Jean-Laurent Del Socorro – Du roi je serai l’assassin – #PLIB2022

Après avoir découvert et beaucoup apprécié Royaume de vent et de colères, je me suis lancée dans Du roi je serai l’assassin de Jean-Laurent Del Socorro. Il s’agit d’un roman qui développe un personnage secondaire aperçu dans Royaume… On retrouve donc ici ce mélange Histoire-fantasy qu’on avait déjà rencontré auparavant. Ce roman est paru en 2021, chez ActuSF, et figure dans les 25 sélectionnés du PLIB2022.

Synopsis

« Espagne, Andalousie, XVIème siècle. La Reconquista est terminée. Charles Quint règne sur une Espagne réunifiée et catholique.

Sinan est un enfant qui vit avec sa sœur jumelle, Rufaida à Grenade. Musulmans convertis par nécessité à la religion catholique, sa famille les envoie à Montpellier pour échapper à une Inquisition toujours plus féroce. Là-bas ils tomberont dans une France embrasée par les guerres de religion… »

Dans la suite de Royaume de vent et de colères

En fait, c’est assez inexact de parler de suite. En effet, si l’on suit dans Du roi je serai l’assassin un personnage secondaire du Royaume… c’est l’histoire de sa vie qui est racontée ici. Les quatre-cinquièmes du roman se passent ainsi avant les événements narrés dans le Royaume…, depuis la jeunesse du personnage. Mais le roman est assez habile, car il poursuit aussi le Royaume, en donnant un aperçu du sort du personnage après la fin du précédent roman. Une très belle intrication entre les deux romans.

On retrouve également les thématiques historiques et religieuses du Royaume. Que ce soit en Espagne ou en France, quelle que soit la ville, qu’on soit musulman, protestant ou catholique, ça ne va jamais. Tout est prétexte à la guerre, à l’imposition d’une religion par le pouvoir et des personnages extrémistes. C’est une Europe de la Renaissance bouleversée par ces crises politiques et religieuses que l’on parcourt ici. Et le tout est encore fort bien documenté.

Un roman bourré d’humanité

C’est aussi le portrait d’une Europe sociale qui se lit, dans toutes ses contradictions. Jean-Laurent Del Socorro aborde de manière très intelligente et très juste la question de l’homosexualité, ainsi que celle de la place des femmes dans cette société tiraillée de toutes parts. C’est très finement traité et porté par des personnages dotés d’une très grande force dramatique. Certes, il donne voix aux minorités, et c’est une belle et opportune manière de le faire; mais j’y ai vu un message beaucoup plus ouvert et universel. En effet, ce roman démontre surtout que chacun peut être considéré comme faisant partie d’une minorité, selon le point de vue dans lequel on se place. Femme de pouvoir hier, femme de rien aujourd’hui; musulman hier, faux catholique converti aujourd’hui. Rien n’est jamais acquis ni définitif, pour personne.

Enfin, dans cette Histoire se retrouvent les histoires de tous ces personnages, qui (sur)vivent, se battent, aiment… Du roi, je serai l’assassin est un roman bourré d’humanité, vibrant. Pas évident de suivre les pas d’un personnage violent et meurtrier. Mais là encore, l’auteur parvient à apporter suffisamment de nuances pour nous montrer que rien n’est jamais simple, ni tout noir, ni tout blanc.

Du roi je serai l’assassin : un récit de vie

Du roi je serai l’assassin est un roman radicalement différent dans sa structure. Il est cette fois linéaire, partant de la prime jeunesse du personnage qui se fait narrateur par la même occasion. Un récit au « je » comme je les aime (ironie ^^).

Bon, en toute honnêteté, j’ai bien aimé ma lecture, et j’ai trouvé ce récit très percutant et vraiment décoiffant. D’une part, par la violence physique du personnage (et d’autres aussi ; d’ailleurs, ce roman peut se révéler difficile, notamment sa première partie). Il m’a semblé que cette violence ressortait encore plus du fait de la narration, mélodieuse et poétique. Le roman est à l’image du titre. L’inversion du complément du nom crée une mise en parallèle des termes « du roi » et « assassin », ainsi accentués. Il y a quelque chose de poétique dans ce titre, au sens de création de langage : c’est une assertion qui se clame haut et fort, implacable, brutale, directe.

D’autre part, le récit ne donne aucun détail inutile. En effet, chaque élément sert le récit et la manière dont il se termine, comme si le narrateur réécrivait sa vie à son crépuscule, comme pour expliquer ce qui l’a amené ici. C’est le récit d’une métamorphose, ou de plusieurs métamorphoses d’ailleurs, successives, et en cela, il y a aussi de la magie dans ce personnage.

Une fantasy finement parsemée

Du roi, je serai l’assassin est effectivement un récit de métamorphose. Métamorphose d’un personnage, qui change de prénom selon les différents stades de sa vie. Il arbore un visage protéiforme, à l’image de l’Arbent, quête des deux protagonistes. On reconnait ici la pierre de l’Artbon du Royaume de vent et de colères, cette pierre magique qui donne au roman sa couleur fantasy. Les choses et les personnages changent de visage sans cesse dans ce roman, chacun portant un masque pour survivre. Encore une fois, il y a ici un aspect théâtral qu’on ne peut pas louper et qui va de pair avec la mise en scène de ce récit de vie.

Si Du roi, je serai l’assassin se rapproche de Royaume de vent et de colères par cette touche fantasy, j’ai cependant trouvé qu’elle prenait plus de place ici. La magie imprègne davantage ce récit, car elle guide littéralement les deux protagonistes à sa recherche. Elle est l’objet d’une lutte entre plusieurs personnages et factions, et on peut voir quelques exemples de ses dégâts. J’ai beaucoup aimé cette quête, par le biais de témoignages humains ou livresques. Une plongée dans les croyances perdues et oubliées.

En pratique

Jean-Laurent Del Socorro, Du roi je sera l’assassin

Avril 2021, Actu SF

Couverture : Zariel

#PLIB2022

#ISBN9782376863519

Autres avis : très belle réussite pour Celindanaë; très bonne lecture pour l’Ours inculte, mais compliquée du fait de la violence inattendue de la première partie; coup de foudre pour Amarüel et Dup. Pas son préféré de l’auteur mais bonne lecture pour Tigger Lilly.

Du roi je serai l’assassin se situe dans le même univers que Royaume de vent et de colères. Jean-Laurent Del Socorro reprend les thématiques qu’il a explorées dans son roman précédent. Histoire, Renaissance et guerres de religion, qu’il parsème d’ingrédients magiques. J’ai aimé ce récit plus linéaire, vu du « méchant » si on peut dire ça comme ça. Car c’est le portrait d’un personnage très humain qui se donne à voir ici, et sa métamorphose. Un personnage tout en nuances, dans une fresque européenne et historique magnifique. Et je vais poursuivre ma lecture des romans de l’auteur avec Boudicca, dès lundi, en lecture commune avec mon amie Véronique Parrenin 🙂

7 commentaires sur “Jean-Laurent Del Socorro – Du roi je serai l’assassin – #PLIB2022

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  1. Raaaaah je me suis convaincue que cet auteur n’était pas fait pour moi après avoir lu Je suis fille de rage mais c’est le 2e avis que je lis sur ce titre qui me ferais presque revoir cette position

    1. C’est rigolo, tu sais, parce que je pensais aussi que ce n’était pas un auteur pour moi, ne l’ayant encore jamais lu. Je savais que c’était un super écrivain, mais bon, l’Histoire et moi bof; en plus peu de fantasy, re bof. Et puis finalement, j’ai beaucoup aimé ! Alors par contre, je n’ai pas lu Je suis fille de rage, alors peut-être est-il très différent ce celui-ci…
      Peut-être qu’il sera dans les 5, et dans ce cas, tu auras l’occasion de le lire 🙂

      1. Ou peut-être que même s’il n’est pas finaliste je me laisserais tenter vu que la ME a eu la gentillesse de nous l’offrir 🙂 (enfin si je ne me trompe pas^^). En tout tu pointes tout ce qui me fait reculer : Histoire et peu de fantasy. Je suis fille de rage j’avais beaucoup aimé la première moitié mais je me suis ennuyée dans la seconde. Et le fait que le fantastique soit anecdotique m’avait également pas mal dérangé

        1. Oui, la ME nous l’a offert, je l’ai lu dans la version ebook 🙂 Autant Royaume de vent et de colères m’a paru très light en termes de fantasy, autant là elle est plus présente j’ai trouvé. La quête de la pierre magique prend pas mal de place. Mais bon, après, il ne faut pas s’attendre non plus à des choses très waouh : ça reste dans les clous de l’Histoire, il n’y a pas d’uchronie… Mais il se lit rapidement, il est assez court, bref j’ai trouvé que le dosage était bon. J’espère que ce roman te réconciliera avec l’univers de l’auteur 🙂

          1. Je l’espère, il remonte dans ma PAL avec ton avis. Ce qui ne m’arrange pas vraiment lol. Je ne te remercie pas ?

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