Rod Marty – Les âmes inconscientes – #PLIB2022

Les âmes inconscientes de Rod Marty est un roman publié chez Scrineo en 2021. Je l’ai attendu longtemps, ne l’ayant pas trouvé au salon de Montreuil en décembre. Je me le suis finalement procuré récemment, et l’ai lu dans la foulée. J’avais de grandes attentes, sans doute un peu trop. Si la lecture ne s’est pas révélée mauvaise, je reste globalement assez déçue de l’ensemble. Ce livre figure dans les 25 sélectionnés du #PLIB2022.

Synopsis

« Maintenant.
Suite à un attentat dans une boîte de nuit de Washington, cinq personnes sont soudain confrontées à des traumatismes d’une précédente vie. Juliet, spécialiste de la réincarnation, est convaincue qu’un secret est caché dans leur inconscient. Une histoire oubliée depuis longtemps dont ils devront pourtant tous se souvenir s’ils veulent parvenir à éviter un nouveau drame…
Avant.
A l’époque des colons américains, la famille Good est la plus riche de la région. Ils tentent de mener une vie de bons puritains sans prêter attention à la convoitise qu’ils inspirent. Toutefois, lorsqu’un mal étrange se répand chez leurs voisins, ils deviennent la cible d’un homme qui compte bien tirer avantage de la paranoïa qui s’installe dans leur communauté… »

 Un récit en miroir

2 timelines, reliées par des personnages, des événements violents dans les deux époques et une idée : on vivrait plusieurs vies, et parfois, on aurait des réminiscences d’une ancienne vie oubliée. On a donc une palette de 10 personnages présentés, 5 dans le passé et 5 dans le présent, qui se répondent.

Le rythme est dynamique. C’est prenant, assez efficace à défaut d’être toujours bien mené, et ça se lit vite et bien. J’ai lu ce livre en moins d’une journée.

Malgré tout, ça n’a pas marché avec moi, la faute à…

Une intrigue connue d’avance

D’une part parce que dès le début, j’ai deviné les liens entre les personnages. Dommage…
Quant à la suite de l’histoire, rien de surprenant non plus. Le récit dans le passé revisite l’épisode de la chasse aux sorcières de Salem. C’est bien traité et fidèle à la réalité historique. Si j’ai apprécié de récit passé, en revanche pas de surprise sur celui-ci, connaissant le dénouement des événements réels.

La manière dont les deux récits se rejoignent est beaucoup trop rapide et factice pour fonctionner pleinement. Les chapitres sont hyper courts et contiennent un focus sur chacun des personnages. Aucune possibilité forcément d’avoir des personnages hyper fins ou creusés.

Les réminiscences deviennent également artificielles dans le dernier tiers du roman, acceptées trop facilement par les personnages, qui perdent alors totalement en crédibilité. Le personnage de Juliet en psy n’est pas du tout vraisemblable, et ça gâche vraiment la fin du roman. Celle-ci se transforme d’ailleurs en quelque chose de très classique : « des-gentils-seuls-contre-tous-et-incompris-vont-devoir-arrêter-le-grand-méchant-eux-mêmes-avant-une-énième-catastrophe-terrible. »

Sur la forme, l’adjonction de faux extraits d’écrits de la psy Juliet ajoute un artifice romanesque intéressant. Ajoutons à cela des focus sur les 10 personnages de manière alternée : il y a un effet puzzle recherché. Mais c’est comme si on avait dessiné sur la planche du puzzle le contour des pièces pour aider le lecteur à savoir où les mettre. Ça détruit un peu l’effet voulu…

Un manque de finesse global

Concernant le récit contemporain, je n’ai pas été convaincue du tout. Les personnages manquent cruellement de profondeur. Il me semble qu’ils sont ramenés à quelques caractéristiques assez grossières : Lilly la fille un peu paumée ; Darren caractérisé par ses TOC (qui disparaissent ensuite en deux coups de cuiller à pot); Juliet la psy en manque d’enfants ; Madeline l’enfant souffre-douleur et mal aimée de ses parents (deux ingrats ceux-là, vraiment vraiment très très ingrats).

Ajoutons à cela une écriture qui ne m’a pas transportée. C’est prenant, correctement écrit (à peine une ou deux coquillettes par-ci par-là à oui, je sais, je suis chiante) mais il m’a manqué des effets de style, une ambiance, et surtout de la finesse (quand on m’explique avec des gros sabots en fin de récit le pourquoi du comment alors que ça se devine dès le début… Dommage :-/ ).

J’ai également regretté le choix du point de vue omniscient unique et pour le coup la narration à la troisième personne (oui, c’est rare !). Car de ce fait on n’a pas d’accès direct aux ressentis des personnages ni à leur propre vision des choses. J’aurais préféré une vraie focalisation interne, qui aurait permis une réelle alternance de points de vue, qu’on n’a pas du tout ici.

Enfin, si ce roman est classé fantastique, il n’en porte aucune des caractéristiques (je me base sur la définition de Todorov, qui a théorisé le genre dans son Introduction à la littérature fantastique). Nul doute, nulle angoisse liés à cette hésitation typique sur la nature des événements qui se déroulent. De plus, le fantastique laisse également subsister le doute jusqu’au bout… Là, les événements sont expliqués, éclaircis. Pour moi, on n’est pas du tout ici dans l’esthétique de l’incertitude propre au genre fantastique.

En pratique

Rod Marty, Les âmes inconscientes

Scrineo, 2021

Couverture : Aurélien Police

#PLIB2022

#ISBN9782367409924

Autres avis : Coup de cœur pour Amanda ! J’espère qu’elle ne sera pas trop déçue de ma déception… Mais je la rejoins sur la qualité du récit du passé et sur ses personnages. Assez bonne lecture globalement pour Saiwhisper, qui a toutefois eu du mal à rentrer dans le roman. La mayo n’a pas pris pour Madame Point Virgule, qui n’a pas accroché.

 

J’ai l’air d’avoir détesté Les âmes inconscientes, mais pas vraiment en fait. Je l’ai lu jusqu’au bout, et ça ne m’a pas demandé un effort incroyable. C’est facile à lire, et suffisamment prenant malgré tout pour être vite happé par le récit. Le rythme dynamique m’a entraînée dans ma lecture et menée jusqu’à la fin qui mine de rien arrive très vite. Par contre, les facilités du roman, son manque de nuances et de finesse m’ont déçue, je m’attendais à quelque chose de plus complexe, et de plus fantastique surtout. Nul doute cependant que ce roman saura trouver son public, un nouveau lecteur le prendra-t-il certainement dans la cabanes à livres où je vais aller le déposer…