Lizzie Felton – Les amoureux de la Lune

Je n’avais encore jamais lu de roman de cette autrice. Lizzie Felton vient de sortir le premier tome d’une série qui me tente beaucoup. Il était temps que je la découvre, et c’est chose faite avec son premier roman Les amoureux de la Lune, paru aux Editions du Chat Noir en avril 2018. J’ai eu le grand plaisir de rencontrer l’autrice aux Imaginales, qui m’a d’ailleurs dédicacé mon exemplaire. Je ne savais pas trop quand j’allais le lire, et puis un trou la semaine dernière est apparu, avec un après-midi de congé fort bienvenu : hop, je me suis lancée. Et j’ai lu d’une traite ce roman enchanteur.

Synopsis

« À 17 ans, troquer sa vie parisienne pour suivre sa famille sur la côte d’Azur est un enfer pour Lucie. Pourtant, la jeune fille y intègre bien vite le cercle de la jeunesse dorée locale, qui l’initie à l’effervescence nocturne, synonyme de soirées endiablées, où l’alcool coule à flots, les rencontres sans lendemain se succèdent et l’insouciance adolescente rayonne.
Mais lorsque Lucie rencontre Ulysse, le monde de la nuit prend un tout autre visage sous le regard azur de ce jeune peintre. Malgré les avertissements de ses nouveaux camarades, la jeune fille est attirée par ce mystérieux artiste qu’elle ne croise qu’à la nuit tombée, lui qui voit dans les ombres des couleurs que personne ne décèle, une magnificence que tout le monde ignore, une fascination pour l’astre argenté.
Lui qui voit et révèle en elle cette même beauté invisible…
S’épanouissant avec Ulysse dans la nuit, comme une fleur au soleil, Lucie est alors emportée par un tourbillon d’émotions, un amour de la Lune qui changera à jamais sa vision de la vie. »

Un roman tout en contrastes

Ulysse, point de rupture

Les amoureux de la Lune, c’est un roman surprenant. En apparence, fort simple, dans son intrigue, son cadre et son écriture. Tout ça n’est qu’une apparence, rapidement balayée dès l’apparition d’Ulysse. Car c’est littéralement ça : il surgit, comme venant de nulle part. Dès lors, il va être le centre d’un balancement constant dans le roman.

Son apparition marque une rupture. Les premières pages du roman présentent un cadre assez classique : une famille tout aussi banale, une jeune femme, fille unique capricieuse, une Côte d’Azur avec tout l’imaginaire cliché qui l’accompagne (l’inondation de soleil, les vacances, les fiestas nocturnes de pauvres jeunes riches qui s’ennuient et flambent leur vie). Les dialogues sont appropriés aux personnages, très communs (mais sans la vulgarité ou les expressions typiques des conversations orales de l’époque : comme quoi on peut écrire du dialogue de YA sans pourrir la langue).

Et puis Ulysse, un jour, est là. Sur une plage déserte, à la tombée de la nuit. De suite, on entre dans une autre dimension. Ulysse apprend Lucie à voir et à écouter. L’écriture, comme le cadre, deviennent impressionnistes : des reflets de la Lune par petites touches sur la mer, des bribes de paroles, une écriture d’impressions et de ressentis.

Une écriture des contrastes

Lizzie Felton offre alors un récit fort contrasté. Dans la langue, tantôt courante avec les amis de Lucie, tantôt poétique, comme venue d’une autre époque, avec Ulysse. Un déluge de mots et de cris d’un côté, des blancs de l’autre. Dans l’ambiance, aussi. La frénésie, vs le calme. Le jour et le soleil d’un côté, la nuit et la Lune de l’autre. Des personnages assez creux d’un côté, frôlant le cliché, et de l’autre côté des personnages fantomatiques, effacés mais qu’on devine consistants et remplis de mystères. Sans cesse, on va et on vient, d’un extrême à l’autre, porté par la plume de Lizzie, qui semble douce comme une plume.

L’autrice développe dans Les amoureux de la Lune une poésie naturelle, sans artifices, sans images, juste amenée par la douceur des phrases assez simples, la mélancolie croissante des personnages et les silences. Ulysse nous apprend aussi, à nous lecteurs, à voir entre les lignes, et à décoder les blancs, remplis de sensations et de ressentis. Les dialogues deviennent superflus, la poésie nait du silence et des mystères.

Le contre-pied de la bit-lit

Croc, ou pas croc ?

Lizzie Felton détruit avec brio les codes de la bit-lit traditionnelle. On est comme Lucie, à nous interroger sur la nature d’Ulysse. On retrouve tous les ingrédients du genre : le manoir, la vie de nuit, les trucs étranges, la pâleur de la peau, la beauté presque surnaturelle…

Tout au long du roman, on pense savoir à qui et à quoi l’on a affaire. D’autant plus que l’autrice parsème quelques petites touches de fantastique. L’espace de quelques pages, l’hésitation caractéristique du genre, sur la nature des événements, est bien là. Réel ou surnaturel ? Un soupçon d’angoisse, et évidemment, nul indice sur ce qui se produit. Le lecteur doit comprendre tout seul. Au risque de faire les mauvais calculs, pensant être en terrain connu. Mais ce n’est pas grave, quand il se rendra compte d’à quel point il est à côté de la plaque, quelle surprise alors !

J’ai particulièrement aimé la dimension artistique très présente dans ce roman, avec un petit clin d’œil à Dorian Gray avec l’épisode du tableau. Les amoureux de la Lune s’inscrit alors dans une tradition littéraire fantastique et fantasy pour s’en écarter un peu mieux. Mais le tout, très discrètement, sans gros sabots. Toujours, tout en douceur. Enfin en apparence.

Les amoureux de la Lune n’est pas du tout ce que vous croyez

Et c’est tout le génie de l’autrice à mon avis. Sous couvert d’une apparente simplicité, elle cache énormément de choses dans son roman, qui prend une épaisseur incroyable au fil des pages. Les amoureux de la Lune n’est pas du tout le roman que l’on pense. L’autrice nous trompe avec son écriture toute douce et ses non-dits. Elle nous emmène alors sur un terrain fort surprenant, auquel je ne m’étais pas du tout attendue.

Et c’est très réussi, particulièrement poignant, car encore une fois, c’est tellement mignon et faussement gentillet, qu’on ne voit rien venir. Et là, Lizzie Felton nous immerge littéralement sous une vague énorme.

Je ne sais pas ce qui m’a le plus plu dans ce roman. Le fait que l’autrice nous montre que l’imaginaire est en chacun de nous, et qu’il suffit de le cultiver ; que même sous des cieux semblant être moins propices à la magie, celle-ci peut malgré tout se trouver, si on lui laisse sa place. Ou bien comprendre qu’un récit peut nous offrir de l’évasion et de la magie, dans certaines situations, dans certains rapports humains d’une beauté pure, sans aucun autre artifice. Quel incroyable trompe-l’œil, alors !

En pratique

Lizzie Felton, Les amoureux de la Lune

Editions du chat noir, collection Cheshire, avril 2008

Couverture : Megatruh

Autre avis : FungiLumini, qui a adoré aussi ce roman, vous y trouverez quelques citations extraites de l’œuvre, pour vous donner une idée de la plume de l’autrice et de l’ambiance du roman.

 

J’ai dévoré Les amoureux de la Lune, premier roman de Lizzie Felton, en un après-midi. Portée par la plume tout douce de l’autrice, par cette impression de simplicité rafraîchissante. Je m’étais attendue à tout, sauf à ce que nous offre l’autrice dans ce roman. Un récit mélancolique, qui nous invite à rêver à chaque seconde, et à voir dans ce qui nous entoure plein de possibilités de magie et d’imaginaire. J’ai adoré la manière dont l’autrice nous guide vers un terrain connu, pour mieux nous en détourner et nous tromper du tout au tout. Et elle le fait avec une écriture qui nous enlace, et nous aveugle l’air de rien. Une très belle découverte encore, du coup je pense que la lecture de son roman suivant, A l’ombre du manoir, sera également un bon moment livresque !

7 commentaires sur “Lizzie Felton – Les amoureux de la Lune

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    1. Il est fascinant ce bouquin, c’est absolument tout le contraire de ce à quoi on s’attend. J’ai adoré la manière dont on se fait rouler, tout en douceur et de manière innocente par cette plume si jolie. J’espère que cela te plaira, et oui, tu apprécieras le clin d’oeil je pense 🙂

  1. C’est marrant, car je n’étais pas tentée du tout, mais j’ai lu ta chronique, et maintenant, clairement, je me dis qu’il faut que je le lise !
    Il fera partie de mes prochains achats chez cette maison d’édition !

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