15 jours ! Il m’aura fallu quinze bons jours pour venir à bout de La maison aux pattes de poulet de GennaRose Nethercott. Pourtant, tout était réuni pour m’offrir une lecture fluide et captivante : un bouquin de chez AMI, de la fantasy teintée de contes d’Europe de l’Est, une drôle de maison… Pourtant, si la lecture de ce roman de plus de 500 pages n’a pas été désagréable non plus, j’ai fini globalement déçue et surtout un peu essoufflée après tant d’efforts, pour finalement pas grand-chose. Voyons cela.
4e de couverture
Séparés depuis l’enfance, Bellatine et Isaac Yaga pensaient ne jamais se revoir. Mais lorsque tous deux apprennent qu’ils vont hériter de leur grand-mère ukrainienne, frère et sœur acceptent de se rencontrer. Ils découvrent alors que leur legs n’est ni une propriété ni de l’argent, mais quelque chose de bien étrange : une maison intelligente juchée sur des pattes de poulet.
Arrivée de Kyiv, foyer ancestral de la famille Yaga, l’isba est traquée par une entité maléfique : Ombrelongue, qui ne reculera devant aucun acte de violence pour détruire l’héritage de Baba Yaga.
Un rythme inégal
C’est sans doute là la cause de ma lenteur. Il faut un peu de temps, d’abord, pour rentrer dans La maison aux pattes de poulet. D’abord parce que c’est longuet : si l’élément perturbateur arrive assez vite, les événements mettent en revanche du temps pour se mettre en branle. De ce fait, je n’ai pas ressenti rapidement l’accélération ni le suspense typiques qui me scotchent habituellement à un récit.
Et d’ailleurs, je n’ai jamais ressenti de pression ni de suspense. Bon, il y a bien un ou deux moments où c’est moins une, m’enfin on se doute que ça va le faire, donc pas trop de surprises. Et puis ces scènes arrivent très tardivement. Il m’a fallu attendre le dernier tiers pour enfin, enfin, avaler un peu plus les pages. Parce que le roman est très mastoc, avec de longs passages creux. Ça tire en longueur sur pas mal de passages, dont je me serais bien passée, tant je trouve qu’ils font un peu trop remplissage. Notamment les analepses qui reviennent sur le passé du frère et de son ami, et qui coupent le récit.
Ainsi, malgré les chapitres relativement courts, l’alternance des focus sur les personnages et les passages plus narratifs racontés par la maison, nous plongeant dans la sphère du conte et de l’Histoire, mon intérêt n’a jamais su être pleinement éveillé. Forcément, en ces temps de fatigue extrême, difficile de se motiver pour reprendre son pavé en sachant qu’on va s’ennuyer un bon moment. Pour autant, la lecture n’a pas été désagréable non plus, tant l’écriture est plaisante. Il m’a juste manqué cette étincelle pour que je m’accroche fermement au bouquin et un rythme un peu plus soutenu.
Un roman aux bonnes idées et au message poignant
Malgré ces points négatifs pour moi, il y a de très bonnes choses dans ce roman. Pas les personnages, que je n’ai vraiment pas appréciés. En tout cas, pas les principaux. Le duo frère-sœur ne m’a franchement pas plu, tant la nonchalance feinte de l’un et le manque de confiance de l’autre sont poussés à l’extrême. À la longue, ça aussi c’est pesant ; une vilaine impression de répétition sans fin et de tournage en rond. Mais ce duo un peu faiblard est bien rattrapé par les personnages secondaires que j’ai trouvés beaucoup plus intéressants.
En revanche, j’ai bien aimé cette apparition de surnaturel et de magie dans le monde réel. Le contraste entre une réalité très matérielle, concrète et cette magie insolite est bien exploité. Ça crée une discordance que j’ai bien aimée, accentuée par l’extrême violence de l’antagoniste principal. Le mélange magie et théâtre ajoute une couche de sens supplémentaire, brouillant les pistes et les frontières entre les différents mondes et réalités. Le tout fonctionne vraiment très bien.
Ce que j’ai surtout apprécié, ce sont les récits de la maison. Ces chapitres coupent un peu le récit, mais ils sont cruciaux pour comprendre les enjeux du texte. Ils sont un peu comme les jalons du récit, le guidant vers le dénouement. Enfin, ils complètent l’enquête des personnages sur le passé de la maison. Et c’est vraiment là que le roman a commencé à me plaire. Le dernier tiers du roman est vraiment intense, et surtout assez poignant. Dès lors, le texte prend une toute autre dimension, mêlant folklore et Histoire. Poids du passé, devoir de mémoire, et rôle des histoires, des témoignages et de la littérature : le dénouement est surprenant et assez magistral, poignant et très percutant. Dommage qu’il ait fallu s’ennuyer ferme une bonne partie du bouquin pour ça, mais quelque part, ça valait le coup.
En pratique
GennaRose Nethercott, La maison aux pattes de poulet
Titre original : Thistlefoot (2022)
Albin Michel Imaginaire, 2024
Traduction : Anne-Sylvie Homassel
Couverture : Anouck Faure
Autres avis : bonne lecture malgré un ventre mou aussi pour Amanda; un message fort mais des difficultés à apprécier pleinement les personnages et le style pour Sometimes; Le Nocher est en revanche particulièrement séduit comme Maude et Feygirl. Bouquin très fort pour Quoi de neuf sur ma pile et FeydRautha aussi. Mais Tachan est un peu du même avis que moi sur la narration et les choix dans l’intrigue effectués.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas pleinement conquise. Malgré tout, je ne regrette pas d’avoir plongé dans ce roman. D’une part, parce qu’il est bien écrit, bien traduit et bien corrigé, et bon sang de bon soir, c’est tellement rare que ça fait vraiment très plaisir. J’ai trouvé le tout vraiment long, trop, beaucoup trop loquace par rapport à ce que le roman avait à dire, en fin de compte. Malgré tout, j’ai plongé dans un folklore qui m’était inconnu, et j’ai beaucoup apprécié la fin du texte. On va dire match nul, pour cette fois !
C’est vrai qu’il est un peu lent dans sa construction, mais c’est un roman qui m’a beaucoup plu, notamment aussi par les passages de la maison, et tout le côté historique du pogrom qu’on a derrière.
J’ai aimé la même chose que toi ! 🙂 Je regrette juste que ça ait mis autant de temps pour arriver…
Ça ne m’a pas dérangée perso mais chacun a ses sensibilités 😉
Bon, bon, bon… zut, encore raté ! Dis donc, c’est un peu difficile en ce moment, non ?
En tout cas, moi, comme tu le dis, j’ai totalement plongé dans ce conte moderne et les sautes de rythme ne m’ont pas dérangé plus que cela. Et j’ai été surpris d’aimer, car ce n’est pas forcément mon genre de lecture favori.