Récemment, j’ai reçu en service de presse les épreuves non corrigées du nouveau titre de Delphine H. Edwin aux éditions Yby. Babel, Les rouages sous les tours est un petit roman qui figurait dans mes 80 présélectionnés du PLIB2023. Yby est une maison d’édition d’imaginaire qui porte une attention particulière à la diversité et l’inclusivité. J’avais découvert la maison avec Lever de soleil de Noémie Wiorek, que j’avais beaucoup apprécié. C’est donc avec intérêt que j’ai découvert ce titre. Malheureusement, Babel n’a pas passé la présélection, mais je vous encourage toutefois à y jeter un œil, c’est un titre qui vaut le détour par ses thématiques et son sujet original.
Synopsis
« Neïma s’était juré de ne pas retourner à Babel. Pourtant, le temps a fait son œuvre, et une nouvelle vie lui tend les bras, aux côtés de son compagnon et de ses filles. Sur la route qui la ramène vers la Tour des Choses, Neïma croise même la rassurante Foren, qui devient bien vite partie intégrante de sa petite famille.
Malheureusement, la technologie utilisée pour construire ce sanctuaire a un prix… Les anges qui l’ont offerte à l’Humanité ont-ils conscience des risques qu’ils lui font prendre ? Dans les bas-fonds de la cité, quelque chose rôde, ombre ricanante, et Neïma a toutes les raisons d’être terrifiée ».
Un mythe maintes fois revisité mais…
C’est pour moi le point fort du roman de Delphine H. Edwin : sa revisite intéressante, efficace et pertinente du mythe de Babel.
Ici, on pourrait dire qu’on est dans de l’uchronie. On se situe à Babylone à l’époque de la construction de la tour, toutefois celle-ci s’effectue avec des matériaux et des technologies beaucoup plus avancés, que l’on rencontre plutôt au XIXème en pleine urbanisation. On a donc une impression d’uchronie, sans vraiment pouvoir définir le point 0 à partir duquel la déviation historique s’effectue.
Mais qu’importe, car l’intérêt ne réside pas là. A mon sens, il se situe dans ce mélange pertinent de tradition et modernité, passé et présent. Je regrette un peu cependant que l’autrice n’ait pas passé plus de temps à explorer cette cité et ses rouages, justement. Le roman est court et aurait pu s’étendre pour rentrer davantage dans les détails (j’aime les détails). Néanmoins, on n’a pas besoin de plus pour apprécier et comprendre l’univers dépeint.
J’ai par ailleurs beaucoup aimé la manière dont l’autrice intègre à son roman des sujets sociétaux : on est, avec la construction de cette tour, en plein dans la lutte ouvrière et dans la défense de droits des travailleurs. C’est très pertinent, mené sans gros sabots, avec juste ce qu’il faut de sous-entendus et d’allusions dans l’intrigue.
La question religieuse
Autre gros point fort du roman : la manière dont il aborde la question religieuse, indissociable du mythe. Dans la légende, c’est l’apparition des diverses langues qui pousse les Hommes à abandonner la construction de la Tour, comme une punition divine pour leur orgueil démesuré.
Dans Babel, Les rouages sous les tours, la question religieuse est beaucoup plus fine et intelligente. La Tour aurait été commandée par les Anges (pour quelle raison, ça, on le comprend pendant la lecture), en échange de leur protection offerte aux Hommes face à des créatures issues d’anciennes croyances, reléguées aux oubliettes. Sauf que… sauf que ça ne se passe pas si bien que ça. Ici, ce qui va créer la discorde n’est pas le langage, mais la confrontation de plusieurs croyances, le monothéisme étant en passe de dominer toutes les autres. Une très belle manière (caustique) de rappeler les début du christianisme…
Donc un mythe hyper connu, vu et revu, maintes fois revisité, mais j’ai trouvé l’angle d’attaque particulièrement pertinent et mené avec intelligence, finesse et efficacité. Super également ce saupoudrage de fantastique par-dessus, amenant le lecteur à perdre pied et à ne plus savoir où se trouve la réalité.
La romance
Malheureusement, c’est là que ça se gâte. Je n’aime pas les romances, encore moins quand je trouve qu’elles ne servent à rien. Et c’est le cas ici à mon sens.
Alors oui, il y a de la diversité dans les relations amoureuses, puisque l’on évoque le polyamour. Mais ça ne suffit pas pour que ça marche. En l’occurrence, j’ai trouvé cette romance de trop. D’abord, beaucoup trop rapide; forcément : le roman est très court. Je n’ai pas trouvé la relation des trois personnages principaux crédible tant leurs liens se nouent à une rapidité expresse.
J’ai donc senti un fossé entre l’intrigue et cette romance, tant dans leur traitement respectif que dans leur imbrication que je n’ai pas trouvée évidente. J’ai longtemps cherché à comprendre ce que cette romance apporte, sans trouver de réponse.
En attendant, j’ai eu la sensation que cette romance prenait le pas sur l’intrigue principale centrée autour de la Tour, qui aurait mérité davantage de développement selon moi. Alors finalement, c’est une lecture en demi-teinte…
En pratique
Delphine H. Edwin, Babel, Les rouages sous les tours
Editions Yby, 2022
Couverture : Maéva
#PLIB2023 #ISBN9782493447159
Babel, Les rouages sous les tours est un court roman de Delphine H. Edwin, publié chez Yby. J’avais déjà lu une nouvelle de l’autrice dans l’anthologie Féro(ce)cités (L’incarnation d’Oalzo). J’ai bien aimé la revisite du mythe de Babel, habilement mené, avec des allusions à des sujets sociétaux d’importance. En revanche, je trouve que Babel souffre d’un mauvais positionnement. Il a les attributs du format court mais sans le côté percutant, et n’est pas assez approfondi non plus pour me satisfaire pleinement en tant que roman. De ce fait, je reste sur un sentiment un peu partagé à la fin de cette lecture. Toutefois, c’était une bonne découverte que je vous engage à faire également, et remercie encore les éditions Yby pour leur confiance.
Dommage, ça partait bien. Mais comme toi, les romances me lassent rapidement. Quand elles sont intégrées dans l’histoire, c’est parfait. Mais quand elles en forment le centre, je passe.
Merci pour cette belle chronique, agréable à lire et bien argumentée.