Becky Chambers – L’espace d’un an

J’avais beaucoup aimé Apprendre, si par bonheur. Alors quand l’Atalante a sorti l’édition collector de L’espace d’un an, je me suis jetée dessus. Ce n’est pas tous les jours que je lis de la SF qui me plait et qui me parle. J’ai donc intégré cette lecture dans deux challenges : le ABC de l’imaginaire (lettre C) et le Pumpkin Autumn Challenge, menu Automne rayonnant et catégorie Le don des Merrywick (Bienveillance, amour, aider son prochain). Et ça collait parfaitement. L’espace d’un an est le premier volume de la saga des Voyageurs, qui en compte 4. Si la lecture a été bonne, elle n’a pas non plus été aussi merveilleuse que je le souhaitais.

Synopsis

« Rosemary, jeune humaine inexpérimentée, fuit sa famille de richissimes escrocs. Elle est engagée comme greffière à bord du Voyageur, un vaisseau qui creuse des tunnels dans l’espace, où elle apprend à vivre et à travailler avec des représentants de différentes espèces de la galaxie : des reptiles, des amphibiens et, plus étranges encore, d’autres humains.

La pilote, couverte d’écailles et de plumes multicolores, a choisi de se couper de ses semblables ; le médecin et cuistot occupe ses six mains à réconforter les gens pour oublier la tragédie qui a condamné son espèce à mort ; le capitaine humain, pacifiste, aime une alien dont le vaisseau approvisionne les militaires en zone de combat ; l’IA du bord hésite à se transférer dans un corps de chair et de sang… »

De la SF humaine et transhumaniste

Becky Chambers est connue pour sa SF, dite bienveillante et positive. Je dirais plutôt humaniste, et transhumaniste.

La panoplie de personnages qu’elle nous présente est remarquable. Chacun est riche d’un passé dense, d’une profondeur intense et d’une complexité intéressante. L’espace d’un an est une SF très psychologique faisant cohabiter ensemble des individus que rien ne rassemble a priori, et ce dans un huis-clos pour un an. La diversité des personnages, tant humains que post-humains et non humains, binaires et non binaires, singuliers ou pluriels… est au cœur du récit. Comment vivre ensemble, lorsqu’on a des cultures, des pratiques et des valeurs différentes et venant de planètes qui n’ont rien en commun ? Comment dialoguer et se comprendre ?

Cela engendre des dialogues très justes, mais aussi des moments très émouvants, et aussi très rigolos. Becky Chambers parvient alors à traduire l’incroyable complexité des rapports entre vivants. Dans L’espace d’un an, les décors SF sont au service du récit centré sur les personnages. Ceux-ci ne servent plus une histoire et un paquet d’événements, ils sont l’histoire racontée. Becky Chambers redonne aux personnages toute leur place.

Finalement, la SF est ici un prétexte pour transposer dans l’espace et le futur des considérations très actuelles et nous permettre ainsi de prendre du recul sur notre présent. L’espace d’un an reflète la diversité de notre société aujourd’hui, et l’absurdité de la peur de l’inconnu ou de l’intolérance. Leçon de vie donc, mais aussi de philosophie, avec cette question : qu’est-ce qui nous définit en tant qu’humain ?

C’est beau mais c’est long

Alors oui, L’espace d’un an est un texte chaleureux dans le sens où il fait chaud au cœur. Il fait vibrer, espérer, il émeut. Malgré tout, ça ne m’a pas émerveillée non plus.

Pourquoi ?

Parce que j’ai trouvé le texte long

Si L’espace d’un an déconstruit à sa manière le schéma narratif traditionnel, à mon sens il ne propose pas quelque chose de passionnant ni de captivant sur la durée. En effet, il manque selon moi de suspense, d’événements perturbateurs quand même, bref de rythme. J’ai conscience que cette sorte de torpeur dans laquelle on est plongé retranscrit à la perfection cet espace d’un an que vivent les personnages. On lit un peu au même rythme qu’eux, où les jours s’enchaînent de manière réaliste, sans forcément une foule d’actions qui se bousculent. Malgré tout, je me suis un peu ennuyée du fait de cette impression de redite sur 500 pages. En cela, j’ai largement préféré Apprendre, si par bonheur, car l’autrice selon moi va là à l’essentiel et ne délaye pas son propos. Son message est le même, et pourtant plus percutant.

Parce que j’ai trouvé l’écriture et le fond un peu bisounours

Ensuite, parce que l’écriture ne m’a pas ébouriffée. Alors oui, j’ai adoré les trouvailles de langage pour nommer tout un ensemble d’objets inconnus. La traduction a dû donner pas mal de fil à retordre à Marie Surgers, d’autant qu’elle nous offre un texte fluide à lire, très bien relu. Le texte est d’une douceur incroyable, les mots se suivent avec l’impression d’une caresse. Nul accroc dans le récit, nulle brusquerie. La bienveillance et le respect d’autrui se lit dans le langage et le rythme du récit. Mais là encore, j’aurais aimé quelque chose de plus rebondi, pepsi, avec quelques acrobaties marquantes. La simplicité voulue du langage est tout à fait cohérente, mais là encore, à l’image du fond, ça m’a semblé assez mou. Alors peut-être que je suis quelqu’un de cynique en pensant que ce genre de récits, véhiculant des messages d’amour, de tolérance et de bienveillance, sonne un peu (beaucoup) bisounours à mes oreilles. Et l’écriture tout en douceur a amplifié mon ressenti.

De ce fait, j’ai lu ce texte avec un certain détachement, qui certes m’a fait un peu chaud au cœur par moments, mais qui, une fois terminé, m’a donné envie de retrouver quelque chose de plus réaliste, même si moins optimiste et plus violent.

En pratique

Becky Chambers, Les voyageurs, Tome 1 : L’espace d’un an.

L’atalante, 2022

Traduction : Marie Surgers // Couverture : Nicolas Sarter

Edition originale : The Long Way to a Small Angry Planet (2014)

Ignotus Awards 2019
Prix Julia Verlanger 2017

Autres avis : celui de Yuyine, définitivement fan de Becky Chambers; un avis similaire au mien pour Tampopo; une fresque d’humanité recommandée par Elwyn; chef d’œuvre pour Bob, qui ressort émerveillé par ce texte; un manque de cynisme pour BlackWolf, pas convaincu par ce texte pas assez sombre; enfin, l’Ours a apprécié la virée et a envie d’y retourner.

L’espace d’un an est le premier volume de la saga des Voyageurs, de Becky Chambers. C’est une lecture qui fait chaud au cœur, qui redonne un peu confiance en l’humain. J’ai souri, j’ai été émue, parfois et j’ai globalement apprécié le voyage. Malgré tout, je n’ai pas spécialement envie de me jeter sur le tome suivant. Je le lirai, bien sûr, mais avec moins de précipitation. Car j’ai trouvé que le format roman n’était pas idéal, ayant largement préféré le côté percutant d’Apprendre, si par bonheur, mixant novella et nouvelles. Percutant, direct, marquant : ce qui m’a manqué ici. Un propos certes fort optimiste et joli, mais trop délayé pour être pleinement efficace et manquant selon moi de réalisme pour y croire pleinement.

5 commentaires sur “Becky Chambers – L’espace d’un an

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    1. pareil. Je ne sais pas ce que donneront les tomes suivants. Je tenterai le prochain, en revanche si je m’ennuie autant je n’irai pas plus loin dans la saga.

  1. Quel dommage… mais je comprends très bien 😊. Tu n’es pas la seule à avoir trouvé que ça manquait de peps et d’enjeux. Moi, ça m’a fait un bien fou à un moment où j’en avais grandement besoin et je serai éternellement reconnaissante à Becky Chambers pour ça 😁. Et pourtant, je suis dans la team cynique 😆.

    1. je te recommanderais plutôt Apprendre, si par bonheur ou le nouveau qui vient de sortir Un psaume pour les recyclés sauvages, dont je ne lis que du bien (comme pour tous les bouquins de Becky Chambers cela dit; je me demande d’ailleurs si elle se renouvellera un peu ou restera dans ce genre de SF humaniste et positive… j’ai l’impression de lire des chroniques assez similaires quelque soit le titre chroniqué.

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