, un rêve pour apprendre, vivre et découvrir le monde…
Huit heures qui feront aussi d’elle, un être à part.
Avis flash
Une novella dont j’ai tourné les pages avec beaucoup de curiosité et d’intérêt.
Les manipulations génétiques qui sous-tendent le récit sont très bien expliquées, sans être soporifiques ni ennuyeuses. J’ai trouvé le propos passionnant, très clair et compréhensible, et surtout vraisemblable. L’ajout de plusieurs paliers et nœuds liés à ces modifications génétiques apportent de nouvelles conséquences liées à ces modifications génétiques et un second souffle au texte.
C’est tellement vraisemblable que la transposition entre le monde décrit dans cette nouvelle et le nôtre est très facile à faire. Les questionnements apportés par ces apports génétiques portent sur le plan sociétal et trouvent des échos évidents avec notre monde contemporain. Comment vivre ensemble au quotidien ? Est-on encore humain quand on est « modifié » ? Comment faire face à la violence induite par la peur de la différence et la jalousie ? Ces questionnements sont alimentés par le discours d’un personnage public et influent, auquel se réfèrent nombre des personnages de la novella. Ce discours, qui tantôt nous défrise, tantôt nous cajole, ajoute du grain à moudre à la machine en incluant dans ces réflexions les questions de l’individualité et de l’individualisme face au vivre ensemble.
Une novella qui m’a beaucoup plu donc. Certes, c’est court mais je trouve qu’elle reflète parfaitement la manière dont notre société fonctionne, avec une extrême rapidité, où les événements s’enchaînent avec une fulgurance glaçante. J’ai aimé la chute, qui oscille entre un optimisme (relatif) porté par le personnage principal et un futur qu’on devine compliqué et glaçant. Une sorte de porte qui s’ouvre sans retour en arrière possible.
Vernor Vinge, Cookie Monster
Dernier retour de lecture dans cet avis flash #8 : ma première lecture de hard SF, un UHL du Bélial. Une lecture sur les conseils d’Apophis dans son billet dédié à la Hard SF. C’était peut-être un peu optimiste – mais je m’en suis pas trop mal sortie.
Synopsis
Non, vraiment, la vie de Dixie Mae n’a pas toujours été rose… Mais grâce à LotsaTech, et au boulot qu’elle vient de décrocher au service clients de ce géant high-tech, les choses vont changer. Telle était du moins sa conviction jusqu’à ce que lui parvienne l’email d’un mystérieux expéditeur, message qui contient quantité de détails intimes liés à son enfance et connus d’elle seule… Dixie Mae, telle Alice, devra passer de l’autre côté du miroir et payer le prix de la vérité — exorbitant : celui de la nature ultime de la réalité au sein de la Silicon Valley…
Avis flash
Dixie a pris les traits, dans mon esprit de Judy Garland : elle est comme Dorothy dans Le magicien d’Oz. On croise dans le texte plusieurs références au conte. Ajoutons à cela le concept de boucle temporelle qui donne à certaines scènes l’impression d’un goûter sans fin (Alice au pays des merveilles) en moins rigolo. On a là une version modernisée et cyberpunk de deux contes anciens.
Mais Cookie Monster est surtout un texte de hard SF. Contrairement à ce que j’ai pu lire dans la majorité des chroniques de ce bouquin, c’est ardu. Ou alors, c’est moi qui suis dure à la comprenette… ! En attendant, ce charabia a clairement nui à ma compréhension de l’intrigue. J’ai donc écumé quelques sites et vidéos de vulgarisation sur l’informatique quantique (!) pour finalement, parvenir à saisir l’intrigue. Au terme d’une seconde lecture, quand même. Et donc j’ai pu expérimenter le vertige provoqué devant cette boucle sans fin, et réussi à comprendre le pourquoi du titre. Hourra.
Mais hourra un peu mollasson. Parce que sur le plan littéraire, ce n’était pas l’extase. Les reproches que je vais formuler sont connus et récurrents en hard SF. Certes, une page sympathique nous offre une intertextualité qui donne au texte des allures métalittéraires interrogeant le rapport entre réel et SF. Cependant, l’écriture est banale et les personnages creux. Je ne les ai pas trouvés crédibles du tout, notamment dans leurs réactions. Bon, je sais que la notion même de personnage est remise en question dans ce texte, alors peut-être ceci explique cela. Quant à la construction de l’intrigue, c’est tellement jargonneux et parsemé de dialogues inintelligibles que je peux difficilement dire qu’elle maintient efficacement le lecteur en haleine. J’ai en revanche apprécié le réquisitoire contre les grandes boîtes de la Silicon Valley, leurs pratiques commerciales, leur gestion RH…
Cette seconde expérience en hard SF pour moi (après Cérès et Vesta) est plutôt positive malgré tout. Ca me donne envie d’en lire davantage, d’autant que j’aime apprendre en même temps des choses. Mais la solidité scientifique d’un texte ne doit pas occulter ce qui pour moi fait l’intérêt d’un texte en premier lieu : ses qualités littéraires. Ca peut paraître binaire comme façon de voir les choses, mais j’ai encore ressenti un déséquilibre ici.
Et voilà pour ces avis flash #8, un crû bien meilleur ce mois-ci. Peut-être le résultat de meilleurs choix de lecture. En tout cas, trois lectures SF qui m’ont plu dans l’ensemble. Et ça ça me réjouit beaucoup, parce que j’avais justement envie d’en lire davantage pour diversifier mes lectures et me sortir de la lassitude éprouvée depuis des mois. Je pense que mes goûts sont en train d’évoluer, et très certainement mes lectures vont changer un peu de cap. Avez-vous lu l’un de ces textes ? Je sais que oui. Allez, soyez honnêtes vous rappelez-vous vraiment, je veux dire vraiment, de l’intrigue de Cookie Monster ? 😀
Le titre ne m’aurait pas inspirée mais je note sur Mars appréciant le côté journal de bord.
Il vaut le détour, c’est une jolie promenade que l’auteur propose, pleine d’humanité toute simple, sans artifices. Ca m’a bien plu, et ça se lit tout seul ! Je suis contente de t’avoir donné envie d’y jeter un œil 🙂
« J’ai donc écumé quelques sites et vidéos de vulgarisation sur l’informatique quantique » : je n’y connais rien en informatique quantique et pourtant je n’ai ressenti aucune difficulté à lire « Cookie Monster ». 🤔 Bon, peut-être que je n’ai pas essayé de comprendre et que j’ai pris ça pour du décor d’arrière-plan, je ne me souviens pas précisément. Pour moi ça a juste été une bonne nouvelle à chute. Mais si j’avais galéré autant que toi, nul doute que je l’aurais moins apprécié. ^^’
Tu rejoins les nombreux retours que j’ai pu lire et qui ne semblaient effectivement pas impactés par tous ces trucs techniques et qui avaient malgré tout apprécié la lecture. Peut-être que je cherche trop à tout comprendre, alors qu’en fait ce ne serait pas forcément nécessaire… Sauf que la première lecture a débouché sur, heu, rien, sinon beaucoup de perplexité ^^
Merci, Zoé, de cette jolie critique de mon « Sur Mars ». Elle a déjà donné envie à « Light And Smell », de le découvrir !
C’est un vrai plaisir de constater que des livres, même un peu anciens (il est de 2019) continuent à vivre grâce à des blogueuses/blogueurs. Vraiment.
Bonjour Arnauld,
Je pars du principe que sauf exceptions, un bouquin ne périme pas, et qu’il est comme un bon vin : encore meilleur après quelques années de maturation ^^ Un titre de 2019 a donc pour moi autant d’intérêt qu’une nouveauté (sinon plus, d’ailleurs, vu ce que j’ai pu lire ces derniers mois).
Bref, je m’égare : merci pour ce voyage, petit et grand à la fois, qui m’a bien plu. C’est la 1ère fois que je te lisais, ce ne sera pas la dernière. A la prochaine, donc 🙂
Ah, tu me vois ravie de cette réconciliation avec Nancy Kress, que j’aime beaucoup !
Oui, je vais poursuivre, j’aimerais bien lire danses aériennes maintenant !
Je suis désolée que tu n’aies pas accroché à Cannelle et Gingembre. Pour ma part, ça a été une lecture doudou fort appréciée à une période hyper chargée au travail (je rentrais le soir avec la sensation que mes neurones étaient grillés).
Sur Mars est dans ma PAL numérique, je pense l’en sortir cet été pour le challenge Summer Star Wars !
Ce n’est pas grave, et ce qui est assez rigolo c’est que cette rencontre complètement loupée a généré chez moi une envie dévorante de SF, et grâce à cela je me suis initiée à la hard SF (avec plus ou moins de succès, mais suffisamment pour me donner envie de poursuivre).
Quant à Sur Mars, ce sera effectivement parfait de le lire à ce moment-là ! Cela lui fera une belle mise en valeur.