Un nouveau roman jeunesse par Estelle Faye : L’arpenteuse de rêves est sorti chez Rageot, en octobre 2021. Je me le suis procuré – dédicacé – aux Imaginales, le roman venait juste de sortir ! J’avais aimé la plume de l’autrice dans Un éclat de givre et Un reflet de Lune, j’étais donc impatiente de découvrir son nouveau roman fantasy. Le livre est très beau; la couverture de Paul Echegoyen invite au voyage dans le royaume de Claren. Une lecture du challenge ABC de l’imaginaire : lettre F.
Synopsis
» Myri est une Arpenteuse, elle a le pouvoir de s’immiscer dans les rêves des autres. Ce pouvoir est aussi une malédiction qui a causé la mort de sa jeune sœur, quelques années auparavant. Depuis, Myri se tient à l’écart des rêves grâce à la nerfolia, une plante interdite.
Mais dans le royaume de Claren, quand on est une habitante de la ville basse, on n’échappe pas facilement à son destin. Une pollution inquiétante se répand autour des ateliers, le long du fleuve. Elle coïncide avec l’apparition d’étranges fantômes qui s’introduisent dans les rêves et les transforment en cauchemars. Alors, quand le petit Miracle est à son tour frappé par le Mal des fantômes, Myri n’a pas d’autre choix que de redevenir une Arpenteuse ».
Un roman d’ambiance
Atmosphère, atmosphère…
C’est ce que je préfère chez cette autrice : sa peinture d’ambiances. Toujours sombres, assez noires et vaporeuses, qui suintent, et qui vous collent à la peau. On avait déjà ce type d’atmosphères dans Un éclat de givre et Un reflet de lune. J’ai eu plaisir à retrouver la plume si fine d’Estelle Faye, qui conserve ce talent ici, dans un roman destiné à un public plus jeune. Et surtout qui en conserve la noirceur et la profondeur.
Le royaume de Claren est citadin. Une cité Etat, organisée de manière assez classique : les nantis en haut, les pauvres en bas. Evidemment, on va évoluer avec des personnages d’en bas. C’est déjà vu, mais efficace. Ca colle à l’ambiance dépeinte.
Une ambiance en phase avec des thématiques actuelles
J’apprécie toujours aussi la manière qu’a l’autrice de corréler ses récits imaginaires avec des problématiques actuelles. Ici, le monde d’en bas est profondément touché par des émanations toxiques dans l’air, malsain, hyper pollué. Les usines qui dégorgent dans les eaux ont détruit toute la biodiversité qui y résidait.
L’ambiance sombre dessinée par l’autrice n’est donc pas gratuite, et j’ai apprécié qu’elle soit en lien avec une question écologique sous-jacente. L’arpenteuse de rêves est un roman jeunesse, mais qui ne lésine pas sur la profondeur.
Une intrigue intéressante
Qui casse le schéma narratif habituel
Ca m’a tout de suite plu.
D’abord, le récit est hyper concentré; il se déroule tout au plus sur une semaine. Il se passe beaucoup de choses, c’est dense, mais jamais d’invraisemblances, aucune facilité scénaristique, pas la panoplie habituelle d’événements complètement dingues. Et je salue aussi l’absence de chamboulement du monde établi. Je déteste les romans qui en deux temps trois mouvements dézinguent l’ordre établi comme si pouf pouf, c’était fastoche. Ici, non. On garde une cohérence d’ensemble qui me plaît.
D’autre part, le roman semble être une parenthèse; un entre-deux. Ca commençait déjà à aller mal avant le début du récit, qui démarre de ce fait in medias res. Et la fin du roman n’est pas une fin en soi : elle ouvre vers d’autres perspectives, d’autres histoires à raconter. Il n’y a pas de solution miracle, pas de tout est bien qui finit bien. Pas de situation finale habituelle, donc. Et l’entre-deux réside également dans ce balancement constant entre rêves et réalité, qui tantôt se rejettent, tantôt fusionnent.
Enfin, je remercie infiniment Estelle Faye de ne pas être tombée dans le piège de la romance traditionnelle. Mais cela ne m’étonne pas vraiment en fait, la Dame est rusée. Elle n’en est pas à son premier roman, et elle a déjà démontré qu’elle aimait sortir des sentiers battus. Elle sait nous surprendre.
Quelques zones d’ombre
Toutefois, si le roman se tient parfaitement dans ce one shot, j’ai quand même trouvé le rythme un poil rapide, des chapitres courts et nombreux, et des personnages pas toujours hyper approfondis. J’aurais aimé par exemple que les personnages secondaires soient davantage creusés. Mais peut-être que cela répond davantage aux goûts du public cible.
Et vous le savez : la narration à la première personne au présent et moi, ça ne colle pas. Lire le récit en train de se dérouler a tendance à me poser davantage de questions sur la vraisemblance de ce procédé, ce qui m’empêche de plonger complètement dans le roman. Je me suis demandé à quel moment la narratrice, Myri, racontait son récit. J’ai fini par arrêter de me poser cette question faute de réponse, mais quand l’épilogue, plusieurs mois après, revient sur les derniers événements au passé composé… là j’avoue que je me suis sentie perdue.
Bon, cela dit, c’est du pinaillage, ça n’a pas amoindri le plaisir de ma lecture. Juste un peu empêchée de m’immerger dedans pleinement.
En pratique
Estelle Faye, L’arpenteuse de rêves
Couverture : Paul Echegoyen
Rageot, octobre 2021
Autres avis : Saiwhisper, qui aurait aussi aimé un développement plus prononcé des personnages; une très bonne lecture pour Yserei et Aelinel. Un coup de cœur pour Phooka.
L’arpenteuse de rêves est un roman jeunesse d’Estelle Faye. C’est un bon et beau roman, que j’ai apprécié, pour son ambiance et sa rupture avec les codes fantasy jeunesse habituels. J’ai aimé ce va et vient entre rêves et réalité. Il m’a cependant manqué quelques approfondissements sur les personnages pour que cette lecture soit excellente. Mais c’est un roman que je recommande, particulièrement pour un public jeunesse/YA, tant il propose quelque chose de singulier et de nouveau. Et le second niveau de lecture qu’offre ce récit saura aussi charmer et contenter pleinement les adultes.
On a ressenti très proche. Pour ma part, la 1ère personne au présent ne me dérange pas. Mais, je peux comprendre que cela puisse déplaire. Après, j’ai une préférence pour le passé simple et le point de vue omniscient.
Disons que j’ai plus de mal quand ce n’est pas de la narration contemplative ou en mode journal. Je pense que c’est une question d’habitude, j’ai une préférence aussi pour le PS avec focus omniscient. Mais c’est vrai aussi que ça reste très classique, et le changement de point de vue et de temporalité apporte des choses intéressantes.
Le fait est que j’adore la narration à la première personne donc déjà je partais bien .
Oui ça aide pour s’immerger directement dans le roman, quand ça matche tout de suite 🙂
A voir s’il est finaliste ? me semble qu’il rencontre un joli succès. L’autrice m’avait dit qu’il était partie en réimpression quand j’avais discuté avec elle en novembre
Ca ne m’étonne pas, je viens de voir ses tweets relatifs au festival Yggdrasil, elle a tout vendu !! Je ne suis pas certaine qu’il finisse dans les 5 cela dit. Pour ma part, j’ai bien aimé, mais il ne sera pas dans mes finalistes.
Je comprends ton ressenti sur certains points. Pour la 1ere personne, j’avoue que ça passe ou ça casse.^^ De mon côté, ça dépend de la personnalité du narrateur. Sinon, malgré les points positifs, je ne sais pas s’il finira parmi les 5 finalistes… Certes, il a eu du succès, mais…
J’avoue que je suis un peu « vieillotte » de ce côté-là : je suis restée très classique XIXème, habituée à une narration hétérodiégétique et à un point de vue omniscient. Alors quand on change mes petites habitudes, ouhlala je suis perdue 😀
Mais à part cela, c’est un très bon livre; par contre il n’ira pas dans mes 5, mon choix étant déjà fait (bien que je n’ai pas eu le temps de lire les 25… :-/ )
Jolie chronique. C’est un roman jeunesse mais qui m’attire beaucoup. Si j’arrive un jour à l’intercepter à la biblio (pas certaine vu le succès!) je le lirai avec grand plaisir.
Merci ! Il est bien ficelé ce roman, et saura plaire à un public adulte. Mais oui, il connait un certain succès, j’espère que tu pourras te le procurer (sinon, je te le prête quand on se verra aux Imaginales 🙂