Il y a quelques temps, j’ai reçu un joli service de presse dans la boîte aux lettres : le recueil Diluées paru chez Actu SF. 7 plumes réunies autour de l’érotisme queer, de l’Amour sous toutes ses formes. L’ouvrage est paru en novembre 2022, sous la direction de Zoé Laboret, et la couverture est signée Lucy Chénu. Diluées, dans l’ensemble, m’a plu, malgré un goût plus ou moins prononcé pour certains textes. Je remercie vivement la maison et Jérôme Vincent de m’avoir proposé ce service de presse. Maintenant, explorons en détails ce recueil.
4ème de couverture
« Te souviendras-tu de moi et de tous ces jours où la passion a triomphé ?
J’ai pris toutes les formes et ai voyagé à toutes les époques. J’ai exploré toutes les régions, tous les silhouettes. Je suis changeant, mobile, fluide et langoureux. Les amours qui m’honorent sont diverses, elles l’ont toujours été.
Laisse-moi te guider au creux de mes souvenirs, prends les formes que j’ai prises, salue les corps que j’ai enlacés. Me suivras-tu à ton tour ? Me rencontreras-tu dans cette vie-là ? »
Composition du recueil
Ereshkigal, Morgane Stankiewiez
Diluées s’ouvre, après un avant-propos, sur une nouvelle de Morgane Stankiewiez, l’autrice caméléon. Une autrice qui est devenue au fil de mes lectures une valeur sûre en ce qui me concerne (j’avais notamment beaucoup aimé sa nouvelle Incouchement dans le recueil Monstresse(s) et sa novella Meredith). Sa nouvelle Ereshkigal nous emmène dans un monde SF où la réalité virtuelle est partout. Morgane mélange habilement SF, cyber technologies et mythes (sumériens ici) pour proposer un texte où l’érotisme est mis au service de la perte et de la quête de soi. C’est tantôt froid, tranchant, hostile, tantôt chaud, doux et salvateur.
Couleurs d’écume, Morgan of Glencoe
Morgan of Glencoe nous emmène prendre la mer ensuite, dans Couleurs d’écume. Une nouvelle haute en couleur, vive, chantante. Des pirates au féminin, un vocabulaire de la mer hyper maîtrisé et beaucoup d’émotion dans cette histoire d’amour qui réunit deux femmes au-delà des différences et des modes de vie.
Vœux électriques, Karine Rennberg
Voyage dans le Paris de l’Exposition Universelle dans Vœux électriques de Karine Rennberg. Ce texte aux très beaux décors est très intéressant dans sa construction. En effet, le lecteur est invité par le narrateur à observer un couple de femmes qui se rencontrent durant leur promenade au sein des allées des exposants. Il y a un effet miroir entre les dialogues personnage-personnage et narrateur-lecteur, rendant la lecture dynamique et entraînante.
Bouches d’incendie, Cordélia
Retour dans un présent contemporain et réaliste dans Bouches d’incendie de Cordélia. Une rencontre là encore fortuite durant une manifestation anti-nucléaire, après La catastrophe. Un peu moins touchée par cette nouvelle dont le contexte m’a semblé assez peu exploité, et très linéaire dans son déroulé. Une simplicité qu’on retrouve dans la relation entre les deux personnages, douce et bienveillante. C’est très positif, donc, mais un peu moins marquant pour moi.
Vieilles connaissances, Nadège Da Rocha
Vieilles connaissances de Nadège Da Rocha revient sur la chevalerie des romans médiévaux (de type Chrétien de Troyes), en opérant un contre-emploi systématique de ses ingrédients principaux. Ici, point de chevaliers, de dragons, d’exploits testostéronés et de femmes en détresse. Les héroïnes sont des chevalières blasées en fin de carrière, et la nouvelle leur offre un moyen de se retrouver après des années. C’est fin et intelligent, pince sans rire, et touchant, aussi.
Alpha Beauty, Théodore Koshka
La nouvelle Alpha Beauty de Théodore Koshka est certainement le texte qui m’a le plus laissée perplexe. La nouvelle opère un bouleversement du langage, en proposant une langue non genrée féminin/masculin, mais alpha/bêta/omega. Avec une grammaire propre. Cela a rendu parfois la lecture difficile, avec des phrases pas toujours très intelligibles. J’ai aimé l’idée selon laquelle le langage est le reflet d’une société en même temps qu’un outil qui la formate. Mais je n’ai pas du tout été sensible aux relations entre les personnages, l’érotisme de cette nouvelle m’a semblé assez violent et dévastateur, et je pense être passée à côté des enjeux du texte.
Comme un soleil : J.M. Corrèze
Enfin, J. M. Corrèze clôt en beauté ce recueil avec Comme un soleil : une nouvelle qui se lit comme un conte millénaire, avec des amours intemporelles, et immatérielles, entre humains et esprit du feu revêtant plusieurs visages. Une nouvelle qui nous invite à prendre le large, et ouvre les portes vers d’autres aventures.
Quelques réflexions comme ça en vrac
Sur les enjeux du recueil
Diluées : un titre de recueil qui m’a parfois laissée perplexe, encore. Diluées, par le mélange des genres et des sexes ? Par la forte présence de l’eau dans certaines nouvelles ? Par le fait que les personnages sont parfois perdus et se débattent dans un océan de croyances, de préjugés, d’envies contradictoires ? Ce titre peut aussi faire référence à ces amours présentées, plurielles, diverses, qui se mélangent. Peut-être tout ça à la fois, ou rien de tout ça, je l’ignore : ça n’a pas toujours été évident pour moi.
Par ailleurs, l’avant-propos parle de « cadavre exquis ». De même, j’ai eu du mal à en reconnaître un. Chaque texte est bien unique en son genre, indépendant. Certes, il est une facette, un visage, de cet érotisme queer présenté tout au long du recueil. Mais les cadavres exquis me semblent caractérisés par une unité formelle et une cohérence de fond globale malgré le concept, et un petit quelque chose de fou/rigolo/pétillant. Peut-être que c’est ma vision qui est erronée, mais en attendant, je n’ai pas eu la sensation de lire un cadavre exquis.
Sur mes attentes et mon ressenti
Cela dit, je pense que ce sont des détails, qui à mon avis n’ont pas beaucoup d’importance car n’empêchant pas d’apprécier le recueil et d’en saisir les enjeux. Globalement, j’ai aimé ce recueil, surtout les trois premières nouvelles et la dernière. Un ou deux textes m’ont semblé moins percutants/touchants, mais il y a effectivement une unité dans ce recueil. Elle provient de ces personnages variés : hommes, femmes, non binaires, agenres, transgenres, neutres, esprits, IA… Jeunes, moins jeunes. Mais aussi des visages pluriels de l’Amour et de ses manifestations. Asexualité, homosexualité, amour platonique, fusion des corps, partage, sensibilité, violence… Un large spectre de la manière dont les uns et les autres s’aiment, échangent. Finalement, ce langage des corps est universel. Et puis ces textes montrent des personnages qui tentent de se déprendre d’une société carcan.
J‘ai apprécié ma lecture, mais pas autant que je l’espérais. J’ai été touchée, j’ai trouvé la plupart des plumes sensuelles, abordant des thématiques fortes avec beaucoup de sensibilité, de puissance et de vibrations. J’ai aimé aussi la panoplie d’univers, de décors, de situations. On voyage, dans ce recueil.
Malgré tout, je n’ai pas trouvé tous les textes égaux, et pour une anthologie je trouve que c’est un peu court, 7 textes. Je ne suis pas convaincue que tout ait été dit – je sais que ce n’est pas le but d’une antho, toutefois j’aurais aimé explorer davantage.
En pratique
Sous la direction de Zoé Laboret, Diluées
Actu SF, Novembre 2022
Couverture : Lucy Chénu
Autres avis :
Diluées est une anthologie parue chez ActuSF, proposant sept textes écrits au fil de l’eau et présentant une diversité des visages de l’Amour et de ses manifestations. Un recueil érotique et puissamment sensuel, où les corps sont à l’honneur. On vibre, dans ce recueil, beaucoup. Je n’ai pas aimé tous les textes de la même façon, et reste un peu sur ma faim. Mais cela reste une lecture très satisfaisante, une découverte de certaines plumes pas encore lues (Karine Rennberg, Morgan of Glencoe et J.M. Corrèze, notamment). Je rejoins Zoé Laboret dans son avant-propos : Diluées, c’est un livre important, en ce qu’il permet de concevoir une société différente, plus inclusive, et du coup, beaucoup plus riche, intense, colorée. Et il le fait de la plus belle des manières : en nous parlant d’amour et de désir.
Vu ton retour, je le sors de PAL ce weekend 😉
J’ai vu que tu l’avais commencé et que le début te plaisait beaucoup : j’espère que la suite te plaira autant, je te souhaite bon dimanche et bonne lecture !