Après une période assez moyenne en matière de lecture, j’avais besoin de légèreté et de divertissement. J’ai farfouillé dans ma pile à lire du Cocorico Challenge organisé par Camelote Magicadou, et j’y ai pioché Les nocturnes de Tess Corsac. Un roman Young Adult publié chez Leha Editions, que j’ai lu en LC avec mon amie Véronique Parrenin. Ce roman nous a accompagnées toute la semaine, et aura généré chaque soir pas mal d’hypothèses sur la suite de l’intrigue ! Les nocturnes c’est un roman que j’ai acheté l’année dernière au salon de Montreuil, il était temps, enfin, que je m’y plonge. Et ça a été une bonne lecture.
Synopsis
« Un nom, un bloc, une couleur d’uniforme : Rouge ou Vert. Ce sont les seules informations dont disposent les deux-cent cinquante pensionnaires de la Croix d’If, entrés dans l’institut sans le moindre souvenir et sans opportunité de sortir.
Natt Käfig est un Rouge du bloc 3A. Il est le dernier à avoir vu Laura, une Verte, avant sa mystérieuse disparition. Il se fait approcher par un groupe d’élèves… Qui sont ces « Nocturnes » qui ont besoin de son aide et qui pensent que Laura avait découvert les raisons de leur présence dans l’institut ? Rouges et Verts vont devoir collaborer pour percer le secret de la Croix d’If et échapper à l’administration.
Y parviendront-ils en apprenant qu’ils sont prisonniers pour des motifs différents ? »
Bizarreries et étrangetés
Je vais commencer par mes réserves, parce qu’elles sont peu nombreuses et ne m’ont pas empêchée d’apprécier ce livre. Elles concernent en premier lieu les choix narratifs effectués dans Les nocturnes.
Les écueils d’une narration en « je » et au présent
Ah. Nous y voilà encore. Vous le savez, je ne suis pas fan de ces choix. Pourquoi ? Parce que la plupart du temps, ils ne sont pas justifiés. Tout au plus utilisés par facilité. « Young adult = lecture facile = présent + identification du lecteur au personnage via le « je ». Oui mais ce n’est pas suffisant. Parce que se posent, encore et toujours, les questions suivantes : pourquoi le narrateur qui raconte son histoire décide de le faire maintenant ? Pourquoi raconte t-il au présent un récit qui de toute évidence se place dans le passé ? Quelle est la distance temporelle entre le narrateur au temps de la narration et le personnage au temps du récit ? Et quel est son recul ? Raconter au présent un récit au passé c’est risqué; parce que souvent artificiel, justement. On nous fait croire à une sorte d’instantanéité mais elle n’existe pas; il y a recréation d’un passé, avec des souvenirs qui ne peuvent pas forcément être aussi exacts que racontés, et sont d’ailleurs gommées toutes les traces d’incertitude liées au souvenir. D’autant plus embêtant ici que le récit traite de la mémoire et de ses défaillances. Bref, ça ne colle pas. Et de ce fait, l’illusion romanesque ne fonctionne pas totalement.
Ado/adulte
Autre étrangeté relevée cette fois par Véronique : l’âge des personnages. A la lecture, on pense à des ados. Leurs actes et surtout leurs dialogues nous font penser que nous avons affaire à des ados. Sauf que les personnages de ce roman sont des adultes. Alors je sais, young adult désigne les jeunes adultes jusque 25 ans. Mais leurs échanges, leurs préoccupations et leurs réactions sont typiques d’ados de 15 ans, pas de 20 passés. Quand on s’en rend compte, ce décalage peut perturber et être dissonant.
Enfin, j’ai relevé quelques maladresses de langage, des tournures pas toujours joyeuses. Rien de grave, mais pas parfait non plus.
Un roman plein de surprises et original
Un thriller haletant
Et ce n’était pas gagné. Parce que la révélation arrive vite. Alors Véronique et moi, on a eu un peu peur. C’est qu’il faut remplir et tenir la route tout un roman, après. Mais c’était la surprise : le soufflé n’est pas retombé, au contraire.
Alors oui, il y a parfois des trous dans la raquette. Des solutions qui paraissent un peu faciles, des choses laissées dans l’ombre et pas trop creusées parce que si on creuse, bon, tout de suite ça coince… Malgré tout, c’est du Young Adult. L’idée n’est pas de faire un bouquin typé La maison des feuilles pour cramer ses neurones en trente secondes. Plutôt de captiver le lecteur et de le tenir en haleine. Pari réussi à mon sens.
Ca marche bien, c’est prenant, on n’a pas envie de lâcher le bouquin, on veut savoir la suite, ohlala ça fait quand même un peu flipper parfois, et puis c’est sombre, violent aussi par moments, un huis-clos dystopique… Bref, un très bon thriller angoissant, efficace, qui nous surprend à chaque péripétie tant on s’attendait à autre chose. Mais l’autrice ne tombe jamais dans la facilité et l’attendu, justement. Et ça, c’était assez chouette. Très bonne surprise pour ma part.
SF et mémoire
Les nocturnes c’est un roman SF. Qui aborde la question du traitement et de la manipulation de la mémoire et des souvenirs. Je ne vais pas trop m’étendre là-dessus pour ne pas spoiler. Le roman ne s’étend malheureusement pas trop sur les techniques rendant possible ce qui affecte les personnages. C’est un peu dommage, mais pour le coup peut-être que c’est aussi lié au public cible, pas forcément à même d’apprécier des pages et des pages de détails sur ce plan-là. C’est peut-être d’ailleurs ce qui, adulte, m’a un peu frustrée dans ce roman : ça n’est pas assez approfondi selon moi.
Mais cet angle choisi permet à l’autrice d’aborder la question du poids des souvenirs dans la construction de l’identité personnelle. Et pour le coup, l’identification au « je » fonctionne dans ce cas, puisque plusieurs fois dans le bouquin je me suis demandé comment j’aurais réagi à la place des personnages. J’ai trouvé très intéressante la manière dont l’autrice interroge notre part de responsabilité et notre rapport à la mémoire et notre passé. Celui-ci nous définit-il à tout jamais, ou un bouton reset permettrait-il, s’il existait, d’effacer la tablette, de se reconstruire totalement ? Est-ce éthique ? Souhaitable ? Pas mal d’interrogations qui ne trouvent pas de réponse mais qui, par le biais des différents personnages, offrent plusieurs points de vue permettant d’y réfléchir. Bref, un positionnement pour le public cible bien trouvé et efficace.
En pratique
Tess Corsac, Les nocturnes
Leha éditions, septembre 2021
Couverture : Miesis
Autres avis : une lecture addictive pour Amanda; un roman recommandé par Vanessa sur son blog Lecture et cocooning; ressenti similaire pour Carolivre qui a eu du mal à lâcher le roman; Chrisbookine a aimé aussi ce roman à l’ambiance « brouillardeuse », à l’image de l’esprit des personnages. Je trouve que ça reflète très bien le roman !
Les nocturnes est un roman young adult de Tess Corsac, qui m’a fait passer un très bon moment. Pas le livre de l’année mais j’ai renoué avec l’envie de retourner dans un livre pour vivre un moment haletant, pressée d’avoir les révélations. Je retiendrai surtout la manière avec laquelle l’autrice a déjoué toutes nos hypothèses, partant dans des choses un peu folles. J’aimé cette originalité dans l’intrigue, les péripéties inattendues qui ponctuent très régulièrement le bouquin, l’aspect thriller qui marche bien… Ca m’a rappelé Thorngrove de Cécile Guillot, chez le même éditeur, qui m’a laissée un souvenir assez similaire. Deux titres qui m’ont assez convaincue dans l’ensemble et que je conseillerais certainement à des jeunes lecteurs.
Le décalage âge des personnages/comportements m’agace toujours mais le reste semble bien plus réussi, d’autant que j’aime beaucoup cette question du poids des souvenirs dans la construction de l’identité personnelle…
Oui c’est étrange et c’est la 1ère fois que j’ai un décalage dans ce sens ! D’habitude ce sont des ados qui parlent et agissent comme des adultes, là c’est l’inverse. Etrange…
Bon bouquin selon moi, mais ces thématiques super intéressantes ne sont pas hyper développées. Je trouve que c’est pertinent, bien traité mais pas forcément aussi approfondi que je l’aurais souhaité.
C’est toujours décevant même si cela n’empêche pas de passer un bon moment de lecture…
Je ne me souvenais pas que ces personnages étaient si âgés. Après, je n’avais pas été totalement convaincue par ce titre de ce que je me souviens (faudrait que je relise mon avis). Je lui préfère Le Roi des Hyènes, qui avait été un coup de coeur
Je n’avais pas remarqué en fait ! C’est Véronique qui s’en est rendue compte, les persos ont 22 ans 😐 ça fait drôle quand on y pense, on dirait un pensionnat pour collégiens. Je vais regarder si le roi des hyènes pourrait me plaire, tu m’en avais parlé quand j’avais commencé celui-ci.