Yellow Jessamine est une novella de Caitlin Starling, parue cette année aux éditions du chat noir. Une petite lecture de transition, le temps d’un week-end pendant lequel je savais que je n’aurais pas trop de temps pour lire. J’ai beaucoup apprécié ce texte, qui se situe « à la frontière », entre réel et imaginaire. Une participation supplémentaire pour le Projet Ombre, organisé par Manon d’Ombremont sur son blog Ombre Bones.
Synopsis
« Lady Evelyn Perdanu, magnat des transports maritimes, contrôle la ville de Delphinium grâce à son sens des affaires et aux informations qu’elle récolte à propos de ses habitants.
Un jour, une maladie inconnue frappe la population provoquant une étrange obsession qui conduit inéluctablement à la mort. Convaincue d’être impliquée dans l’épidémie, Evelyn se retire dans sa demeure, entre paranoïa et secrets empoisonnés, résolue à déraciner ce fléau avant qu’il ne détruise tout ce qu’elle a construit. »
Un huis-clos froid
Nous voici donc dans une ville côtière, Delphinium. L’ambiance n’est pas à la fête. Delphinium subit l’enfermement, et est repliée sur elle-même. Tout au plus peut-elle bénéficier de l’apport quotidien de denrées alimentaires depuis l’extérieur par le va et vient incessant des navires. La ville est en perdition, n’est plus que l’ombre d’elle-même, rapiécée, recluse : on sent sa fin imminente.
On ne sait d’ailleurs pas grand chose sur cette ville. Où se situe t-elle ? Pourquoi en est-elle arrivée à ce stade ? Que se passe t-il réellement en dehors des murs de Delphinium ? On ne le sait pas vraiment, et en fait ça ne manque pas : cela renforce au contraire le huis-clos.
L’ambiance de Yellow jessamine est donc sombre, d’autant qu’un mal inconnu rôde. Une épidémie se propage à toute vitesse, aux allures de Peste. Navires brûlés, malades isolés, un silence lourd qui plane. C’est froid, poisseux et menaçant.
Au milieu de Delphinium : Evelyn Perdanu
Lady Perdanu est une femme d’affaires dans un monde d’hommes. Rapidement, en quelques traits, on a une idée de ce qu’elle est vraiment. Une créature faible et gênante pour les hommes. Une fille à marier et une promesse d’argent pour son père et ses frères. Et puis une sorcière effrayante, aussi, pour d’autres. Alors elle se fait petite, inodore et sans saveur, et agit dans l’ombre, secrètement. J’admire cette femme, qui a tout compris. J’aime sa force tranquille, menaçante, manipulatrice.
De cette piètre considération à son égard vient sa méfiance envers tout le monde. Evelyn Perdanu a appris à n’avoir confiance en personne. Peu à peu, les personnages autour d’elle disparaissent, s’écartent, s’enfuient. Elle est comme un trou noir, autour duquel tout semble tourner, et se rapprocher, irrémédiablement. Mais il y a quelque chose qui semble surnaturel dans tout ceci.
Paranoïa, folie ? Qui sont ces êtres étranges frappés de catatonie ? Les a t-elle rêvés ? Que lui veulent-ils ? Est-ce une émanation de son esprit torturé ou la réalité ? Evelyn est-elle victime, ou bourreau ? Tantôt attachante, tantôt dangereuse, on ne sait sur quel pied danser. J’aime particulièrement ces ambiances parsemées de touches fantastiques bien dosées.
Un huis-clos parfumé
Evidemment, ce cadre botanique est ce que j’ai préféré. J’ai adoré les heures passées avec Evelyn dans son laboratoire, la regarder travailler, mélanger ces mixtures. C’est comme si j’y étais. Il y a en plus un aspect magie et sorcellerie que j’aime bien. Evelyn Perdanu est une excellente connaisseuse des plantes. Elle sait guérir, mais aussi tuer.
Tout tourne autour de ces effluves parfumées, à l’instar de Delphinium, souvent confondue avec l’Aconit, la plante qui tue. Le titre, Yellow Jessamine se situe sur le même plan. Cette plante, le Jasmin de virginie, contient de puissants alcaloïdes toxiques, mais la souche homéopathique du Gelsemium est utilisée contre le trac. Tout est question de dosage, et c’est bien ce dont il est question dans cette novella. Tout peut basculer, d’un côté ou de l’autre.
Les effluves parfument la ville, la maison et les esprits. Mais aussi le passé, à l’image de ce jasmin jaune, qui offre un éclairage sur le présent et le caractère des personnages. La botanique ne fait pas que décor ici, c’est le sens même de cette novella. J’ai trouvé cette approche très originale, et très bien traitée.
En bref…
Yellow Jessamine est une novella de Caitlin Starling, parue aux éditions du chat noir. C’est un texte court, mais qui ressemble aux fioles d’Evelyn : très concentré et très fort. J’ai beaucoup aimé cette petite incursion dans Delphinium, aux côtés de cette femme forte et torturée. Une lecture que je recommande chaudement !
Coucou, je ne lis jamais de novella/nouvelles. Tu vas peut-être finir par me convaincre ^^
je n’ai renoué avec le format court qu’en début d’année, avec le projet Ombre. J’ai lu des textes très percutants, et paradoxalement je n’ai pas eu de frustration à la fin. Une bonne novella se suffit à elle-même, et ici c’est le cas, et en plus c’est un texte très singulier ici, qui vaut le détour ! Je te le conseille 🙂
Coucou ! très intrigant ! je le note 😀
oui, il vaut le détour ce texte particulier ! 🙂
Je prends bonne note, tu m’emmènes sur des sentiers encore inexplorés qui donnent envie!
Ce titre-là je te le conseille les yeux fermés, je pense que tu apprécieras la qualité de l’écriture et le travail de l’ambiance, du décor et du personnage d’Evelyn.
Magnifique chronique 🙂 Tu as très bien restitué l’ambiance !
Merci ! c’est comme tu l’as souligné dans ta chronique, une vraie pépite que le chat noir a dénichée… qui mérite d’être découverte par un lectorat le plus large possible !