Gwendolyn Kiste – Plumes et ciguë

Plumes et ciguë est un roman de Gwendolyn Kiste, un des petits derniers nés des Editions du chat noir. Une lecture de l’automne frissonnant du Pumpkin Autumn Challenge, catégorie « Double, double, Toil and Trouble » (sorcière). Si ce texte a parfaitement rempli sa mission, en revanche je l’ai trouvé difficile à aborder. Il vaut mieux avoir le cœur bien accroché. Néanmoins, c’est indéniablement un roman de qualité.

Synopsis

« Il y a cinq ans, les chasseurs de sorcières sont venus et ont tué presque tous les membres de la famille d’Odette.

Maintenant, la jeune femme vit seule au fond de la forêt, tentant d’oublier sa magie pour vivre en sécurité. Mais aucune sorcière n’a le droit à une vie paisible…

Cela commence avec des voix dans le vent qui ne veulent pas la laisser tranquille. Puis les oiseaux se mettent à tomber du ciel et elle se réveille le matin, les ongles noircis de terre après avoir visité le cimetière pendant la nuit, sans aucun souvenir de ses actes. D’étranges enfants se mettent également à la suivre où qu’elle aille et les habitants du village, de plus en plus effrayés, pensent qu’elle veut se venger d’eux.

Mais tout ceci n’est que le début de leurs problèmes, car le pire reste à venir : les chasseurs de sorcières sont de retour, prêts à brûler celle qui leur a échappé. »

Une narration difficile

La première chose qui m’a gênée, mais c’est là tout à fait personnel, c’est la narration. Je ne suis pas très adepte des récits au présent d’énonciation et à la première personne du singulier. Je conçois que cela permet une immersion dans le personnage bien plus intense, mais paradoxalement je parviens plus difficilement à me plonger dans le récit. Je préfère le point de vue omniscient et les récits au passé, plus propices à la narration, aux détails descriptifs, à la retranscription d’une ambiance visuelle. Le temps s’étire aussi davantage… C’est une question de goût.

Plongée dans la noirceur

Nous sommes ici dans un récit très, très sombre. En lisant le résumé, on s’en doute, vous me direz. Mais pas à ce point. La noirceur de ce texte est liquide, visqueuse, elle prend aux tripes ; elle vous colle à la peau comme une nappe de goudron. Nulle possibilité de s’en défaire. Où qu’Odette aille, elle se fait rattraper par le malheur, la fatalité, la solitude. Ce texte est empli d’un désespoir assez étouffant.

Je dois dire que l’atmosphère est remarquablement retranscrite ; tout est noir, ou développé dans un camaïeu de gris. En effet, point de soleil, de verdure, ni d’étincelle de couleur à quoi se raccrocher. Les personnages, surtout Odette, sont englués dans cette torpeur désespérante que colle à la peau à chaque page. L’hiver est là, la nature endormie… Et quand elle se fait luxuriante, ce n’est pas une Nature bienveillante.

On plonge également dans ce qui est le plus laid dans la nature humaine. L’appât du gain, la profonde lâcheté, l’assouvissement des vices les plus bas, la trahison des gens qu’on aime, le plaisir de la souffrance d’autrui… il est difficile de se raccrocher à qui que ce soit dans ce livre : les villageois, les chasseurs… sont décrits de sorte à vous répugner, jusque dans les odeurs qu’ils dégagent. La peur a un parfum, le désir de torture aussi.

Une difficile adhésion

Plumes et ciguë est un texte difficile. Aussi remarquable que soit le travail de rendu des sensations et ressentis, il faut encaisser. On ne sort pas de ce roman indemne. On reste dans de l’imaginaire, toutefois on sent bien qu’il y a derrière un terrible fond de vérité ; la chasse aux sorcières n’est pas un mythe, les tortures perpétuées contre des milliers de femmes non plus, et ici rien ne vous sera épargné.

Par ailleurs, j’ai eu du mal avec la partie sorcellerie, qui fait pencher le récit dans quelque chose de plus imaginaire. Les femmes de Plumes et ciguë ne sont pas des sorcières comme on appelait ces femmes autrefois ; elles ne sont pas de simples guérisseuses ou connaisseuses des simples. Elles ont de réels pouvoirs. L’ennui c’est que je n’ai pas bien saisi leur étendue, ni leur véritable enjeu dans le récit. De même, je ne pense pas avoir bien compris la force de la forêt de Hyland ni son rôle exact. Il y a quelques pans de l’histoire qui m’ont ainsi échappée.

Egalement, il m’a semblé que l’intrigue était assez déséquilibrée dans l’action. La dernière partie m’a paru très rapide, le dénouement accéléré. Là clairement j’ai raté quelques trains en route, il a fallu que je relise pour bien comprendre (et la relecture m’a laissée perplexe). La fin m’a donc laissée… sur ma faim.

Enfin, cela peut paraître un détail, mais je n’ai pas non plus saisi la signification du titre : pourquoi ciguë ?

En pratique

Gwendolyn Kiste, Plumes et ciguë

Editions du chat noir, collection Griffe sombre ; Août 2021

Couverture : Cécile Guillot

Plumes et ciguë est un roman de Gwendolyn Kiste, paru aux Editions du chat noir. J’ai eu du mal à accrocher. Mais ce n’est absolument pas du fait du roman qui est de qualité. Disons que sa noirceur est telle qu’elle m’a étouffée, et la lecture n’a pas été facile. Cependant, le travail de rendu de cette atmosphère est remarquable, et l’évocation de la chasse aux sorcières tout à fait juste… et terrible. C’est donc malgré tout un roman que je conseille, mais avec une mise en garde : soyez prêts moralement.

3 commentaires sur “Gwendolyn Kiste – Plumes et ciguë

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  1. Ah, je pensais le prendre lors de mon prochain craquage aux éditions du Chat Noir, mais vu ce que tu en dis, je vais passer. Je ne suis pas du tout prête à plonger dans quelque chose d’aussi sombre et étouffant, en ce moment. Merci pour ta chronique !

    1. Je préfère prévenir, parce que ça m’a paru vraiment dark. Après, je sais que je suis un peu bisounours en la matière, ça se trouve ce n’est pas du tout difficile ^^ Mais si tu as besoin de lumière en ce moment, en effet ce n’est pas le titre qu’il te faut (en tout cas pour l’instant, car il vaut néanmoins le détour pour sa qualité de rendu d’ambiance !)

      1. En ce moment, clairement je suis plus sensible que d’habitude. Je le note pour plus tard, peut-être (petite âme sensible) mais là, clairement, ça risque d’attiser mes insomnies ^^ » Merci d’avoir prévenu !

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