Alex Nikolavitch – Trois coracles cinglaient vers le couchant

A l’occasion de la sortie de L’ancelot s’avançait en armes, je me suis dit qu’il fallait que je rattrape le train en marche. Me voici donc partie dans la lecture de Trois coracles cinglaient vers le couchant d’Alex Nikolavitch. Ces deux romans peuvent se lire de manière indépendante, mais sont inscrits dans un cycle de réécriture des légendes qui ont alimenté ensuite les récits médiévaux. Trois coracles… s’attache à Uther, qu’on va voir grandir et évoluer. J’avais adoré Les canaux du Mitan, d’ailleurs c’était ce roman qui m’avait décidée à créer ce blog… ! J’étais donc ravie de retrouver cet auteur dans un autre cadre. Une lecture du Printemps de l’Imaginaire Francophone, menu Rêvasser (Songe d’une nuit de printemps : légendes, mythes).

Synopsis

« Trois coracles cinglaient vers le couchant. À leur bord, Uther, un chef de guerre de l’île de Bretagne, et ses compagnons de toujours.
Leur destination, une île au bout de la mer, là où dit-on vivent les fées et les morts. Que va-t-il chercher si loin des terres habitées par les hommes ? Uther sait-il seulement qu’il va enfanter d’une légende destinée à traverser les siècles ? »

Une structure narrative originale

Une double trame

Deux récits en un, voilà ce que propose Trois coraclesDeux trames temporelles différentes :

  • Uther le défenseur des clans des terres de Bretagne face à l’arrivée des Saxons. Il tisse des liens, se fait reconnaître comme guerrier héroïque et chef à la mort de son père, puis cultive ses amitiés.
  • Uther le voyageur avec ses compagnons les plus fidèles vers une destination inconnue à l’Ouest. Puis, à son retour, il reprend fièrement la lutte, sur des terres qui ont changé de visage durant son absence.

J’ai ressenti un peu d’ennui pendant la première partie, notamment dans le second axe narratif. Il ne se passe pas grand chose pendant ce voyage, dont on ne connait pas la destination ni le but. On est comme les amis d’Uther, dans le flou. Mais peu à peu, le voile se lève et le roman gagne en dynamisme ensuite.

Un récit mélodique

A force de me lire, vous allez finir par penser que je fais une obsession sur ce point, et que je vois de la mélodie partout. Peut-être ! En attendant, j’ai trouvé que ce roman avait un rythme très musical.

D’abord, par ces deux chants parallèles, qui finissent vous vous en doutez bien par se rejoindre. J’ai aimé cette jonction, qui nous amène à comprendre le pourquoi du voyage d’Uther. Ainsi, la première trame prend tout son sens. Et j’ai d’autant plus aimé que cette jonction arrive assez tard, laissant le lecteur s’interroger longuement sur ce fameux voyage. C’est alors le récit du voyage d’Uther qui prend tout son sens enfin. Une sorte de boucle bouclée.

Ensuite, dans la manière dont le récit s’écrit. J’ai trouvé qu’il aurait pu être déclamé, à la manière des bardes de l’époque. Par exemple, le titre reprend la phrase seuil du roman. Cette référence cataphorique m’a de suite fait penser aux chants religieux liturgiques (les Gloria, Agnus Dei etc.). Cela peut vous sembler tiré par les cheveux, peut-être que c’est une surinterprétation de ma part; en tout cas, cet élément ainsi que le phrasé, et la structure du roman m’ont convaincue que cette forme convenait particulièrement à son contenu et qu’il y avait là une cohérence assez chouette. Comme un chant d’antan récité lors de banquets à la mémoire des hauts faits de héros.

Une fantasy réaliste

Un arrière-plan historique

On est loin ici de la fantasy épique. Au contraire, il y a une volonté de rattacher ces récits et ces figures mythiques à un terreau historique réaliste.

Alex Nikolavitch nous emmène dans un pan de l’Histoire que je n’avais jamais vraiment cherché à connaître dans mes lectures relatives à ces légendes. Et pourtant, elles s’inscrivent dans une réalité : le pillage de Rome par les Goths, la fin de l’emprise de Rome sur la Bretagne, l’offensive saxonne, les guerres éparpillées contre les Saxons sans renfort de Rome et l’arrivée des Bretons dans notre Bretagne française.

On y lit aussi la fin d’un culte, au profit de la christianisation des Terres. Alex Nikolavitch inscrit son roman au cœur des bouleversements historiques de l’époque, qui soutiennent habilement le récit.

Le portrait d’un homme

Point de magie, ici, sinon celle des Dieux Anciens auxquels croient encore tous ces Hommes. Point non plus de fantasy traditionnelle racontée de manière épique avec superlatifs et surenchère de waouh, ni d’exploits surhumains. Non, ici Alex Nikolavitch dresse le portrait d’un homme dans toute son humanité, en chair et en os. Il donne un côté bien plus réaliste à ses victoires, sans non plus cacher ses faiblesses.

Même si j’ai trouvé cela moins trépidant, j’ai aimé ce parcours de vie, fait de hauts et de bas, de longueurs et d’accélérations. J’ai aimé aussi m’étendre sur ce personnage, le découvrir dans son entier. Car très honnêtement, à part sa parenté avec Arthur par le biais de l’épisode avec Ygerne, je n’en savais pas grand chose. Il faut dire qu’il est souvent mis de côté au profit d’Arthur et de ses chevaliers de la Table ronde.

Donc une belle découverte. Pas un coup de foudre du fait d’une promenade parfois un peu longuette, et d’un personnage plus réaliste et donc à mon goût un peu moins passionnant. Mais c’est très personnel. Et d’ailleurs, paradoxalement, c’est aussi ce qui m’a plu. Ce renouveau dans cet univers, qui en apporte de la fraîcheur.

En pratique

Alex Nikolavitch, Trois coracles cinglaient vers le couchant

Moutons électriques, Avril 2019

Couverture : Melchior Ascaride

 

Trois coracles cinglaient vers le couchant est le premier roman d’Alex Nikolavitch centré sur ces légendes qui ont donné lieu aux récits médiévaux. L’auteur livre un portrait touchant d’un homme dans toute son humanité, derrière lequel se dessine un arrière-plan historique passionnant. J’ai beaucoup aimé la structure du roman et son écriture, qui accompagnent à merveille le propos. J’ai également apprécié le renouveau qu’apporte ce point de vue dans ce légendaire qui souffre de surenchère de fantasy et d’épique depuis les récits médiévaux. J’enchaîne du coup directement sur L’ancelot s’avançait en armes !

6 commentaires sur “Alex Nikolavitch – Trois coracles cinglaient vers le couchant

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  1. Décidément tu as le chic pour présenter des lectures qui me parlent ! Ce délicieuse mélange de légendes et de fantasy se veut fort alléchant et ce que tu dis de la plume de l’auteur malgré un léger passage à vide me plait assez.

    Je me le note et te remercie encore une fois 😉

    1. j’ai bien aimé ce premier récit effectivement ! moins accroché au second, et j’ai lu qque part qu’il y aurait un troisième.
      Mais oui j’y pense, toi qui aimes les récits historiques aussi, ça devrait effectivement te plaire pour cet aspect-là, même si ce n’est pas vraiment historique à proprement parler.
      Avec plaisir 🙂 merci pour ton retour !

  2. Je n’en garde pas beaucoup de souvenirs si ce n’est que j’avais apprécié de me laisser bercer par le récit et la plume de l’auteur. Dans tous les cas, tu en parles très bien…

    1. Je peux comprendre, c’est assez différent de ce à quoi on s’attend quand on souhaite lire des choses dans cet univers. Ca peut sembler assez désincarné, ou moins magique.
      Je suis désolée que tu sois passée à côté de ta lecture, j’espère que la suivante s’est révélée meilleure !

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