Editions Oneiroi – Anthologies de nouvelles steampunk

Et on continue les lectures des trésors ramenés des Imaginales ! Cette fois, c’est le tour de ces trois petites anthologies de nouvelles steampunk, éditées par la maison Oneiroi. Une maison spécialisée dans le steampunk, que j’ai découverte avec le roman Boulevard des pas perdus, de Michèle Devernay. J’entends dans l’oreillette qu’un 4eme volume est en cours de montage, c’était donc le moment idéal pour enfin me plonger dans ces petits recueils.

Collection Vapeur & mécanique

Ces trois recueils composent la collection Vapeur & Mécanique de la maison. Trois anthologies de nouvelles steampunk, pour trois thématiques explorées :

  • Ecologie & folie technologique
  • Mécanique & lutte des classes
  • Exploration & frontières culturelles

Le premier volume explore les débuts de l’industrialisation, et évoque ses potentiels dangers. Jusqu’où le progrès peut-il aller ? La seconde anthologie aborde davantage des thématiques sociétales. Quand la machine remplace l’Homme, comment chacun peut-il trouver sa place ? La mécanique devient un enjeu de revendication sociale. Enfin, le troisième volume explore la question des frontières : différences de cultures, de mœurs, de langues, et de temporalité.

12 nouvelles steampunk, 11 plumes (l’autrice Tepthida Hay a écrit deux textes dans ces anthologies), et 4 nouvelles par recueil, de taille assez similaire (entre 30 et 40 pages).

Je vais vous présenter les trois anthologies, avec chaque nouvelle, et reviendrai plus longuement sur celles que j’ai beaucoup aimées.

Ecologie & folie technologique

Un premier recueil qui m’a mise dans l’ambiance, avec un sentiment partagé : deux nouvelles qui ne m’ont pas marquée (et dont j’ai malheureusement oublié déjà, depuis la lecture, pas mal de choses) et deux nouvelles qui m’ont beaucoup plu.

Francis Jr Brenet – D’amour et d’acier

Voyage dans un monde flottant, Olympires, refuge pour quelques humains après la destruction de la Terre. Une histoire d’amour entre un héritier d’un empire technologique, à l’origine des humainciers (machines qui font les basses besognes à la place des humains) et une femme de condition inférieure.
J’ai eu du mal à situer le contexte de ce récit et à en comprendre les enjeux. Une nouvelle qui ne m’a pas beaucoup marquée.

Audrey Pleynet – Beautés

Une mère de famille se trouve banale. Sa recherche éperdue de beauté pour être reconnue à sa juste valeur (selon elle) va l’amener à se transformer, jusqu’au point de non retour.
Ce texte semble si léger, mais il est vraiment dur, dans le fond et les thématiques traitées. Et il a la force d’être encore tellement contemporain ! Une critique acerbe du culte du paraître.
Une nouvelle que j’ai adorée !

Emmanuel Chastellière – L’homme sans rivage

Ce texte s’inscrit dans l’univers de Célestopol, dont j’ai retrouvé la ville mécanique et mélancolique avec plaisir.
Ici, un pêcheur de crétacés, peu scrupuleux, est convoqué sur Célestopol, futur lieu de refuge pour les animaux.
Cette nouvelle assez sombre met en lumière le visage tout en contradiction du duc Nikolaï, un homme tiraillé de toutes parts. Mais elle aborde également des questions de politique/diplomatie avec le partage des eaux, et évidemment le bien-être animal à travers la description sans fard d’une pêche atroce. Là encore, un imaginaire teinté d’un réalisme féroce. Une nouvelle très réussie !

Romain d’Huissier – Fengshui et vapeur de jade

Dépaysement garanti avec cette nouvelle se déroulant en Chine. Les travaux d’une route pour acheminer le jade sont perturbés par les esprits locaux.
Malheureusement, je n’ai gardé aucun souvenir de ce texte, qui ne m’a pas marquée à la lecture; j’ai eu du mal à rentrer dans le texte, mais j’en ignore la raison. Je le relirai plus tard.

Mécanique & lutte des classes

Même ressenti pour cette seconde anthologie de nouvelles steampunk : moitié moitié. Les sujets abordés ici sont plus difficiles. Plongée dans une misère sociale, économique et culturelle, avec peu d’optimisme.

Johanna Marines – Bang bang

Un homme est emprisonné et torturé parce qu’il détiendrait la solution pour libérer les automates créés par son grand-père de la tutelle humaine, en leur offrant le rêve…
J’ai trouvé la nouvelle percutante et efficacement construite, avec une chute que j’ai trouvée décoiffante et amère. Je suis d’autant plus ravie que j’ai Encens dans ma PaL, un des finalistes du #PLIB2022; c’était chouette de découvrir l’autrice d’abord dans le format nouvelle.

Tepthida Hay – la nouvelle élite

Nantes, 1875. Rose rêve de passer le concours des Talents, seul moyen de faire partie de la nouvelle élite sociale. Femme et pauvre, elle est accueillie très fraîchement par ses homologues masculins.
J’ai eu du mal à accrocher pleinement. Cette nouvelle n’est pas de moindre qualité, mais n’a pas provoqué de quelconque émotion chez moi. Personnages trop peu nuancés, des ellipses qui m’ont un peu égarée…

Catherine Loiseau – La pie voleuse

Un vol de bijoux chez une aristocrate haute en couleurs, et un inspecteur particulièrement condescendant et misogyne qui doit résoudre prestement l’affaire… Inspecteur qui se prend une bonne déculottée, ce qui m’a bien faire sourire.
Un petit air de Robin des bois au féminin, avec des revendications tout aussi féminines : droit de vote, égalité salariale… J’ai aimé ce texte, pour ses rebondissements bienvenus, son récit plaisant et sa touche de steampunk qui donne au titre tout son sens. Je l’ai trouvé rafraîchissant !

Noëmie Lemos – Maudite lumière

Illuminer Paris… avec des petites mains surexploitées qui doivent manipuler les féés électricité. Noëmie Lemos nous montre une misère sociale, accentuée par la venue d’un ingénieur tout propret qui débarque dans l’usine pour augmenter la cadence.

Encore une belle nouvelle qui nous plonge dans le quotidien pénible de femmes dans une usine.
Cependant, la fin m’a semblé abrupte, et ne m’a pas convaincue. Un texte plus adapté selon moi à un roman, pour développer tout cet univers intéressant.

Exploration & frontières culturelles

Le volume que j’ai préféré. Je lui ai trouvé une tonalité plus légère que dans les deux volumes précédents; mais cela est peut-être dû à la thématique, moins sombre.

Benjamin Lupu – Renaissance

Une nouvelle dans l’univers du roman Le grand jeu, que j’avais trouvé fort sympathique. Ici, Benjamin Lupu nous emmène au fond des abysses à la rencontre des Padjaï, inspirés des Bajaus, ce peuple de nomades de la mer. Ce sont des plongeurs incroyables, battant des records d’apnée… ! La nouvelle revisite le topos du monstre des abysses et questionne sur l’identité du sauvage : est-il vraiment celui qu’on croit ?
J’ai apprécié le voyage, à la fois géographique et culturel (les mythes de la nouvelle sont hawaïens et maoris), temporel et philosophique (une belle interrogation sur l’altérité).
(Je remercie beaucoup Benjamin Lupu pour avoir partagé avec moi ses sources d’inspiration !).

Caroline Léger – Casques de cuivre et chapeaux de feutre

On explore le passé à partir d’œuvres littéraires dans lesquelles on peut se plonger par le biais de casques virtuels… Cette nouvelle comporte aussi une dimension sociale forte, et aurait pu avoir également toute sa place dans le second volume.
J’ai trouvé ce texte particulièrement fort, entre douceur du rêve et réalité féroce… Une nouvelle que j’ai adorée !

Tepthida Hay – Précieuses entrailles

La nouvelle aborde les différences de croyances et de cultures entre colons anglais et aborigènes en Australie. Commerce de perles, disparition de jeunes femmes…
Une nouvelle qui m’a moins plu. Les personnages m’ont paru là encore trop excessifs et j’ai eu du mal à rattacher ce texte au steampunk qui m’a semblé assez ténu.

Ostramus – Illusions d’outre-tombe

L’idée est géniale : voyage dans le passé, réflexion sur l’uchronie et sur l’impact qu’elle peut avoir, sur l’Histoire, la culture, l’économie…  Cette nouvelle aborde le thème de la frontière sous toutes ses coutures. J’ai aussi beaucoup aimé la dénonciation d’un monde scientifique exclusivement masculin.
C’est la nouvelle à mon sens la plus aboutie des anthologies, balayant beaucoup de thématiques de manière percutante et avec une plume que j’ai trouvée entraînante. Le texte que j’ai préféré des trois anthologies. Je vais me régaler à la lecture du Traité de chronoportation que j’ai eu à Noël !

En pratique

Anthologies de nouvelles steampunk, Editions Oneiroi

Ecologie & folie technologique, 2019; Mécanique & lutte des classes, 2020; Exploration & frontières culturelles, 2021.

Autres avis : Allez lire les chroniques d’Aelinel, qui a consacré un post par volume ! Sabine a adoré le premier volume, notamment la nouvelle à côté de laquelle je suis passée, alors je vous invite à la découvrir ! Vous trouverez aussi un avis sur la première et la seconde anthologie chez SF Elfette, qui a préféré le premier volume au second.

Je vous conseille la balade dans ces petites anthologies steampunk ! Déjà trois volumes sont parus, et un quatrième est dans les cartons. Jai bien aimé la promenade, même si j’ai trouvé les volumes assez inégaux. En effet, certaines nouvelles ne m’ont pas frappée, quand d’autres m’ont énormément plu. Malgré tout, le steampunk est un genre qui me plaît et j’ai beaucoup apprécié retrouver certaines plumes, et en découvrir d’autres. J’aurai plaisir d’ailleurs à explorer davantage le travail de ces auteurs. J’ai également trouvé que l’engagement présent dans ces anthologies sonnait juste, ce qui donne une tonalité très contemporaine aux nouvelles.

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