Au menu de cet avis flash #10 du mois de mai, un abandon mais trois lectures très satisfaisantes ensuite. Un mois de lectures plus paisible et de bonnes découvertes hormis un accident de parcours.
– Ariel Holzl, Les royaumes Immobiles, Tome 2 : Le règne des chimères
– John Scalzi, Les enfermés
– Laura Lam, La lumière lointaine des étoiles
– Ken Liu, L’homme qui mit fin à l’histoire
Ariel Holzl, Le règne des chimères
Je commence tout de suite par la seule déception de cet avis flash #10.
Résumé
Un mois s’est écoulé depuis la fuite d’Ivy et d’Odd vers l’Ailleurs. Mais Ivy va devoir retourner dans les Royaumes, poussée par deux anciennes connaissances venues la chercher. Le Glimmer poursuit sa déliquescence et un peu partout des chimères cauchemardesques peuplent la nuit. Ivy va devoir se battre pour son peuple, nouer de nouvelles alliances et surveiller ses arrières…
Avis flash
Hé bien j’attendais avec impatience ce tome, et ce fut une grosse déception.
Le premier tome m’avait plu; ce n’était pas un coup de foudre non plus pour pas mal de raisons mais c’était un divertissement assez sympathique. J’ai quand même dû le relire le tome 1 avant d’enchaîner, car j’avais quasiment tout oublié.
Mais j’ai traîné la patte dans ce second tome, pour plusieurs raisons.
La correction pas au top, déjà. J’ai déjà du mal avec les livres pas suffisamment bien corrigés, mais je trouve cela encore plus embêtant quand c’est destiné à un public jeunesse.
Le statut d’Ivy m’agaçait déjà un peu dans le 1er tome, ici la manière dont elle se met dans la peau d’une Reine alors qu’elle n’y connait toujours rien m’a agacée. Sa métamorphose est abrupte, je n’ai pas réussi à la trouver crédible. Et sa vision idéale du monde m’a semblé trop bisounours. Peut-être aurais-je dû lire ce roman en le considérant plutôt comme un conte, pour éviter de chercher de la consistance et de la nuance dans les personnages. D’autre part, la romance ne m’a pas non plus convaincue.
Enfin, le rythme est plus longuet ici que dans le premier volume ponctué d’épreuves. J’ai trouvé le déroulé assez brouillon, pas suffisamment approfondi dans les échanges et les nouveaux personnages introduits, et pas assez percutant. J’ai davantage eu l’impression de me balader dans des terres désolées. De survol, en fait.
Alors voilà, parfois on a envie de la trouver mais la magie ne vient pas…
John Scalzi, Les enfermés
Mon premier Scalzi, et certainement pas le dernier. Je suis tombée sur ce titre complètement par hasard dans ma liseuse, sans même trop savoir comment ni quand je me le suis procuré. J’avais envie de lire La controverse de Zara XXIII mais je préférais d’abord lire le roman qu’il réécrit (Les hommes de poche de H. Beam Piper). J’étais aussi en pleine période d’abandons et de lectures bof à la chaîne, et trop fatiguée pour me relancer dans une chronique à rallonge sur le blog. Alors ce fut sur Les enfermés que je me suis arrêtée, une lecture avalée goulûment, sans crayon à la main, sans aucune attente – et j’ai été de ce fait carrément et très agréablement surprise.
Résumé
Un nouveau virus s’est abattu sur la Terre. 1% des victimes ont subi le « syndrome d’Haden » : parfaitement conscients mais prisonniers de leur chair, ils sont devenus des « enfermés ». 25 ans plus tard, de fantastiques innovations technologiques permettent à ces enfermés de continuer leur vie.
Chris Shane est un Haden et un tout nouvel agent du FBI. Sa première enquête : un meurtre semblant banal, derrière lequel se trouvent pourtant des enjeux colossaux, tant financiers que politiques.
Avis flash
Les enfermés est un roman surprenant, qui croise SF et enquête policière. Pas de renouveau du genre du polar, mais le récit est efficace et reprend tous les ingrédients du genre qui ont fait leurs preuves. Haletant, bien dosé en fausses pistes, suspense et personnages convaincants.
Mais c’est surtout l’aspect SF qui m’a plu. J’aime déjà beaucoup les post-apo-virus mondial. Forcément, un virus inconnu qui fait 400 millions de morts et oblige les sociétés à s’adapter, ça allait me plaire. Pourtant, le roman ne s’attarde pas vraiment là-dessus. Il commence 25 ans après, et nous plonge dans un quotidien déjà recomposé, et qui « vit avec ».
Et là, c’est génialissime. Parce que John Scalzi nous propose quelque chose d’hyper dense et bourré de détails. Il invente les Hadens, ces enfermés prisonniers de leurs corps. Mais il invente aussi tout ce qui permettra à ces 1% de la population de continuer à vivre : des implants cérébraux pour communiquer; de l’emprunt d’androïde pour se mouvoir et accueillir leur conscience; et enfin, de l’hébergement dans un autre corps rescapé, l’intégrateur. Ca fait beaucoup à assimiler d’autant qu’on est plongé in medias res, à nous de nous y retrouver et de tout mettre bout à bout au fil de l’eau.
Ce que j’ai adoré au-delà de cette imagination débordante, c’est la manière dont l’auteur a réfléchi toutes les conséquences sociales, politiques, culturelles et économiques de cette révolution. C’est tout l’enjeu du roman, et en cela la partie polar s’intègre parfaitement au back-ground d’une finesse remarquable. Le tout est d’une crédibilité incroyable, et sans aucune lourdeur dans le propos.
Et enfin, cerise sur le gâteau : après le roman vient une autre surprise, la novella Unlocked : An oral history of Haden’s Syndrome, qui ressemble à une sorte d’enquête a posteriori sur l’apparition de la maladie. Des rapports, interviews d’experts, politiques, journalistes, personnes lambda… qui donnent un aperçu global du virus et de la manière dont les choses ont ensuite évolué et ont été vécues par chacun. J’adore ce genre d’artifices, et ici cela donne une matière supplémentaire pour apprécier toute la richesse de l’univers imaginé par Scalzi.
Laura Lam, La lumière lointaine des étoiles
Résumé
Les écosystèmes de la Terre s’effondrent. Le dernier espoir de survie de l’humanité réside en Cavendish, exoplanète potentiellement colonisable. Une équipe de 5 femmes est réunie pour y faire de la reconnaissance. Mais lorsque cette mission leur passe sous le nez au profit de collègues masculins, elles dérobent le vaisseau à destination de la nouvelle planète. Les ennuis ne font que commencer…
Avis flash
Je dois avouer que c’était mal parti. Les premières pages consacrées au vol du vaisseau m’ont paru complètement ahurissantes tant je n’y ai trouvé aucune crédibilité. Je trouvais qu’on était davantage dans le côté roman d’aventures un peu loufoques, dans lesquelles on me demandait d’y croire les yeux fermés (le willing suspension of disbelief : vous mettez votre scepticisme de côté et vous croyez à ce qu’on vous raconte les yeux fermés).
Heureusement, on rentre rapidement dans quelque chose de beaucoup plus solide. L’autrice n’a pas de formation scientifique académique mais son travail de recherches préparatoires a payé, car elle offre un récit passionnant et convaincant. Je n’ai pas trouvé la plume extraordinaire; mais je n’ai pas lu la VO. En revanche, je me suis éclatée sur deux plans :
- celui de l’intrigue. Une traîtresse à bord, des cachotteries, des dangers, le tout dans un huis-clos spatial. J’ai beaucoup aimé suivre ce quotidien et me sentir intégrée à cet équipage féminin très diversifié. Le récit m’a semblé équilibré, sans longueurs excessives, ni rebondissements précipités en cascade. Evidemment, le dernier cinquième s’emballe un peu, mais j’ai été très agréablement surprise par le chemin choisi par l’autrice. Finalement, cette fin de roman donne un autre aperçu sur toute l’épopée vécue par ces femmes et le sens de leur voyage.
- et le plan scientifique. On suit davantage Naomi, biologiste et botaniste de talent. C’est déjà ce que j’avais aimé dans Retour sur Titan. Je ne comprends pas grand chose en physique, mais tout ce qui est génétique, botanique, biochimie et géologie me passionne et me parle. Les séquences d’horticulture spatiale m’ont donc forcément ravie.
Le roman propose également des réflexions tout aussi passionnantes sur l’utopie. Reconstruire une société oui, mais à partir de quel substrat initial ? Pour aller où ? Comment éviter que l’utopie d’untel devienne une dystopie pour l’autre ? Une utopie est-elle réaliste, et peut-elle se construire sur des cendres ? Jusqu’où peut-on aller pour s’arracher à la tyrannie, sans risquer d’en proposer une nouvelle ? Autant de propos qui sont abordés selon moi dans ce roman avec force et pertinence.
Ken Liu, L’homme qui mit fin à l’histoire
Et un petit UHL pour terminer cet avis flash #10 et mon premier Ken Liu. Là encore, ce ne sera pas le dernier.
Résumé
Futur proche.
Un procédé révolutionnaire permet de retourner dans le passé. Une seule fois par période visitée, pour une seule personne, sans aucune possibilité d’interférer avec le passé. Une révolution qui promet la vérité sur les périodes les plus obscures de l’histoire humaine. Plus de mensonges. Plus de secrets d’État. La vérité à tout prix. Quitte à mettre fin à l’Histoire.
Avis flash
Voilà un auteur que je n’avais jamais lu, et cette lecture m’a agréablement surprise, à plusieurs titres.
D’abord, sa narration, évidemment. La novella est sous-titrée : « un documentaire ». Ken Liu propose une retranscription d’un film documentaire rassemblant débats, enquêtes, interviews… portant sur la réception de la découverte des époux Kirino. Une période en particulier de l’Histoire a été visitée (je ne dirai pas laquelle et je ne l’ai pas mis dans le résumé, pour laisser la surprise), par des personnes lambdas grâce à cette innovation, et les témoignages apportés sont postérieurs à cette découverte et aux visites effectuées. L’intrigue se découvre donc par ce compte-rendu plusieurs jours-mois après. C’est un procédé déroutant, qui peut paraître froid à cause de son parti pris très factuel, mais qui m’a plu.
J’ai trouvé le propos saisissant, et fichtrement poignant, paradoxalement. Déjà parce qu’il y a une sorte de retranscription presque clinique de récits et de faits monstrueux. L’intérêt d’une telle narration c’est d’exclure tout le pathos et ce qui se raconte se livre de manière brute, sans fard. D’autre part, l’auteur mélange sa SF à un passé et un présent réels; la période observée, au centre de la novella, a bien existé, et elle continue d’impacter le présent. Ce n’est donc pas de la fiction pure.
Et c’est vertigineux, car ce mélange réalité-SF permet à l’auteur de poser plein de questions passionnantes avec une force incroyable. Quel est le rôle de l’historien ? Comment se construire en tant qu’Etat par rapport au passé ? Quelle responsabilité pour les politiques ? Quel poids du passé dans les relations géopolitiques contemporaines ?
Finalement, le mois de mai a été plus clément avec moi. Enfin, j’ai été plus clémente avec moi-même aussi. J’ai laissé de côté un temps mon crayon et choisi plus instinctivement mes lectures, avec une attente proche de 0. Et étrangement (ou pas), j’ai apprécié mes lectures-découvertes. Je me rends aussi compte que la fantasy et moi, ça devient compliqué. J’ai davantage de surprises désormais en SF, que je ne connais pas bien. Moins d’ennui, donc, ce qui donne un avis flash #10 satisfaisant.
Avez-vous déjà lu l’un de ces titres ? Qu’en avez-vous pensé ? D’autres à me conseiller ? Bonnes lectures à et bientôt pour un prochain avis flash !
J’étais passée à côté de la sortie de La lumière lointaine des étoiles. Si je ne suis pas très sf ce huis-clos spatial m’intrigue pas mal malgré un départ peu crédible…
Il vaut le détour ce livre, il est vraiment pas mal du tout ! Très abordable en SF, et hautement captivant, je te le recommande, je trouve qu’il est adapté quand on n’est pas trop SF. Il offre de belles réflexions avec une portée féministe en plus, c’est très pertinent.
Ça fait pas mal d’avis mitigés que je vois sur des romans d’Ariel Holzl dernièrement, ça m’attriste, je vais peut-être rester avec mon sentiment positif des Sœurs Carmines et ne pas en lire d’autres finalement. 😅
C’est quelque chose « L’Homme qui mit fin à l’histoire » quand même. J’avais été un peu moins enthousiaste que d’autres, mais toute la réflexion qu’apporte Ken Liu en si peu de pages est vraiment impressionnante.
Je pense que l’auteur écrit pas mal et sort beaucoup de choses depuis quelques années, en un temps à chaque fois assez resserré; je sais que ce n’est pas parce que plusieurs publis arrivent en même temps que les textes ont été écrits en même temps mais ça m’interroge sur le temps de maturation des textes et le temps nécessaire qui leur est laissé pour les peaufiner, les corriger correctement et les approfondir suffisamment. Après, peut-être que ça suffit pour l’éditeur et le public cible visé. Mais je n’ai rien lu d’aussi bon que les Soeurs Carmines depuis, en effet.
Et sinon, le bouquin de Ken Liu, oui c’est quelque chose. Déjà j’ai appris plein de choses et autant de matière en si peu de pages, comme tu le dis, c’est fou.
Le Laura Lam pourrait bien me plaire, je note ça dans un coin, merci!
Il vaut le détour, je te le conseille ! Il se lit avec gloutonnerie en plus ^^
Apparemment, tu as presque trouvé ta loupiote dans la nuit avec la nouveauté que la SF peut t’offrir 🙂.
Je n’ai lu aucun des livres dont tu as parlé. Le John Scalzi et le Ken Liu ont l’air pas mal. Je les rajoute à ma wishlist.
Tout à fait ! Ce n’est pas encore l’extase, mais j’apprécie les quelques lectures que je peux faire.
Ils sont super 🙂 Ca a été deux très bonnes surprises, et le Ken Liu est formidable, un bouquin à lire absolument. Par contre, attention, il est dur – pas dans son écriture mais dans ce qu’il raconte. C’est un coup de poing dans la figure ce titre !