Eric Brown – Simulacres martiens

Simulacres martiens est une novella d’Eric Brown, parue au Bélial fin janvier 2021. C’est Yuyine qui m’a donné envie de lire ce petit texte, l’enthousiasme de sa chronique m’a incitée à m’y plonger rapidement. Je n’ai lu que peu de textes de la collection UHL (Une Heure Lumière, regroupant les textes courts) de cet éditeur, j’avais été refroidie par La fontaine des âges de Nancy Kress. Je dois dire que Simulacres martiens m’a réconciliée avec la collection. J’ai trouvé ce texte fort sympathique. Une lecture dans le cadre du Challenge de la planète Mars, lancé par Ta d loi du cine sur le blog de Dasola, jusqu’au 31 mars 2022.

Synopsis

« Londres, 1907. Dix ans après la reddition terrienne.

Alors que l’humanité vit sous la férule de ses conquérants, Gruvlax-Xenxa-Schmee, vice-ambassadeur de Mars en Grande-Bretagne, vient frapper à la porte du 221b, Baker Street. Il faut dire que l’affaire est d’importance, et quand les maîtres de la Terre vous réclament, se dérober n’est pas une option.

Ainsi le docteur Watson et le plus célèbre des enquêteurs humains, Sherlock Holmes, se trouvent-ils propulsés au sein d’une enquête épineuse, dans les méandres désertiques de la Planète Rouge, avec pour compagnon nul autre que l’impétueux professeur Challenger.

Leur mission ? Résoudre une énigme improbable et assurer la paix entre les mondes. À moins qu’un terrifiant secret ne se dissimule derrière les intentions prétendument louables des nouveaux seigneurs de la Terre. Car après tout, sur Mars, les apparences peuvent s’avérer trompeuses… »

Un texte miroir

Première chose que j’ai trouvée chouette : la novella est un pastiche des œuvres de H.G Wells et Conan Doyle. L’histoire racontée ici se situe 10 ans après les événements de la La guerre des mondes (1898). De plus, elle met en scène le célèbre détective de Conan Doyle et son ami Watson.

Une parfaite continuité avec l’œuvre de Wells. Mais Simulacres martiens imagine aussi les raisons pour lesquelles les martiens ont débarqué dix ans plus tôt. Cette novella n’est donc pas qu’une suite, elle complète aussi des trous laissés dans l’œuvre de Wells.

Le truc vraiment génial, à mon sens, c’est que l’auteur a su rester dans l’époque et l’imaginaire des deux œuvres d’origine. Il présente un imaginaire très ancré, fin XIXème siècle/début XXème siècle. Par exemple, quand les terriens arrivent sur Mars : on leur explique que le taux d’oxygène est plus faible que sur Terre, et donc le ressenti sera celui des hautes altitudes terrestres ! Hormis ces quelques petits inconvénients légers, hopla ! Débarquement sur Mars immédiat, sans casque ni protection. Ni oxygène, donc. Fastoche.

Une planète miroir

Mars se trouve également être une réplique de la Terre en version rouge. Mêmes rues, hôtels, boissons, visiblement une temporalité identique… En somme, si certains Martiens utilisent des Humains pour en faire des simulacres, ils n’ont pas à se forcer beaucoup. A part l’apparence qui change, les martiens sont pareils que les terriens.

Leur planète fonctionne d’ailleurs de la même manière. Quant à leur Histoire, elle est similaire à celle des Humains. Mêmes guerres internes, même organisation sociale avec ses minorités, mêmes enjeux. D’ailleurs le but des martiens est très calqué sur le comportement colonialiste de l’époque. Bref, rien de nouveau sous le soleil. En cela, ces martiens ne sont ni meilleurs, ni pires que les Humains. Un double, en quelque sorte.

On a donc dans cette novella cette figure du sosie, du double et du doppelgänger qui est omniprésente. Elle filée comme une métaphore dans l’ensemble de la novella.

Un texte entre-deux

Simulacres martiens est une novella qui se situe après La guerre des mondes. Le texte amène les personnages à découvrir les raisons de l’arrivée des Martiens sur Terre, et leur modus operandi. Mais on ne va pas plus loin. En bref, sans en dévoiler trop, disons que Sherlock remporte ici une bataille, mais pas la guerre, à venir. L’objet d’un autre texte qui serait à imaginer. Cette impression d’entre deux justifie le format court du texte. Pour le coup si la fin peut paraître abrupte elle se tient et a du sens si l’on considère qu’elle n’est qu’une porte vers autre chose.

D’ailleurs, mon amie Yuyine nous indique une chose fort intéressante : Simulacres martiens n’est qu’un bout remanié d’un roman de l’auteur qui s’intitule The Martian menace (2020). Donc suite il y a, et on peut espérer que suite sera publiée 🙂 En cela, cette novella soulève un pan du voile, mais pas trop, suffisamment pour nous donner envie. En bref, moi je dis : contrat rempli.

Des personnages simulacres

Pour le coup, petit bémol sur les personnages, notamment ceux de Conan Doyle. Sherlock et Watson, malgré quelques passages cocasses et savoureux, ne servent pas à grand chose. C’est qu’ils sont un peu rouillés, les petits vieux. D’ailleurs, leur enquête tourne vite court (pas de leur faute, cela dit). Mes souvenirs de Conan Doyle sont un peu brumeux je l’avoue. Mais je n’ai pas retrouvé la consistance de ces personnages dans la novella. Ni les rrrroulements de tambourrrr marquant le suspense d’une enquête trépidante rrrrrondement menée par notre détective hyperrrrdoué. En cela, j’ai eu la sensation d’avoir eu… des simulacres de Sherlock et Watson (haaaaaan, wait, ça se trouve, c’était pas les vraiiiiiis !!!).

Sinon, j’ai apprécié le rebondissement final. Je m’attendais un peu à un truc magique sorti du chapeau pour finir sur une note globalement positive. Un peu facile de sortir la carte du simulacre, mais c’est aussi ça qui est plaisant avec ce texte. On n’est pas dans la vraisemblance, on s’amuse un peu. Et pour le coup, ça se voit parfaitement dans la représentation des Martiens, qui cumule davantage de qualificatifs tournés autour de la laideur que dans une description scientifique et réaliste. En gros, les Martiens de cette novella m’a fait penser à ceux de Mars Attacks ! (notamment la scène de la martienne au chewing-gum qui s’invite à la Maison Blanche) et ça m’a bien fait rigoler.

En pratique

Eric Brown, Simulacres martiens

Le Belial, janvier 2022

Couverture : Aurélien Police / Traduction : Michel Pagel

Texte original : The Martian Simulacra, in The Martian menace, 2020

Autres avis : les déçus de Sherlock et d’un goût de trop peu : Ombre Bones, Syndrome Quickson; les enthousiastes qui ont souri : Yuyine, Le nocher des livres, L’épaule d’Orion, Albédo.

Simulacres martiens d’Eric Brown est une novella que j’ai pris plaisir à lire et dont je lirai la suite une fois traduite et publiée. J’ai vraiment apprécié cette thématique du double et du sosie qu’on retrouve à tous les niveaux, doublée de ce côté amusement qu’on décèle par-ci par-là. Une petite lecture de week-end récréative, donc, qui m’a fait sourire. Donc un texte fort bienvenu !

13 commentaires sur “Eric Brown – Simulacres martiens

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    1. Oui oui, c’est assez génial je trouve. Après, mes souvenirs de Conan Doyle ne sont pas frais, Yuyine semble plus amatrice que moi et elle n’a pas du tout été frustrée vis à vis des personnages, donc 🙂
      Bref, je te le conseille à mon tour, c’est réjouissant comme texte !

    1. Super ! Ah tu vas apprécier je pense. Je suis contente de l’avoir lue cette novella, elle m’a réconciliée avec la collection UHL, c’était pas gagné au départ.

      1. La collection UHL, c’est le bien ! Trêve de plaisanterie, pour ma part, je l’adore et j’ai lu 2/3 des titres environ. Parmi les titres qui m’ont marqué, il y a L’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu, Vigilance de Robert Jackson Bennett ou Les meurtres de Molly Southborne de Tade Thompson.

        1. Ah oui, L’homme qui mit fin à l’histoire j’en ai lu beaucoup de retours. Je note ces références, je jetterai un œil pour voir si ça peut me plaire, je ne connais pas les autres que tu cites 🙂 Merci !

  1. Un bon divertissement rafraîchissant en effet. Et moi aussi j’ai eu l’image des martiens de Mars Attack et je ne pense pas que ce soit anodin ^^

  2. Ah, vous m’apprenez que, en plus du célèbre détective et de son biographe, on trouve aussi dans cette aventure martienne le professeur héros du Monde perdu! Et Mars aussi colonialiste que les Européens du XIXe s…. ça va mieux en le disant.
    Je me permets en tout cas de vous inciter à inscrire votre chronique (découverte via celle de Yuyine) au Challenge de la planète Mars, qui court encore jusqu’au 31/03/2022.
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

    1. Ah oui, c’est vrai, je suis passée à côté de ce professeur Challenger, je n’ai pas lu Le monde perdu encore, du coup ça n’a pas fait tilt dans mon esprit ! Alors depuis votre commentaire, je fais « ahhhhh » et « ohhhhh » en me rendant compte que l’intertextualité de ce petit bouquin est incroyablement riche !
      Et merci pour la mention de votre challenge de la planète Mars, qui m’était inconnu ! Je vais participer alors avec ce titre, puis celui de M.R Kowal, Vers Mars ! Je rajoute les références du challenge dans les deux billets, et je les poste en commentaire du challenge. merci encore !

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