Premières lignes #28 – Métempsychogenèses

Bonjour et bon dimanche ! Nous nous retrouvons ce matin pour les Premières lignes #28, qui sont des retrouvailles avec un auteur dont j’avais beaucoup aimé une duologie chez Albin Michel Imaginaire. Je vous présente ce matin l’incipit de la nouvelle novella qui paraît chez 1115, Métempsychogenèses, de Gauthier Guillemin. J’avais lu et adoré sa duologie Rivages et La fin des étiages, sa plume travaillée et son univers un peu onirique. Ici, changement de décor, place aux premières lignes et on se retrouve plus bas !

4e de couverture

Concernant l’art, il est convenu d’affirmer que rien ne surgit ex nihilo, il n’existe pas de véritable rupture car les artistes sont pris dans un maillage d’influences plus ou moins diffuses, et leurs œuvres sont uniques tout en ayant une histoire, une lignée. Nos récentes découvertes montrent que, dans bien des cas, ceci est à prendre au pied de la lettre… 

L’heure est venue pour l’humanité de quitter sa bonne vieille Terre et de se lancer à la conquête d’une nouvelle existence. Mais un dernier danger menace les voyageurs, celui de perdre la raison dans le silence éternel de ces espaces infinis. C’est alors qu’apparaît une solution : l’art. Mais comment capturer, puis transporter l’art ? Et peut-il réellement sauver la civilisation ?

Premières lignes #28 : Métempsychogenèses

Calée contre les premiers contreforts aigus des monts Qiiasimavoq, la petite ville de Sharp Plateau n’abritait plus de trappeurs ou de chercheurs d’or, pas plus que d’aventuriers cherchant fortune, et ceci depuis plusieurs centaines d’années. Quelques puits de pétrole avaient bien troublé l’espace vierge de la plaine, mais les forages n’avaient rien produit de concluant, ainsi, les longues caravanes de fret, les querelles autour des concessions et les rixes de troquet avaient rapidement cessé. Sharp Plateau aurait bien pu devenir une ville fantôme si des scientifiques n’avaient pas décidé de s’y installer durablement. Simple station météorologique dans un premier temps, base de départ et d’équipement pour des expéditions polaires, le site avait ensuite accueilli le premier centre mondial de recherches sur la cryogénisation et, depuis une dizaine d’années, les laboratoires où Soma travaillait.

De son reflet dans la baie vitrée encrassée, elle distinguait la haute silhouette longiligne, les épaules carrées, restes d’une pratique intensive de la natation, une main tenant une tasse de café, et un visage ovale encadré de mèches indisciplinées. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pris soin d’elle ? Et sans aller jusque-là, quand s’était-elle octroyé un simple répit ? Le travail avant tout, une mission qui accaparait toutes ses ressources, des enjeux monstrueux qu’elle affrontait avec détermination et une ténacité peu commune que ses équipiers lui enviaient. Alors, non, elle ne réfléchissait pas à ce qu’elle portait, ni à ce qu’elle mangeait, elle se coiffait avec ses doigts et laissait son corps encaisser les aléas et le stress qui en découlait.

Minuit passé, troisième café, les gardes étiraient les heures en longueur. Depuis ce quatrième étage du centre de recherches, elle balaya du regard la plaine qui s’étendait devant Sharp Plateau : une immensité glacée, recouverte d’un linceul grisâtre et glutineux constitué de neige, des sables apportés par les tempêtes d’été, et des cendres de la dernière éruption du super-volcan Tainos. Sur ce bout du monde des anciens territoires de l’Amérique du Nord Réunie, maintenant territoire arctique Nunavut, pas de séismes, pas de montée des eaux, pas de microbes. Raisons pour lesquelles les équipes scientifiques s’implantaient. La jeune femme fit quelques pas pour traverser la salle jusqu’à la baie vitrée opposée, but une gorgée brûlante, et suivit des yeux la route qui partait des faubourgs, grimpait en lacets jusqu’à un replat, puis se changeait en simple chemin pour filer vers le col Arquti, dont elle ne percevait la présence que parce qu’une balise blanche y clignotait par intermittences. En journée, lorsque le vent chassait les nuages épais et chargés de particules, elle aimait observer l’échelonnement des cols et des sommets majestueux.

Quelques réflexions

Je retrouve là les phrases à rallonge mais qui se lisent toutes seules de Gauthier Guillemin. Il a l’art et la manière de faire des phrases étirées, mais bien ponctuées, comme des souffles, et qui coulent fort bien. Sonorités, rythmes et images apportent une légèreté à cette prose pas forcément évidente à apprécier pleinement tout de suite. Mon SEO est tout affolé, parce que les phrases de cet article sont jugées beaucoup trop longues ^^

Je retrouve d’autres caractéristiques que j’avais remarquées dans la duologie de l’auteur parue chez AMI. J’aime toujours la manière dont l’auteur nous emmène littéralement en voyage : ses décors sont toujours très importants, dessinés en quelques phrases, dépaysants. Nous sommes ici dans un lieu assez sauvage, perdu, reculé. J’aime beaucoup les endroits un peu désertiques, qu’ils soient rocailleux, sableux ou glacés; ces endroits du bout du monde, peu peuplés, où tout est relatif.

Avec Rivages, nous étions dans un mélange mythes/onirisme. Ici, changement de décor et de genre, visiblement. Le résumé m’indique qu’on va quitter la Terre pour se lancer dans un voyage spatial, mais avec un angle très différent cette fois. Sur sa page instagram, l’éditeur apporte quelques éclairages sur le terme « métempsychogenèse ». C’est la capacité à capturer l’âme d’un défunt dans le flux métensomatique (flot de corps spirituels quittant les défunts pour renaître dans de nouveaux corps charnels, transmettant une partie de la conscience et des souvenirs de l’ancienne entité à la nouvelle) et forcer la métempsychose (transvasement d’une âme dans un autre corps qu’elle va animer – rappelez-vous Les âmes vagabondes, c’est le même genre) dans des conditions maîtrisées en laboratoire ».
Ca parait compliqué dit comme ça mais en fait, c’est tout bête (si si). Et donc l’enjeu de ce voyage spatial, j’imagine, réside dans la manière dont on peut transporter l’Art ainsi. Parce qu’on a besoin d’Art dans nos vies. Si si. Me voilà donc très curieuse de voir ce que tout cela va donner dans un si petit texte !

Un rendez-vous bloguesque partagé

Ce rendez-vous créé par Aurélia du blog Ma lecturothèque est suivi par pas mal de blogueurs et blogueuses : Lady Butterfly & CoCœur d’encreLadiescolocblogÀ vos crimesJu lit les motsVoyages de KLes paravers de Millina4e de couvertureLes livres de RoseMots et pelotesMiss Biblio Addict !!La magie des livresElo DitLe nocher des livresLight and smell.

N’hésitez pas à me dire si vous participez aussi à ce rendez-vous dominical, je pourrai ainsi actualiser la liste.

Qu’avez-vous pensé de ces premières lignes #28 ? Que vous inspire les quelques réflexions et la définition du titre par l’éditeur ? Aimez-vous les novellas de la maison 1115 ? J’apprécie les voyages littéraires que la maison offre, les expériences différentes, et le format. Cette novella sera lue dans les jours à venir, je vous en parlerai plus longuement bientôt. J’espère que ces premières lignes vous ont plu et donné envie de découvrir ce petit livre. Quelles sont vos lectures ce dimanche ? Je vous souhaite une belle journée et à bientôt !

5 commentaires sur “Premières lignes #28 – Métempsychogenèses

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  1. J’avais beaucoup aimé sa duologie chez A.M.I. Je suis tout à fait d’accord avec toi quand tu parles de la capacité de l’auteur à nous faire voyager grâce à sa prose. Et là, tu me donnes envie de découvrir cette nouvelle œuvre.

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