Je vous avais présenté, dans un récent billet, mon programme prévisionnel du festival international du livre et du film à Saint-Malo, Etonnants Voyageurs. C’est la première fois que j’y allais. J’ai mêlé salon du livre, films et conférence, et tourisme aussi, car je suis venue avec mon compagnon. C’était un très bon week-end, j’ai apprécié le festival, toutefois, je ne suis pas certaine d’y revenir prochainement. Retour sur le festival Etonnants Voyageurs 2023 : quelques impressions et remarques générales et bilan de mon expérience.
Ressenti et remarques générales
Un festival pour les riches ?
C’est une question qui m’a taraudée tout au long du week-end. Pour commencer, le festival Etonnants Voyageurs se tient à Saint-Malo à la Pentecôte. De ce fait, y séjourner deux nuits représente déjà un sacré budget. D’autre part, le billet d’entrée journalier (et je dis bien journalier) au festival est de 16 €. Pour les trois jours, il était possible d’avoir un billet unique d’une valeur de 40 €. En revanche, l’achat d’un billet permet d’accéder au salon tous les jours (quelle générosité !!). Ayant assisté à des conférences samedi et lundi, j’ai donc déboursé 32 €. Soit l’équivalent de deux bouquins.
Alors forcément, quand on a les moyens de venir à Saint-Malo à cette période, on les a pour le festival. J’imagine donc que c’est le raisonnement des organisateurs aussi. Quand on sait que le public est globalement très aisé, j’imagine qu’il n’y a pas trop de scrupules à faire payer 16 € l’entrée par jour.
En soi, cela peut se comprendre. Etonnants voyageurs est un festival international, d’ailleurs il y a eu beaucoup d’anglosaxons parmi les festivaliers, peut-être davantage cette année avec l’Irlande à l’honneur. Le festival mélange films, conférences, expos, ateliers littéraires… et salon. Et toutes les littératures. Bref, il attire un public plus large. Pour cela, il faut donc des lieux de grande capacité, répartis dans toute la ville, dont la location doit sûrement coûter bonbon. Beaucoup de monde à rémunérer pour assurer les files d’attente, la sécurité des lieux, le bon déroulé des événements. Malgré tout, ça reste un budget.
Tout cela a donné dans mon esprit le résultat Etonnants voyageurs = festival de riches ». J’ai peut-être une vision très expéditive et caricaturale des choses, mais c’est comme ça que je l’ai ressenti.
Des pratiques old school
Payer 16 € la journée, soit. Mais quand je ne parviens pas à rentrer dans une salle de conférence parce qu’elle est pleine, je l’ai (très très) mauvaise. C’est comme cela que j’ai zappé la conférence sur l’utopie avec Douglas Kennedy, Jean Krug et Marguerite Imbert. Et forcément ! : la salle avait une capacité de… 80 places !! Un samedi en plein après-midi ! Non mais allô quoi. Grosse erreur de débutants, pourtant le festival fêtait cette année ses 33 ans… D’ailleurs, selon les endroits, la gestion des files était tout aussi old school que le programme. De simples encarts avec le numéro de la salle devant la porte. A vous de vous rappeler dans quelle salle se déroule la conférence que vous vouliez voir. A moins de remettre le nez dans le programme à rallonge… Pratique ! Quant au décompte manuel… No comment.
Autre gros point noir : l’énooooooorme gâchis de papier. Sachez que vos billets, il faut les IMPRIMER. Parce qu’en échange, on vous donne un bracelet EN PAPIER et les organisateurs gardent votre billet A4. Ca c’est pour chaque jour. Pour les gens qui faisaient tout le festival, le bracelet était en plastique… Et ensuite, quand vous entrez dans le salon, on vous donne… un bon d’entrée en papier, cela pour comptabiliser le nombre de visiteurs. Au. Secours. Je ne parle pas du programme « abrégé » imprimé en format journal A3 gratuit et distribué à qui le souhaite (sur du beau papier et en couleurs, sur plusieurs pages) ni du programme complet imprimé en format revue (bon, lui était payant – m’enfin était-ce vraiment nécessaire ?? Vous allez me dire, papy mamy et les smartphones c’est pas évident et comme le public est essentiellement âgé…).
Bref, Etonnants voyageurs est un festival international, mais qui propose une gestion des flux assez vieillotte et pas mal de loupés sur le plan environnemental. Peut mieux faire sur ces plans.
Le salon
Pour vous en faire une idée, c’est un peu comme la bulle des Imaginales. Ici, c’est un grand rectangle, avec des stands par maison d’édition, où signent les auteurs invités. Trois rangées de stands et deux rangées de circulation qui les séparent. Les stands regroupent souvent plusieurs maisons, en fonction des librairies qui fournissent les bouquins. C’est ainsi que Mnemos, Le bélial, Actu SF et Critic étaient situées sur le même stand (librairie Critic).
J’y ai passé un peu de temps, dans ce salon. Notamment auprès du stand de Critic & Co, mais aussi chez Albin Michel, Les forges de Vulcain, Folio… Et puis j’en ai profité pour flâner un peu plus auprès de maisons de littérature blanche, et j’ai d’ailleurs été séduite par un bouquin chez Sabine Wespieser et deux chez Zulma.
J’ai fait de belles retrouvailles (Emilie Querbalec, Jean Krug), et de belles rencontres (Etienne Vincent, Jan Carson, et Alexandra Koszelyk, un moment hors du temps et très très chouette). suis repartie avec 9 achats, 1 bouquin offert et 1 SP en avance. Et j’ai déjà fini une des novellas que j’ai achetées au Bélial (Waldo, pas mal du tout) et La maison des livres (ouhlala pas terrible du tout).
Conférences & films
La figure du vampire
Autant j’ai loupé la conférence précédente sur l’utopie, autant celle-là j’étais dans les starting block et j’ai fait la queue 45 minutes pour espérer poser mon auguste fessier dans la salle de conférence.
Et c’était vachement bien. Il s’agissait d’une discussion entre David Meulemans, éditeur des Forges de Vulcain, avec Adrien Party, créateur du site vampirisme.com et auteur d’un essai intitulé Vampirologie (Actu SF, 2022). Ce bouquin a d’ailleurs reçu le GPI cette année dans la catégorie Essai. J’ai appris des tonnes de choses, et ai été bluffée par la somme de connaissances d’Adrien Party sur le sujet. Evidemment, il bosse là-dessus depuis 2006, date à laquelle il fonde son site Vampirisme.com. Mais quand même, sa culture est immense, et le bonhomme assez humble – et très rigolo.
L’auteur a raconté un peu l’origine de son projet et comment il en est venu à explorer cette figure littéraire. C’était assez rigolo de noter que l’origine du projet (un carnet de notes de voyages) correspondait parfaitement à la thématique du festival… ! D. Meulemans et lui ont donc papoté un petit moment sur ses voyages en Transylvanie et Adrien Party en a évoqué quelques souvenirs cocasses.
Il a ensuite esquissé un historique du vampire, à chaque fois en le remettant en perspective par rapport à son époque et le sens que les artistes lui ont donné. Comment se sont forgées les caractéristiques du vampire ? Quel sens le vampire revêt-il ? Que dit-il, dans le fond ? On comprend alors que celui-ci est un condensé de modes, de rajouts, de sens superposés, au fil du temps. Et qu’il porte en lui les peurs de nos sociétés : il en cristallise les tabous.
L’auteur a enfin évoqué, dans un question-réponse rapide, les œuvres qui l’ont marqué, tant visuelles, que littéraires (romanesques et théâtrales), musicales et ludiques. C’était une rencontre fort instructive.
Worlds of Ursula K. Le Guin / Ce que je dois à Ursula K. Le Guin
Double temps-fort lundi matin : projection d’un film documentaire sur l’œuvre de l’autrice (Worlds of Ursula K. Le Guin, dir. Arwen Curry, 2018) et table-ronde animée par David Meulemans sur l’héritage laissé par l’autrice. Trois autrices : Emilie Querbalec, Ketty Steward et Vinciane Despret.
Worlds of Ursula K. Le Guin
Le film était passionnant bien qu’un peu fourre-tout et manquant de rigueur dans son récit. Malgré tout, j’ai là aussi appris énormément de choses. J’ignorais sur quoi rebondir après la lecture de Terremer l’année dernière, notamment après Tehanu qui m’a laissé un sentiment un peu mitigé. Le film m’en a donné un autre regard, fort intéressant; il faudra que je le relise à l’occasion. En attendant, j’ai désormais très envie de lire Les dépossédés, La main gauche de la nuit et The Ones Who Walk Away from Omelas.
J’ai adoré le parallèle entre l’œuvre de l’autrice et la construction de sa démarche d’artiste. On y voit une pensée qui s’élabore et de construit de manière consciente, au fil des années et de l’évolution des regards portés par l’autrice sur son époque. Fort pertinent de montrer comment son travail accompagne les évolutions sociétales, culturelles et politiques de son époque. De la même manière, le documentaire parvient à montrer l’aspect très visionnaire de l’œuvre d’Ursula K. Le Guin, en avance sur son temps. Elle a en effet écrit des textes sur des sujets qui sont aujourd’hui sont au cœur de gros bouleversements, et a porté dans ses écrits un regard tellement neuf, avant-gardiste.
Que dois-je à Ursula K. Le Guin ?
Ensuite, la conférence était intéressante, mais deux des autrices présentes, Ketty Steward et Emilie Querbalec, ont découvert Ursula K. Le Guin seulement après avoir commencé à écrire. Forcément, difficile de parler de filiation directe…
Toutefois on s’est rendu compte que les trois autrices présentes ont des similarités évidentes avec Ursula Le Guin. Une culture commune, un même regard féminin dans un monde SF globalement encore majoritairement masculin, une culture et des valeurs familiales amenant chacune d’entre elles à s’interroger, à chercher, à explorer… Et surtout, une approche anthropologique et scientifique dans la manière d’écrire et d’appréhender le monde pour construire le récit, raconter la diversité du monde et interroger l’altérité.
Finalement, le but des autrices présentes est davantage de poursuivre le travail d’Ursula K. Le Guin : tenter, expérimenter, être en avance sur leur temps sans savoir trop comment ni sans savoir si la manière dont elles le font est la bonne… Mais le faire quand même.
Voilà en quelques mots mon retour sur le festival Etonnants voyageurs. Hormis la conférence qui m’est passée sous le nez, c’est globalement positif pour moi. Toutefois, je ne pense pas y revenir prochainement, c’est quand même cher payé et un peu trop vieillot, tant dans l’organisation que dans le public. Forcément, faire un festival tout seul c’est déjà un peu moins enthousiasmant, d’autant que sur le plan de l’imaginaire, c’est plutôt restreint. Malgré tout, je suis très contente de cette balade en dehors de mes sentiers battus, parce que le salon m’a donné envie d’élargir mes horizons. Et puis j’ai aussi appris beaucoup de choses. En somme, je suis donc très contente d’être venue à cette édition d’Etonnants voyageurs !
Je t’avoue que faire payer l’entrée est pour moi problématique et aussi cher rédhibitoire. Mais malgré cela et l’organisation à parfaire, tu sembles avoir fait de belles emplettes et appris pas mal de choses. J’aurais bien aimé assister à la conférence sur les vampires….
Oui j’ai aimé ce à quoi j’ai assisté en effet ! La conférence sur les vampires était chouette et rigolote 🙂
Mais oui, c’est clair que ce prix-là ça calme…
Je dois dire que si j’avais du payer autant pour entrer je n’y aurais pas été ne fut ce que pour le principe 😅 ce ne sont hélas pas les seuls (je pense à trolls et légendes qui pratique le même tarif) mais franchement c’est pas génial… Surtout si tu n’as pas l’accès garanti à tout ce pour quoi tu as payé !
Mais heureusement il y a eu du positif 😊
Ah flûte, je ne me souvenais pas que trolls et légendes c’était comme ça. J’aimerais bien aller à la prochaine édition de ce festival qui me tente bien.
Si hélas, si je devais y aller comme visiteur j’y réfléchirais à deux fois vu le prix de l’entrée 😅 après le festival est bien et propose plein d’animations 🤷
Un bilan complet et honnête, je suis contente qu’au final, tu aies passé un bon weekend !
Oui, et c’est bien le principal, je ne retiendrai que le positif 🙂 (mais aussi le prix pour ne pas y revenir chaque année ahah)
Ouch ça fait cher en effet 😅
Je suis contente qu’il continue à tourner le documentaire sur Ursula K. Le Guin, je l’avais vu aux Utopiales il est top (et s’il te donne envie de lire d’autres textes c’est qu’il fait bien son job ^^)
Oui, n’est-ce-pas ? C’était bien pour cette fois, m’enfin pas tous les ans quand même…
Je n’avais jamais vu ce film mais oui, chouette, et effectivement, contrat rempli 🙂
Habituée de ce festival depuis plusieurs années, je n’y retournerai plus. Profusion d’écrivains ou de cinéastes dont on ne peut finalement voir que 3/4 en trois jours, tant les lieux sont éloignés, les files d’attente de plusieurs mètres sans qu’on soit sûre de pouvoir entrer. Les pointures reçues dans une salle trop petite pour le public attendu, faire donc le choix systématique de sacrifier un écrivain pour se consacrer à une file d’attente….le tout militairement encadré par des vigiles dont certains sont franchement agressifs. Comme si Michel Lebris était mort en emportant toute la magie de son festival avec lui.
Finalement une sorte d’arnaque où l’on vous promet beaucoup mais où de fait on voit bien peu. Sauf si vous y allez sans attente, nez au vent, pour papillonner à droite et à gauche
Quand à l’âge moyen du public, il faut vraiment être une jeune conne pour que ça pose problème
Je vous rejoins sur le problème de la configuration des lieux, qui ne convient pas au public, j’étais déçue de ne pas pouvoir rentrer dans une salle pour écouter une conférence; une fois que j’ai compris qu’il fallait se pointer longtemps à l’avance j’ai pris les devants, mais effectivement c’était dommage de sacrifier du temps d’échange avec les auteurices pour aller faire la queue. Malgré tout, j’étais contente de l’avoir découvert au moins une fois ce salon, même si je n’ai pas connu ses premières années; je ne peux pas dire si ce festival a perdu son âme et sa magie, mais vous semblez être une habituée (enfin, sembliez, de ce que je comprends), alors ce que vous en dites est assez triste…
Il me semble que le GPI ne sera plus attribué à partir de l’année prochaine à ce salon, et je me demande de ce fait si les éditeurs d’imaginaire vont continuer à y venir; si ce n’est pas le cas, peut-être ce festival connaîtra-t-il une nouvelle mouture et un second souffle qui pourraient lui être bénéfique… A voir.
Concernant l’âge du public, c’était une simple remarque ; c’est ce qui a fait que je ne me sentais pas forcément en phase avec lui parce que les stands où je suis allée le plus souvent n’attiraient pas forcément ce public-là, plutôt intéressé par les maisons davantage généralistes; des goûts de lecture différents qui font que je n’ai pas ressenti autant de communion avec le public comme cela a pu être le cas dans d’autres festivals.
Maladroitement exprimé dans mon billet, j’en conviens.
Si cela fait de moi une jeune conne, soit ! On a tous été des jeunes cons et on finira tous vieux cons, alors je prends mon temps en restant dans la 1e catégorie 😉