Ilona Andrews – Kate Daniels

Après la lecture laborieuse du Chemin de la mort poudreuse, j’ai fini à sec. Ca ne sentait pas bon la panne de lecture. Quand c’est comme ça, je dégaine mon arme ultime : les bouquins faciles, rapides à lire, mobilisation intellectuelle proche de 0. J’ai toujours sous la main ce type de livres, qui riment pour moi avec urban fantasy commerciale plutôt médiocre mais hautement divertissante. Après Tori Dawson qui avait magnifiquement fait le job, j’ai choisi cette fois la saga Kate Daniels. Hé bien figurez-vous que je n’ai pas trouvé ça aussi mauvais que prévu, loin de là.

4e de couverture du 1er tome

À Atlanta deux réalités s’opposent : celle de la technologie et celle de la magie.

Pendant une vague magique, les mages sauvages lancent leurs sorts et des monstres apparaissent, les armes à feu refusent de fonctionner et les voitures ne démarrent plus. Puis la vague se retire aussi vite qu’elle est venue en laissant derrière elle toutes sortes de problèmes paranormaux. Nous vivons une époque dangereuse. Mais dans le cas contraire, je serais au chômage. Quand les gens ont des ennuis qui relèvent de l’occulte et que la police ne veut ou ne peut pas régler, on fait appel aux mercenaires de la magie comme moi.

Mais quand un nécromancien anéantit la seule famille qui me reste, je n’attends plus les ordres et je dégaine mon sabre.

Présentation de la saga

Ilona Andrews est en fait est le nom de plume utilisé par le couple Ilona et Andrew Gordon. Ilona est née en Russie, et est arrivée aux USA pendant son adolescence. Elle rencontre Gordon lors de l’écriture de son premier bouquin, Morsure magique, le 1er tome de la saga Kate Daniels. Depuis, Gordon est son coauteur. Ils ont écrit plusieurs sagas ensemble : celle de Kate Daniels avec ses quelques spin-off et tomes bonus, mais aussi Dynasties ou encore Dina Demille, elles aussi en cours de traduction en français.

La saga Kate Daniels comprend 10 tomes centrés sur Kate, traduits en français. Ils se composent d’un titre « trucmuche magique ». Morsure magique, changement magique, triomphe magique… Vous avez compris le principe. A cela il faut ajouter un tome consacré à Hugh d’Ambray, l’homme de main du grand méchant de la saga et un autre sur un autre personnage assez important dont je ne vous révèlerai pas le nom pour ne pas spoiler. Quelques HS complètent l’univers, dont une nouvelle du POV de Curran, le 2e personnage central de la série.

Les traductions sont disponibles aux éditions Bookmark, dans la collection Infinity. Ce n’est pas de la grande littérature, au sens où l’écriture est franchement banale et le style passe-partout. Vocabulaire très courant, pas très étendu, vous ne serez pas bluffé par la plume, très clairement. Ca a l’avantage d’être très vite lu et sans accroc. En revanche la correction, elle, est loin d’être satisfaisante, surtout dans les tomes 6 à 8. Des accords pas faits, de participes passés transformés en infinitifs (« Omar m’a tuer »), des doublons et des oublis récurrents de mots… Franchement très gênant. Pourtant, les bouquins sont censés être corrigés. Dommage, car franchement la série vaut mieux que ça.

Les couvertures des 10 tomes, signées Damonza. On voit tout de suite que c’est de l’urban, mais j’aime bien la cohérence d’ensemble, les camaïeux de couleurs pour chaque tome, et le fait aussi que le personnage principal soit toujours de dos. Et puis pas de bellâtre torse nu. Ca change des couvertures sulfureuses.

Kate Daniels, une structure classique ?

Oui…

On n’est pas dans l’urban fantasy finaude et originale du style Moonheart ou Neverwhere. Non, dans Kate Daniels, c’est de l’urban classique et commerciale avec tous les ingrédients habituels qui ont fait et continuent de faire le succès du genre. Un beau mâle alpha puissant et ténébreux qui fait peur à tout le monde sauf à l’héroïne, l’ambiance citadine bordélique, la narration fastoche au « je » pour éviter les problèmes de conjugaison pour faciliter l’immersion, une héroïne badass qui lutte contre vents et marées, et plein de bestioles-garou.

Chaque tome comporte son intrigue à part. A chaque fois évidemment, c’est terrifiant bouleversifiant catastrophique et si Kate n’est pas là le monde entier va périr dans d’atroces souffrances ciel c’est terrible. Mais ouf, en général tout se résout à la fin de chaque bouquin. Heureusement que Kate était là hein. Vous l’aurez compris, les scénarios propres à chaque tome ne sont pas très alambiqués. L’avantage c’est qu’il n’y a rien de tiré par les cheveux, de labyrinthique ou de complexe. La structure narrative est tout ce qu’il y a de plus simple, 5 étapes bien calibrées et rondement menées. Le récit est linéaire, même si parfois il y a des flashbacks ou des parenthèses qui rappellent le passé de Kate (la base de la seconde intrigue filante). Ca arrive qu’il y ait un changement de point de vue mais quand c’est le cas ça vient comme un cheveu sur la soupe, c’est nul.

Mais qui réserve des surprises

En effet, si chaque tome possède son intrigue propre, la série contient en plus une intrigue de fond qui file sur les 10 tomes. Et ça c’est super, parce que ça donne à la saga une épaisseur supplémentaire. En effet, les personnages se battent sur deux plans très différents : du court terme dans chaque tome, et du long terme sur un temps beaucoup plus long. Ce faisant, la série donne à ses personnages un positionnement et une évolution très intéressantes. Parce que forcément, ce à quoi ils font face les conduit à devoir faire des choix importants. Et cela rebat les cartes et les relations entre les personnages s’en trouvent elles aussi fortement impactées.
J’ai été très convaincue par cette intrigue de fond. Grâce à celle-ci, on explore le passé de Kate, mais aussi son avenir qu’on perçoit plusieurs fois grâce notamment à une sorte de voyante. Ce stratagème semblable à une prolepse dynamise le récit parce qu’évidemment l’avenir de Kate est terrifiant/bouleversifiant/voué à une mort certaine. Donc elle va s’employer à changer le futur en agissant sur le présent, en naviguant un peu à vue.
Enfin, j’ai particulièrement aimé le dernier tome, qui propose un méchant encore plus méchant que celui de l’intrigue de fond. Je me demandais comment les auteurices allaient conclure cette série de manière originale, je n’ai pas été déçue. Franchement, bien trouvé et cohérent avec toute la série.

Les gros atouts de la série

Les personnages

Très clairement, les personnages sont pour moi le principal atout de cette série. J’ai bien aimé le personnage de Kate, assez différent des héroïnes traditionnelles du genre. Déjà, ce n’est pas la gentille petite humaine faible face à la meute. Ca c’est un gros point fort. Kate a des pouvoirs, des relations et du caractère. Ce n’est pas une éternelle ado, ne tombe pas sans arrêt en pâmoison devant les mâles aux alentours, et son physique n’est pas sans arrêt détaillé non plus. En bref, elle n’est pas dans la position de la proie féminine alléchante. Elle est un peu à côté de la plaque dans ses relations sociales, et a un humour un peu pince sans rire qui va bien avec son caractère brut de décoffrage.

Evidemment, il y a une romance, assez centrale dans les premiers tomes. On n’évite pas les clichés du genre et le traitement très spicy, mais une fois l’affaire réglée on va dire, les rapports entre les deux personnages principaux deviennent beaucoup moins superficiels et carrément intéressants.

Autour de ce duo gravitent des personnages secondaires récurrents. Il y en a un bon paquet, qu’on revoit de tome en tome, et c’est très appréciable. Tous ces personnages aussi évoluent, grandissent, font des choix, trahissent, surprennent. Un petit monde peuplé de créatures très différentes, aux caractères bien distincts aussi. Il y a du corps dans cette série, de la présence. J’ai beaucoup aimé la multitude de créatures. On n’est pas qu’entre loups dans Kate Daniels, loin de là. D’ailleurs, le 2d protagoniste, l’Alpha de la Meute, n’est pas un loup, mais un lion-garou ^^

Ce que j’aime surtout c’est qu’il n’y a rien de figé dans cette saga. Il y a des personnages qui débarquent en milieu de série, d’autres qui meurent en cours de route, et j’ai également apprécié ça. Aucun personnage n’est épargné et ce jusqu’à la dernière ligne. Certaines scènes peuvent paraître fastoches parce que bon, en gros c’est toujours les gentils qui gagnent, mais le prix à payer lui n’est pas léger. De quoi ternir suffisamment les victoires à chaque fois et nuancer le propos.

Un worldbuilding qui n’a pas à rougir

Autre point très intéressant de la série : son worldbuilding. Habituellement, l’urban fantasy se caractérise par de la magie planquée dans les interstices de la ville. Egouts, métro, ruelles désertes et à l’écart des regards des moldus… La magie se cache des humains. Ici, ce n’est pas du tout le cas. Car la magie est une plaie, qui s’abat par vagues sur le monde. On ne sait pas comment, pourquoi, à quel rythme. En attendant, les vagues magiques sont puissantes et touchent tout le monde. C’est un moment qui peut durer plusieurs jours, et pendant lequel tous les trucs technologiques sont en rade. En dehors des vagues magiques, la technologie reprend le dessus.

Je vous laisse imaginer l’état des sociétés dans ces montagnes russes magiques/tech. Tout fout le camp, évidemment, la loi se maintient difficilement, et les villes n’ont plus vraiment le même visage que celles que l’on connait. Ca donne un côté post-apo assez sympa. Puis la série centre son action à Atlanta, et c’est assez intéressant de voir comment le passé de cette ville du Sud se marie avec son présent mi magique/mi tech. Se rejoue alors une sorte de guerre de Sécession nouvelle version, Atlanta étant un bastion de la résistance des « gentils ».

Une fois la phase de séduction passée dans la romance, les bouquins prennent davantage de temps également pour consolider chaque intrigue. J’ai particulièrement aimé celui avec les Djinns (le 8 je crois), qui comporte pas mal de références littéraires, historiques et mythologiques (réelles ou pas) venant renforcer et donner du corps à l’intrigue. Et ça c’était fort intéressant.

En pratique

Ilona Andrews, Kate Daniels

Editions Bookmark, collection infinity, 2009-2021

Traductions : Sarah Doke (Tome1), Laurie Asin, Marika Gallman & Camille Wright (Tome 2), Laurie Asin (Tome 3), Laurie Asin & K. Richard (Tome 4), Cathy Morel (Tome 5), Cécile Fruteau (Tomes 6 à 8 et tome 10) et Laurie Asin & Cécile Fruteau (Tome 9).

Autres avis : Je vous mets l’avis de Sia sur le 1er tome; assez partagée sur le style et la romance spicy, elle a néanmoins apprécié l’univers et les personnages. Aussi à lire, l’avis de Phooka sur le 1er tome, une « friandise dont on se régale sans complexe » !

Et hop, une saga avalée en une semaine. Franchement, j’ai passé un très bon moment de lecture, divertissant comme je l’attendais mais aussi, très surprenamment, beaucoup plus qualitatif que ça. Sachez que c’est une saga qui s’améliore de tome en tome. Il faut passer assez rapidement les trois premiers volumes, plus classiques dans le genre et avec tous les clichés liés à la romance. Après, cela devient franchement très intéressant et passionnant. Je regrette cependant vraiment la médiocrité de la correction, c’est franchement dommage. Je mets cette série sur le même niveau que Meg Corbyn, que j’avais également trouvée très bonne et originale (et qui elle n’avait pas de romance spicy; pour celles et ceux qui n’aiment pas ça, je recommande !).