Mérida Reinhart – Fin de partie

Voici le tout nouveau Magic Mirror ! Fin de partie de Mérida Reinhart sort le 15 novembre 2021, et j’ai eu l’extrême plaisir de le découvrir en avant-première, par le biais d’un service de presse numérique. Merci infiniment à Magic Mirror et Maroussia 🙂 Ce roman, je l’ai dévoré tant je l’ai trouvé excellent. Un très très bon moment de lecture, qui m’a rapprochée d’une partie de ma vie professionnelle révolue, non sans nostalgie. C’était inattendu, mais surprenant et très agréable.

Synopsis

« Alaïs Dronning est la flouturière la plus en vogue de Wonderland. Elle amadoue les fleurs et confectionne ainsi des vêtements à nuls autres pareils dans sa petite boutique, tout près de l’enseigne tenue par son ami de toujours, Hatta, le Chapelier.

Un beau matin, le Roi Rouge en personne frappe à sa porte pour lui passer commande d’une robe si belle qu’elle sera garante de la paix avec la terrible Reine Blanche, ennemie séculaire du royaume. Accompagnée du redouté Chevalier de Cœur pour dénicher les plantes les plus rares, elle se met au travail. Mais la Reine Blanche n’a pas dit son dernier mot.

À quel moment le présent est-il devenu malédiction ? Alaïs l’ignore.

Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle risque sa tête, piégée au cœur d’un complot dont elle ne soupçonne pas la portée.

Épaulée par le Chapelier, accompagnée d’un étrange Chat de la Lune, aux confins de Wonderland, elle va devoir se trouver elle-même ou tout perdre. »

Un roman floral !

Première chose que j’ai aimée dans Fin de partie : le personnage d’Alaïs, la flouturière. C’est une couturière de fleurs, et celles-ci parlent, vivent, philosophent, paressent. L’art floral est poussé à son extrême, Alaïs crée ainsi de magnifiques robes vivantes. Evidemment, ça me parle, j’ai été fleuriste, au tout début de ma carrière professionnelle, et j’ai toujours en moi ce goût pour les fleurs que je vois comme des êtres non seulement vivants mais dotés d’une magie interne. J’ai donc énormément apprécié cette poésie florale, c’est vraiment très visuel et féérique.

Et en parlant de poésie, elle est présente dans ce roman non seulement dans les fleurs mais dans l‘écriture, tantôt douce tantôt piquante. J’ai énormément apprécié la première partie de ce roman, qui pose le cadre tout en douceur, présente les personnages et les drôles de créatures, l’univers de Wonderland, le début de l’intrigue. Cette première partie est assez douce, féérique, jolie, et légère.

La Reine Rouge de Lewis Carroll

Fin de partie imagine la montée en puissance de la Reine rouge, personnage issu du roman Through the looking-glass de Lewis Carroll (1871). Comme toute réécriture de conte, on retrouve tous les codes de ce type de récit. On est bien dans un conte ici, à la portée universelle, dans un univers sans localisation ni époque précises. Ca pourrait être nulle part, comme partout. Et puis les personnages portent en eux des caractères typiques (jalousie, souffrance, avidité, recherche de pouvoir…) qu’ils personnifient. Est alors racontée une histoire à portée morale.

D’autre part, Fin de partie réinvoque tous les éléments phare du récit originel. D’abord le clin d’œil du titre : un moment crucial dans les parties d’échec, un rappel à la rencontre entre Alice et La Reine Rouge et le combat final. Mais aussi Wonderland et sa tripotée de personnages : le chapelier, Alaïs dont le prénom évoque Alice (et cette proximité interpelle, d‘ailleurs), le chat rayé… Et puis la partition du royaume en deux, Reine blanche vs Reine Rouge.

Illustration by John Tenniel of the Red Queen lecturing Alice for Lewis Carroll’s « Through The Looking Glass »

Fin de partie reprend également la thématique de la quête de soi. A travers toutes les épreuves que l’héroïne traverse pour lutter contre le Mal (que ce soit Alice ou Alaïs) c’est un roman d’apprentissage qui se lit ici. La jeune fille découvre ses limites, ses failles, grandit avec, fait des erreurs, et apprend à les surmonter – ou à vivre avec. Fin de partie exploite davantage il me semble cet aspect-là, en revisitant toute la construction et la montée du personnage de la Reine Rouge.

Enfin, dans l’écriture et le cadre du récit, Mérida Reinhart s’inspire aussi du conte d’origine, pour saupoudrer son récit de cocasserie, de choses rigolotes et improbables (comme justement ces fleurs qui parlent). Mention spéciale aux deux Rois, complètement loufoques et à côté de leurs épouses franchement insignifiants (mais bien plus rigolos).

Une réécriture dramatique

Après la première partie qui m’a semblé douce et mignonne, la seconde partie devient rapidement beaucoup plus sombre. C’est un autre aspect qui m’a marquée dans ce roman : cette capacité à souffler le chaud et le froid, à faire se succéder des moments légers et des instants très dramatiques. D’ailleurs, le jeu sur les couleurs, blanc et rouge, reflète particulièrement bien cette tension. Mérida Reinhart jongle avec ça et nous fait perdre pied. C’est déroutant et j’ai beaucoup apprécié.

A l’image du personnage d’Alaïs, le roman se métamorphose. Car Fin de partie est le roman d’une métamorphose, d’un basculement. C’est assez percutant. Je ne vais pas vous en dire plus au risque de vous dévoiler le roman. Sachez toutefois que le roman répond à la question très simple : Qui est la Reine rouge, ce personnage à peine esquissé dans l’œuvre de Carroll, et quelles sont ses motivations ? C’est tout l’enjeu de la présence de ce roman dans la collection Bad Wolf de la maison d’édition. En effet, on passe de l’autre côté, du côté du méchant, en étoffant cette figure un peu trop lisse, un peu trop simple, des contes. Ici, ce personnage prend énormément d’épaisseur, de sens, et il arrive même de ressentir de l’empathie pour cette Reine Rouge, dont on parvient à comprendre le comportement.


Cette métamorphose est très convaincante. Plusieurs questions non évoquées dans le conte originel sont ici esquissées. Fin de partie y apporte des réponses fort intéressantes. Pourquoi le chapelier est-il coincé dans une boucle à l’heure du thé ? Pourquoi semble t-il avoir une case en moins ? La figure du Temps, personnage crucial du roman, rajoute à celui-ci une consistance dramatique supplémentaire. Comme le miroir qui se reflète à l’infini, Fin de partie offre une boucle temporelle et narrative tout aussi vertigineuse.

En pratique

Mérida Reinhart, Fin de partie

Magic Mirror Editions, collection Bad Wolf

Novembre 2021

Couverture : Mina M

 

Fin de partie est un roman de Mérida Reinhart, paru aux éditions Magic Mirror. Il revisite le conte Alice de l’autre côté du miroir de Lewis Carroll, en exploitant le personnage de la Reine rouge. Plus qu’un roman « de l’autre côté », du côté du méchant, Fin de partie est le récit d’une métamorphose. J‘ai toujours beaucoup aimé ce basculement vers le côté obscur. Dramatiquement, c’est un moment très intense et ici, cela fonctionne très bien, avec beaucoup de contrastes, d’émotions et de complexité. Un très très bon roman que je recommande, d’autant que la couverture de Mina M et la maquette intérieure magnifique créent encore une fois un très beau livre objet !

6 commentaires sur “Mérida Reinhart – Fin de partie

Ajouter un commentaire

  1. Si je n’avais pas déjà été tentée, tu m’aurais plus que donné envie de découvrir ce roman que je suis certaine d’apprécier autant pour le fond que la forme !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Fièrement propulsé par WordPress | Thème : Baskerville 2 par Anders Noren.

Retour en haut ↑