Aurélie Wellenstein – Le désert des couleurs – #PLIB2022

Aurélie Wellenstein est une autrice française, que je n’avais encore jamais lue. Ses écrits souvent sombres et violents me faisaient un peu peur. J’ai cependant sauté le pas avec son dernier titre, paru chez Scrineo, Le désert des couleurs. Peut-être ne le saviez-vous pas, mais j’ai une passion pour le thème du désert en littérature. Ce n’est pas pour rien que mon œuvre favorite, que j’emmènerai sur une île… déserte (ahah) est… Désert, de J.M.G Le Clézio. J’avais donc beaucoup d’attentes sur la représentation du désert par A.Wellenstein, et j’ai été très agréablement surprise. Et encore, c’est un euphémisme.

Synopsis

 » Dans le désert des couleurs, chaque grain de sable est un souvenir perdu et oublié. Marcher dans les dunes, c’est voir sa mémoire s’effacer. Alors pour se protéger, l’humanité s’est réfugiée dans le cratère d’un volcan. Mais depuis quelque temps, le sable monte chaque jour le long de ses pentes, prêt à l’ensevelir.

Malgré les risques, Kabalraï, fils du marchand de sable, et Irae, sa demi-sœur, s’aventurent dans les dunes multicolores pour trouver un nouvel endroit où s’installer. Mais le désert est dangereux et une fois qu’on s’y engage, il est difficile de ne pas s’y perdre… »

La représentation du désert

Un désert vivant et sensoriel

La couverture annonce la couleur. Enfin, les couleurs. Cette merveille signée Aurélien Police reflète parfaitement le récit. Un récit multicolore, tamisé, ondulant. Ce désert se regarde. Loin de l’erg ocre, il resplendit, se reflète, brille de mille et une couleurs. C’est un kaléidoscope. « Multicolores, [les dunes] ne se présentaient pas sous la forme d’un mélange criard. Les grains de sable s’harmonisaient au contraire en des camaïeux très doux. De près, ils étaient d’un prune presque rouge, puis en s’éloignant vers l’horizon, se coloraient de lie-de-vin, magenta, lavande, et indigo ».

Mais ce désert, il se respire aussi. Kabalraï écoute le sable, sent ses fragrances, entend sa voix. Le désert, il le martèle de ses pieds, et le sent sur ses doigts, dans les paumes de ses mains. C’est une expérience sensorielle à part entière. Parfois, les cinq sens seuls n’y suffisent plus. Il faut alors la puissance du narguilé pour ne faire qu’un avec le désert. Et alors, le désert se personnifie, entre dans chacune des cellules de Kalbalraï.

Au-delà de ce décor splendidement posé, Aurélie Wellenstein dépeint un désert mouvant, qui bouge, qui vit. Il avance, menaçant, vers le cratère. Il se déroule, dune après dune, vers l’infini, vers un horizon lointain. Mais il est aussi protéiforme, organique. « Le désert se mit à onduler et à fourmiller. Il bougeait, se creusait, respirait […] Le désert se métamorphosait sous ses yeux, se changeant en rivières d’or, en vallées d’herbes jaunes et sèches, craquantes sous ses pas, en plages blanches […] Dans la poussière qui vibrait à l’horizon, soulevée par le vent du sud, ondoyaient en une brume de mirages et de reflets des formes immenses : humains, animaux, navires, temples et palais ».

Ce désert mouvant est retranscrit par une écriture mélodique, chantante, qui mime le mouvement des dunes, la marche de Kabalraï et Irae. Aurélie Wellenstein donne vie au désert par les mots. Le travail poétique du langage dans ce roman est vraiment remarquable.

Un désert onirique et fantasy

J’ai aimé cet endroit onirique, un peu « anywhere out of the world ». Le roman s’ouvre sur la venue du marchand de sable. Dès lors, le roman prend le visage d’un conte, d’une légende d’un temps oublié. Où est-on ? A quelle époque ? On ne sait pas vraiment. New-York, Tokyo… sont évoquées comme des vieux souvenirs presque irréels, ou des mirages lointains. Ne pas connaître le contexte immédiat de l’intrigue renforce cette idée de conte et de légende.

Souvent, rêve, réalité et souvenirs se mélangent. Les transes des habitants au son de la musique, les voyages temporels de Kabalraï avec son narguilé, les mirages… Tout est finalement fait pour placer le lecteur entre le réel et l’imaginaire.

Une traversée du désert

Des personnages livrés à eux-mêmes

Le désert sert de cadre physique au récit. Mais il est aussi une métaphore du cheminement personnel. Les personnages traversent leur propre désert intérieur.

En quête d’un Eden incertain, ils vont surtout à la recherche d’eux-mêmes. Irae reconstruit son passé avec Kabalraï, et doit accepter ses errements, ses erreurs, ses choix, mais aussi ce qu’elle a refoulé. Elle suit le chemin pour se retrouver elle-même. Quant à Kabalraï, il cherche sa propre identité. Il m’a fait penser à Moïse guidant son peuple vers la Terre Promise. Est-il enfant ou adulte ? Est-ce le Messie tant attendu ? Est-il un frère, ou un fils ? Quelle est vraiment sa mission ? Autant de questions à résoudre.

Aurélie Wellenstein propose donc un récit de reconstruction de soi, via les souvenirs, la mémoire, le subconscient. Se perdre, pour mieux se retrouver.

Un beau message humaniste et optimiste

Ce texte aux allures de contes m’a vraiment beaucoup plu. J’ai beaucoup aimé la manière dont Alnaïr, la cité oasis, l’Eden tant espéré, ponctue tout le récit. Le désert des couleurs est un long cheminement vers cette Terre Promise. Mais finalement, c’est moins la destination qui importe, que le cheminement, et la manière d’y arriver.

Il y a une sagesse dans ce roman que j’ai beaucoup appréciée. Finalement, il n’y a peut-être pas besoin de chercher très loin le paradis. Il se trouve juste en chacun de nous.

Il y a donc dans ce roman une grande humanité, et une vision très optimiste sur la nature humaine. Le pardon, la rédemption, la résilience… autant de thèmes qui sont traités avec beaucoup de doigté, de justesse, et de force assez poignante. Un grand roman aux allures de conte.

En pratique

Aurélie Wellenstein, Le désert des couleurs

Editeur : Scrineo

Date de sortie : mai 2021

Couverture : Aurélien Police

#PLIB2022

#ISBN9782367409986

Le désert des couleurs est un roman d’Aurélie Wellenstein. C’était ma première rencontre avec l’autrice, et je pense que c’était pour moi la meilleure façon de le faire. En effet, si je ne suis pas sûre de lire ses autres écrits du fait des thèmes abordés, j’ai énormément aimé ce roman-ci. J’ai pu y retrouver la magie et la beauté qui résident dans cet espace naturel hostile. Au-delà de cet aspect esthétique, j’ai énormément aimé la plume de l’autrice, et sa vision des choses, très humaniste. Un excellent moment passé en compagnie de Kabalraï et Irae.

14 commentaires sur “Aurélie Wellenstein – Le désert des couleurs – #PLIB2022

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  1. Je suis en pleine lecture et je te rejoins complètement sur l’écriture sensorielle et l’écriture qui retranscrit parfaitement l’ondulation des dunes. C’est mon premier ouvrage de cette autrice, je pense que ce ne sera pas le dernier même si je n’ai pas encore fini, son univers me plaît beaucoup…

    1. C’est incroyable, n’est ce pas ? on dirait qu’on voit les dunes se succéder sur la page. C’est vraiment superbe.
      Je suis ravie qu’il te plaise ! Bonne fin de lecture alors 🙂
      Ses autres écrits me tentent moins du fait des thèmes et de la manière dont ils sont abordés, mais on m’a conseillé sur Insta Loups chantants, et j’avoue que ça me plairait bien d’en lire un autre de cette autrice.

      1. c’est marrant, à la base, c’est justement par Loups chantants que je voulais découvrir cette autrice, je pense que ce sera mon prochain titre d’elle.
        sinon oui son écriture est assez incroyable, on voit les dunes, on sent la chaleur, de ce point de vue c’est une réussite !

  2. Je viens de le terminer et je te rejoins tout à fait. C’est un bon roman avec un optimisme assez rare dans l’oeuvre de l’autrice même si les critiques envers l’humanité et son gâchis restent fortes. Maintenant que tu as goûté à cette plume, il te sera difficile de ne pas y retourner même s’ils te font peur. Mers mortes a de beaux échos dans ce désert si jamais…

    1. Mers mortes, oui, je m’y plongerai sans doute un jour. C’est vrai que j’ai énormément apprécié la plume poétique, ce serait dommage de passer à côté de l’œuvre de cette autrice incroyable.

  3. Bonjour !

    Je découvre ton blog par celui de Lullaby, et je suis ravie de voir que nous avons plein de lectures en commun, je dévore tes chroniques les unes après les autres ! Bravo pour ce bel écrin super plaisant à parcourir !

    J’ai lu ce roman le mois dernier, et je suis très d’accord avec ta chronique, j’ai aimé moi aussi le côté très onirique, et les messages de solidarité, la quête identitaire, ce regain d’espoir qui imprègnent du roman, dont certaines thématiques liées aux personnages sont pourtant assez dures ! J’ai trouvé les passages de « souvenirs » très forts parfois, presque à prendre aux tripes (notamment ceux vers la fin du roman) et j’aurai bien aimé être plus souvent brusquée de cette manière et être plus souvent emportée par la puissance des mots et des images. Mais c’était une chouette lecture !

    1. Bonjour !
      Mille mercis pour ton passage, la lecture de toutes ces chroniques et ton retour sur le blog ! ça me fait vraiment très plaisir, merci infiniment.
      Je suis aussi ravie de lire tous tes retours, tu m’as laissé de jolis pavés 😉 j’adore, et effectivement, je vois que nous avons bcp de lectures et d’avis en commun !
      Et toi, est-ce que tu as un blog où une page sur les RS où on peut te suivre ? Ca me plairait beaucoup de lire tes retours de lecture aussi 🙂

      1. Avec plaisir pour les commentaires, j’aime vraiment beaucoup le format de tes chroniques, elles sont super intéressantes à lire !
        Non pas de blog de mon côté, mais je dois avouer que ça me donne super envie d’en créer un de voir de si beaux blogs ! On verra si je saute un jour le pas 😀 !

        1. Merci encore pour ton retour. D’autant plus ravie si je te donne envie de te lancer dans l’aventure bloguesque ! fais moi signe si tu sautes le pas, je viendrai volontiers visiter ton site et lire tes chroniques aussi 🙂

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