Cécile Guillot – Dames de rêves, dames d’ombres

Dames de rêves, dames d’ombres est un essai de Cécile Guillot, publié aux Editions du chat noir, en janvier 2022. Cet essai est sous-titré La littérature gothique féminine anglo-saxonne du XXème siècle à nos jours. Efficace et simple, rédigé par une passionnée (éditrice et écrivaine du genre), ce texte est agréable à lire et très abordable, loin des sommes universitaires qui pourraient rebuter certains. Il constitue une bonne porte d’entrée vers ce genre, et s’adresse à un public très large.

Sommaire

Introduction au genre gothique

Partie 1 – Dames de rêves – Le gothique dans la littérature dite féminine et gothique

Chapitre 1 – Daphné du Maurier

Chapitre 2 – Victoria Holt

Chapitre 3 – L’âge d’or de la romance gothique

Chapitre 4 – Virginia C. Andrews

Chapitre 5 – La romance gothique après les années 1980

Partie 2 – Dames d’ombres – Le gothique dans la littérature fantastique ou dite d’horreur

Chapitre 1 – Angela Carter

Chapitre 2 – Shirley Jackson

Chapitre 3 – Susun Hill

Chapitre 4 – Anne Rice

Chapitre 5 – Le Young Adult gothique : vers un renouveau du gothique féminin ?

Conclusion

Partie 3 – Ouverture

Chapitre 1 – Du roman à l’écran

Chapitre 2- American gothic and co

Chapitre 3 – L’influence des autrices anglo-saxonnes sur la production littéraire francophone

Un essai-découverte

Une thèse claire

La thèse de l’essai est annoncée dans le sous-titre de celui-ci. Elle se divise en trois aspects :

  • Exploration d’un pan temporel de la littérature gothique : ici le XXème siècle (jusqu’à aujourd’hui)
  • Apport d’un point de vue féminin, tant sur les autrices que sur la structure des romans (personnages, mécanismes typiques de l’intrigue, ambiance…) ou sur le lectorat cible de ce genre.
  • Etude de la production anglo-saxonne.

Structure de l’essai

Après une rapide introduction rappelant les grands aspects du genre gothique et un bref historique, l’ouvrage brosse, en quelques chapitres assez courts, un panorama littéraire varié.

La plupart des chapitres sont dédiés à une autrice. Dans ce cas, on a une brève biographie de l’autrice, un résumé de ses œuvres phare du genre, une petite intégration de celles-ci dans la tradition littéraire de l’époque avec les éléments qui s’en démarquent. Quelques citations viennent illustrer le propos.

C’est donc l’occasion de redécouvrir des autrices, notamment certaines de leurs œuvres parfois méconnues (c’est par exemple le cas de L’auberge de la Jamaïque de Daphné du Maurier). Mais Cécile Guillot remet aussi en lumière des autrices un peu tombées dans l’oubli, malgré leur production faramineuse (comme Eleanor Hibbert). Bref, beaucoup d’autrices présentées, et un large choix d’œuvres mentionnées : le matériau d’étude choisi par Cécile Guillot est très riche.

Enfin, la troisième partie de l’ouvrage propose une ouverture vers la production francophone et étrangère, et la transposition du genre sur les écrans.

Des interviews d’écrivains, de spécialistes et d’universitaires étayent les propos.

Dames de rêves, dames d’ombres est un ouvrage qui se lit facilement, et qui apporte les bases sur le genre. Agréable à lire, offrant une belle porte d’entrée sur le sujet, cet ouvrage est très abordable. Il permet aussi de (re)découvrir des autrices et allongera certainement votre wishlist. Des bibliographies permettront aux curieux de prolonger leur découverte.

Un point de vue féminin total

Un genre féminin pour un lectorat féminin

Dames de rêves, dames d’ombres et un ouvrage féminin. Ecrit par une autrice, portant sur une production littéraire féminine. Mais l’ouvrage également les thématiques du genre, elles-mêmes aussi assez féminines, car répondant à un lectorat… féminin.

On a donc ici une réflexion globale. L’essai n’a pas seulement pour but de remettre à l’honneur des autrices oubliées. En effet, ce choix du féminin dépend du genre lui-même, de sa construction, de son évolution, et de son public. J’ai beaucoup apprécié l’insertion de cette production dans un marché éditorial de l’époque, qui permet de bien saisir cette dimension féminine.

Une lecture psychanalytique

L’analyse féminine est poussée jusqu’aux personnages de ces œuvres. Protagonistes féminines, elles sont le rêve de plusieurs générations de jeunes filles et de femmes qui se projettent en elles.

Le regard de Cécile Guillot est double : s’il est littéraire, il est aussi psychanalytique. Il n’est pas rare de rencontrer Freud dans l’analyse des relations entre les personnages des récits évoqués. Cécile Guillot est diplômée en psychologie et en psychanalyse, et on ressent dans cet ouvrage cette double casquette.

Ce regard est très intéressant et m’a permis de comprendre certains mécanismes récurrents dans les œuvres. J’aurais cependant préféré, pour ma part (et c’est très personnel) rester davantage sur l’axe littéraire, qui me parle davantage.

Un ouvrage intéressant mais…

Ce petit essai, je l’ai dit, se veut une porte d’entrée dans le genre. En cela, c’est plutôt réussi. Toutefois, ce qui fait les qualités de l’ouvrage sont aussi, à mon sens, ses défauts.

J’ai bien conscience que les remarques que je vais dérouler ci-dessous tombent un peu à côté, car elles vont pointer la faiblesse académique de l’ouvrage, alors que j’ai justement dit plus haut qu’il n’avait pas vocation à l’être. Alors pourquoi les formuler ? Parce que sans être universitaire ni exhaustif, Dames de rêves, dames d’ombres aurait pu approfondir davantage certains aspects et apporter plus d’eau au moulin.

Je m’explique !

Une thèse peu explicitée

Si le choix d’étude est très clair et suivi, j’ai néanmoins trouvé qu’il n’était pas assez explicité dans la suite. Pourquoi ces bornes temporelles et géographiques ? Il manque une introduction à l’essai lui-même, sur sa genèse, la délimitation du champ étudié, le corpus…

Je pense également qu’il manque néanmoins un point de vue masculin sur la question. Le parallèle aurait été intéressant à mener, afin d’étudier les différences de traitement et de point de vue, tant sur les personnages que sur l’intrigue (assez typiques dans le genre gothique). Ce parallèle aurait pu peut-être mener à distinguer des similitudes ou au contraire pointer des spécificités qu’on ne retrouverait que dans la littérature féminine. 

Une structure un peu bancale

Je mentionnais plus haut les chapitres dédiés à des autrices. Si cela permet de les (re)découvrir, je regrette cependant ce côté un peu plat, qui les juxtapose les unes à la suite des autres. Il m’a manqué une transversalité et un point de vue plus global sur ces productions. Cécile Guillot amorce beaucoup de réflexions, mais cet aspect catalogue empêche de les approfondir et ne permet pas toujours de mettre en lien ces autrices, de les faire dialoguer ensemble ni de mettre en regard les différentes productions littéraires évoquées.

C’est le principal reproche que je fais à cet essai : il manque d’approfondissement. Alors là encore, on pourrait faire des pavés sur le sujet, et ce n’était pas le but. Mais entre les deux, il y avait peut-être un juste milieu à trouver, pour offrir davantage de mise en perspective des idées émises.

Un prolongement un peu faible

Dernier reproche que je fais à l’ouvrage : son ouverture. Comme je le disais plus haut, les qualités de cet ouvrage me semblent être aussi ses défauts. Autant j’apprécie toujours qu’une thèse soit élargie en fin de propos, autant là, je trouve que ça ressemble davantage à un entrebâillement qu’à une ouverture. Cette ouverture englobe trop de sujets différents pour être suffisamment approfondis.

On a un chapitre entier sur la transposition à l’écran (limitée à deux adaptations), pour enchaîner sur le gothique américain « & co » (rassemblant le Mexique, le Canada, le Japon… un choix un peu particulier) et enfin la production française. Et là, je dois bien le dire : j’ai un peu grimacé de voir si peu de noms sortir, et Léa Silhol balayée en quelques lignes. Un propos trop bref pour être opportun, nous laissant avec une sensation de survol un peu dommage.

Mais je sais que Cécile Guillot a beaucoup de choses à nous en apprendre sur ce vaste sujet. L’occasion d’un prochain ouvrage, peut-être ? 🙂

En pratique

Cécile Guillot, Dames de rêves, Dames d’ombre – La littérature gothique féminine anglo-saxonne du XXème siècle à nos jours

Editions du chat noir – janvier 2022

Couverture : Mina M

Autres avis : Ombre Bones, dont l’avis est très similaire au mien, d’ailleurs on a pu discuter de nos retours très proches.

 

Cécile Guillot propose avec Dames de rêves, dames d’ombres une première approche sur le genre gothique. L’essai est très abordable, et donne également des pistes pour approfondir la réflexion. Je reste cependant sur ma faim. Je comprends qu’il aurait été compliqué de proposer un ouvrage plus dense, au risque de le rendre trop académique et boudé par une partie du lectorat de la maison. Ainsi, s’il y a beaucoup de réflexions amorcées, elles manquent de profondeur. Toutefois, c’est un ouvrage qui a le mérite d’apporter un point de vue féminin sur un genre assez largement féminin également, et de remettre en lumière des autrices tombées dans l’oubli. Rien que pour cela, je salue cet essai qui certainement va remplir vos wish-lists et vous donner envie de poursuivre votre découverte du genre.

9 thoughts on “Cécile Guillot – Dames de rêves, dames d’ombres

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  1. Comme toujours tu dévoiles un très détaillé et nuancé avis qui me laisse encore plus perplexe quant à cette parution. Même si j’approuve le geste de dépoussière le genre, j’avoue craindre l’approche quelque sommaire et je retiens surtout la liste des ouvrages cités qui ne peut qu’agrémenter ma PAL.

    1. Voilà, tout est bon à prendre même si l’ouvrage peut sembler léger. L’apport de titres dans la wishlist et les biblios conséquentes sont intéressantes et permettent d’élargir les recherches. Je pense que ça a dû être difficile de trouver le bon compromis en termes de forme et de structure, pour que l’ouvrage soit bien accueilli aussi bien que par les aficionados que par un public plus large.

  2. Il est dans ma PAL, tu t’en doutes, entre le sujet et l’autrice, impossible de résister ! 🙂
    Je vois que, comme OmbreBones, tu trouves le sujet traité trop en surface, je le garderai à l’esprit quand je m’y plongerai. C’est dommage, j’aurais aussi préféré quelque chose de plus détaillé, mais bon, ça reste intéressant tout de même, de ce que tu en dis ! Grâce à ton retour, je saurai à quoi m’attendre et ainsi je ne serai pas déçue ! 🙂

    1. Hé beh oui, je comprends, j’ai foncé pour les mêmes raisons 🙂 Le gros avantage du livre c’est que Cécile s’appuie sur des sources intéressantes à explorer, et qu’elle les mentionne dans les biblios. Donc si tu veux du détaillé, tu as de quoi 🙂 C’est pour cela que je disais que chacun pouvait malgré tout y trouver son compte, même si effectivement, les plus aguerris risquent de rester sur leur faim.
      J’espère néanmoins que tu allongeras ta wishlist aussi avec tout le corpus présenté 🙂

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