Oren Miller – J’agonise fort bien, merci.

Opération « vidage de PaL des salons » épisode 36 : j’ai découvert récemment J’agonise fort bien, merci d’Oren Miller, un roman policier sorti en 2016 chez HSN et hautement recommandé par Yuyine (pour changer ^^). J’ai eu le plaisir de rencontrer l’autrice aux Imaginales, qui me souhaitait une belle balade parmi ses petits cadavres… La balade s’est révélée fort chouette, avec juste ce qu’il faut d’acidulé pour lui donner un petit goût piquant comme j’aime. Une lecture du Printemps de l’Imaginaire Francophone (Cauchemarder, La nuit, tous les chats sont gris : Mensonge, Complot).

Synopsis

« Sainte-Marie-La-Grise. Son cadre exceptionnel près de la Côte d’Émeraude en fait une destination de vacances des plus prisée. De magnifiques paysages, un mystérieux folklore breton et des morts qu’on a aidés à trépasser raviront les plus aventureux d’entre vous.

Profitez de l’hospitalité chaleureuse des habitants qui sauront vous mettre à l’aise.

Afin d’apprécier pleinement votre séjour, veillez cependant à respecter trois règles :
1 – Écoutez toujours les murmures de ceux que vous ne voyez pas.
1 – Gardez-vous des créatures sinistres qui frappent avant d’entrer.
3 – Soyez sage. Très sage ».

Un arrière-plan réussi

Bretagne années 50 : une peinture réaliste, pleinement immersive, et très réussie. Oren Miller dresse ici le tableau d’une société post-guerre et d’une région encore touchée par la pauvreté, tiraillée entre un catholicisme assez marqué et un folklore oral encore très présent. On s’y croirait, d’autant que le langage colle parfaitement à l’époque.

Des personnages variés

Et savoureux, sur tous les plans. J’ai aimé évidemment le duo que forment Evariste et Isabeau, le notaire et son commis (dans un tout autre genre, ça m’a fait penser à la BD Olivier Rameau par Greg et Dany !). Leurs échanges sont délicieux, tant l’un comme l’autre semblent vivre sur deux planètes différentes.

« – Je croyais que nous étions tombés d’accord.
– Non, non, non, protesta Isabeau avec véhémence, vous avez parlé, et encore parlé, puis vous avez conclu. On et assez loin de l’idée de « tomber d’accord.
– C’est pénible, cette manie que vous avez de jouer sur les mots.
Isabeau laissa échapper un juron en roulant des yeux.
Hâtez-vous, et faites moins de bruit, vous allez réveiller le père Joachim, mit en garde le notaire ».

Mais tous les personnages sont superbement bien dessinés, tout aussi justes, et très variés. Par exemple, Agathe m’a émue, beaucoup. J’ai aussi aimé le personnage de Camélia, particulièrement retorse, ou encore celui d’Henriette, bête à casser du sucre mais touchante dans sa bêtise. Tous ont leur rôle, leur caractère, un passé (souvent bourré de casseroles), une (in)humanité propre…

Cela donne beaucoup d’épaisseur et de dynamisme au roman.

Entre roman noir, polar et thriller

J’ai trouvé que ce roman policierreprenait des éléments des origines du roman noir : représentation d’une réalité sociale, regard assez pessimiste sur cette société post-guerre à travers des personnages contestataires ou laissés pour compte, peinture de l’horreur et du mal… Avec des touches de fantastique parsemées ici et là, le folklore aidant à brouiller les frontières entre réel et surnaturel.

D’autre part, si J’agonise fort bien, merci est un roman policier mettant en scène deux enquêteurs avec suspects, pistes, indices etc., il y a en plus une tension narrative qui provoque à la fois excitation et appréhension pour les deux personnages principaux, et tenant en haleine le lecteur jusqu’au bout. On s’enfonce petit à petit dans la noirceur horrible des âmes, appuyée par la tripotée de cadavres particulièrement glauques et ceux… dans le placard (tout aussi glauques).

Un récit noir et lumineux

J’ai adoré la plume de l’autrice, que j’ai trouvée cynique, grinçante, mais aussi affectueuse dans sa manière d’évoquer ses personnages, Sainte-Marie-la-Grise et son contexte. Je trouve juste dommage que la relecture éditoriale finale n’ait pas corrigé les coquilles restantes, il manque par-ci par-là des mots et quelques soucis typographiques demeurent. Rien de grave, mais juste dommage, car les finitions ne sont pas au top et pas à la hauteur de la qualité du texte.

Sinon, Oren Miller a une manière de raconter qui est aussi savoureuse que les dialogues de son duo Evariste-Isabeau. J’ai adoré sa narration sarcastique, grinçante; le ton est pétillant, donnant au roman une fraîcheur en opposition totale avec les propos. Un joli clair-obscur sur le fond et la forme !

En pratique

Oren Miller, J’agonise fort bien, merci.

Editions HSN, 2016

Couverture : Emile Denis

Autres avis : Très bonne lecture pour Sometimes a book et Callysse; déception pour BlackWolf, qui n’a pas réussi à entrer dans le roman; Une bonne lecture pour Elhyandra, qui regrette aussi la relecture pas à la hauteur de la qualité du roman. Enfin, gros coup de cœur pour Yuyine, et je vous invite à aller lire l’interview qu’elle a réalisée avec l’autrice en 2019.

 

J‘agonise fort bien, merci est un roman policer d’Oren Miller. Il s’agit du premier volume d’une série de romans mettant en scène les deux enquêteurs. J’ai aimé ce roman, entre réalisme féroce et imaginaire, par le biais d’un folklore encore très présent – mais non moins féroce. Il y a de la dureté dans ce roman, dans la représentation d’une société post-guerre peinant à se relever. Mais le cynisme du ton se marie fort bien avec un humour grinçant et tendre en même temps, à travers les personnages et des dialogues particulièrement savoureux. C’est donc avec plaisir que j’ai vidé ma PaL de ce titre, et avec le même plaisir que je vais remplir celle-ci avec le volume suivant, A présent, vous pouvez enterrer la mariée, que j’espère bien me procurer… aux prochains salons !

5 commentaires sur “Oren Miller – J’agonise fort bien, merci.

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  1. Je suis ravie que tu ais aimé ce roman! J’avais moi aussi adoré la plume de l’autrice (un peu gâchée par les coquilles de la 2e moitié du roman). Je l’ai lu il y a des années et pourtant il m’a marquée (tout comme malheureusement l’une des pires chroniques que j’ai pu lire où la personne n’hésite pas à attaquer le physique de l’autrice, ça m’avait choquée). Les 2 autres tomes sont dans ma PAL va falloir que je me relance dedans un jour, j’avais tellement aimé ce duo

    1. Oh mon dieu, heureusement que je ne suis pas tombée sur cette chronique horrible 😐 J’ai trouvé aussi que c’était dommage cette relecture moyenne 🙁 Je me prendrai les deux autres tomes aux prochains salons, ce duo est exquis !

      1. Le pire c’est que c’est la plus likée sur la plateforme donc c’est celle qui arrive en 1er… On va dire que c’était un faux pas correctif de la ME. Tu as de la chance de pouvoir la rencontrer 🙂

  2. Merci pour tous les liens <3
    Je suis ravie que tu aies apprécié cette lecture. J'ai beaucoup d'admiration pour Oren Miller et pour son ton sarcastique qui donne à ces romans cette touche de clair-obscur qui tu as su déceler. Les suivants sont tout aussi savoureux d'ailleurs et j'ose encore espérer voir ressurgir un jour Evariste et Isabeau.

    1. Je me suis procuré le tome suivant à ouest Hurlant, je me réjouis de retrouver ce duo très bientôt ! Merci d’avoir attiré mon attention sur cette autrice et ses romans aux Imaginales dernières 🙂

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