Tade Thompson – La trilogie Molly Southbourne

Fidèle à moi-même, je me suis plongée dans la trilogie Molly Southbourne une fois celle-ci entièrement traduite. les trois volumes sont parus au Bélial, dans la collection UHL : Les meurtres de Molly Southbourne, La survie de Molly Southbourne et L’éritage de Molly Southbourne. 3 novellas autour d’un personnage central qui met au monde des clones dès qu’il saigne : intrigant, non ? Les couvertures d’Aurélien Police sont parfaites et très évocatrices. Ca a fort bien commencé, puis le plaisir s’est terni jusqu’à disparaître avec le tome 3. Récit d’une lecture… descendante.

Résumé

Je ne vous mets que le résumé du tome 1, et je n’évoquerai pas les 4èmes de couverture des deux volumes suivants pour ne pas vous gâcher le plaisir si vous n’avez pas commencé la série. De la même façon, je ne ferai pas de spoilers majeurs.

« Molly est frappée par la pire des malédictions. Aussi les règles sont-elles simples, et ses parents les lui assènent depuis son plus jeune âge.
Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bas-toi.
Ne saigne pas.
Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent.
Si tu trouves un trou, va chercher tes parents.
Molly se les récite souvent. Quand elle s’ennuie, elle se surprend à les répéter sans l’avoir voulu… Et si elle ignore d’où lui vient cette terrible affliction, elle n’en connaît en revanche que trop le prix. Celui du sang ».

Les meurtres de Molly Southbourne

Super lecture que voilà. En pleine lecture en parallèle de l’anthologie Nous parlons depuis les ténèbres, qui m’a donné du fil à retordre et pas mal de frustration, j’avais envie d’horreur. Et de format court dans la liseuse, pour m’endormir le soir. Molly Southbourne était donc le choix parfait.

Assez surprise de trouver ce texte dans la collection UHL, par son positionnement un peu différent. Dans ce volume, on se concentre assez peu sur le « pourquoi » des clones. Ce premier tome est en effet davantage un roman de body horror qu’un texte de SF. Les clones sont là, leur origine n’est pas connue, et le cœur de l’intrigue c’est : s’enfuir ou se battre. Vous visualisez Trinity dans sa première scène de Matrix ? Elle se bat et elle se casse. Ben voilà, Molly Southbourne c’est ça, avec plein de Smith Mollys autour. Alors le rythme est soutenu, ça dégage sec et ça se lit vite. J’aime beaucoup les scènes de ménage expéditif, avec du sang qui fait splotch partout sur les murs. Les corps se déboitent, saignent, se fracturent… On explore les limites des sévices que l’on peut affliger à un être humain.

J’ai également trouvé qu’il y avait dans ce volume une réflexion sur notre rapport au corps assez chouette et très symbolique. Un clone qui nait à chaque goutte de sang, c’est quand même assez osé d’imaginer un concept comme ça. Et puis évidemment, Molly devient ado, et elle va devoir faire face à ses menstrues. Et là également, ça m’a semblé intéressant. Un sujet tabou, et un rapport entre les menstrues, qui marquent l’absence de fécondation, et la naissance d’un clone qui m’a semblé très bien exploité.

J’ai bien aimé enfin la manière dont la langue évolue avec l’âge de Molly, et suit sa métamorphose petit à petit, de gamine apeurée à tueuse dénuée d’émotions. Et comme je suis facilement bernable, je n’ai absolument rien vu venir à la fin. Non je n’avais rien deviné (et pour une fois j’ai pas lu la fin avant de terminer le bouquin) : donc j’ai été très agréablement surprise ! Et évidemment il me fallait la suite, pensez bien.

La survie de Molly Southbourne

Allez hop, c’est reparti pour le second round. Mais déjà, le ton a changé et l’ambiance aussi. Ici, on est davantage en mode survie en effet. On fuit et on laisse les choses se tasser. Forcément, c’est beaucoup moins rigolo et moins rythmé. La survenue d’un autre personnage m’a étonnée, mais pas captivée bien longtemps, pas très convaincue par son mode de fonctionnement et son apparente ressemblance avec Molly.

Je sens aussi que ça commence à tourner un peu en rond et à se répéter. Quelques révélations laissent penser qu’on en saura plus sur le « pourquoi » et plonger davantage dans l’aspect SF du bouquin, mais jamais très franchement. Bref, ce second volume selon moi comporte les faiblesses récurrentes d’un second tome : il n’a plus le côté original et frappant du premier tome, n’a pas encore l’aspect combattif du dernier tome où tout se règle, et constitue un entre-deux un peu mou mou. Alors certes, on y apprend la résilience qui est au cœur du récit, et là encore on peut constater la finesse de l’analyse psychologique des personnages effectuée par l’auteur (lui-même psychologue). Mais je préférais Molly/Obélix qui distribuait les baffes à tout bout de champ, c’est plus rigolo.

Malgré tout, là encore, j’ai enchaîné directement sur la suite, car comme je l’ai dit, la novella tend des perches qui m’ont titillée. J’ai cru déceler des débuts de réponses, et je me suis dit que le dernier tome, s’il saisissait ces perches, promettait d’être fracassant et entrerait davantage dans une sphère SF qui m’a clairement manquée jusque-là.

L’héritage de Molly Southbourne

Bon, bon, bon. Ben c’était pas la folie douce. Les perches tendues ne sont pas assez explorées selon moi, source principale de ma déception. En effet, si l’auteur nous dévoile l’origine des clones et pas mal de secrets autour de Molly, j’ai trouvé qu’il n’allait pas au fond des choses. Plus, certaines pistes restent dans l’ombre, inexploitées, nous laissant avec des questions sans réponses. Pour être totalement honnête, j’ai même cru, arrivée à la fin, qu’il me manquait encore des pages. Vraiment dommage, car il y avait là manière à faire un truc décoiffant à la X-files sur fond géopolitique.

Au-delà de cela, je dois bien avouer que Molly…s a/ont sérieusement commencé à me casser les bonbons. Une sensation similaire à un excès de gâteau plein de crème, vous voyez ? Trop, c’est trop et ça pèse sur le ventre. En l’occurrence ici, j’avoue que je suis contente d’en être arrivée au bout mais clairement, je n’en aurais pas avalé une bouchée supplémentaire.

Enfin, il m’a manqué cette originalité et cette combativité du premier volume. Comme un soufflé qui retombe, L’héritage de Molly Southbourne n’a plus grand chose à offrir de décoiffant. La novella ne parvient pas, à mon sens, à clore cette trilogie de manière convaincante. La précipitation du dernier quart et l’ellipse finale (qui nous amène à des événements que je n’ai pas saisis parce qu’ils tombent comme un cheveu sur la soupe) ne m’ont pas satisfaite. J’ai vraiment eu la sensation que l’auteur avait torché sa trilogie comme s’il en avait eu ras le bol et envie de passer à autre chose. Pour moi, la boucle n’est pas bouclée et cette trilogie se casse la figure en cours de route – fort dommage.

En pratique

Tade Thompson, Molly Southbourne, tome 1 : Les meurtres de Molly Southbourne (2019), tome 2 : La survie de Molly Southbourne (2020) et tome 3 : L’héritage de Molly Southbourne (2022)

Le bélial

VO : The murders of Molly Southbourne (2018), The Survival of Molly Southbourne (2019), The Legacy of Molly Southbourne (2022)

Traduction : Jean-Daniel Brèque

Couvertures : Aurélien Police

Autres avis : je vous mets ici quelques avis sur le tome 1, globalement positives. Chronique passionnante chez Tigger Lilly, analyse intéressante chez Les chroniques du chroniqueur, addictif et efficace pour La geekosophe. Enfin, quelques retours sur le tome 3, beaucoup plus divergents : Bob et Ombre Bones n’ont pas été séduits non plus, contrairement au Maki et à Vert.

Une trilogie superbement commencée et terminée avec ennui. J’ai été très emballée avec le premier volume, excellent, visuel, combattif et rythmé. Le concept m’a plu, très porteur en réflexions diverses. L’intrigue semblait contenir un monde à découvrir qui promettait lui aussi pas mal de trucs fous. Mais Molly se ramollit, le souffle retombe et le cœur de l’intrigue se révèle assez fade à mon goût, pas suffisamment exploré ni pleinement percutant. Alors la dernière page tournée ne m’a offert que la seule satisfaction d’en avoir enfin fini avec cette Molly. Je retiendrai surtout Les meurtres de Molly Southbourne, qui finalement se suffit à lui-même, avec sa fin incroyable qui laisse chacun chercher la réponse à ce tour de magie offert par l’auteur. D’ailleurs, c’est un premier volume que j’ai acheté en papier à Etonnants Voyageurs et que je recommande à 300%.

6 commentaires sur “Tade Thompson – La trilogie Molly Southbourne

Ajouter un commentaire

  1. Je n’ai pour le moment lu que le premier tome. Je suis toujours en réflexion pour savoir si je ne prends pas de risque et reste sur cette bonne impression ou si mon côté complétionniste va prendre le dessus et je vais espérer être du côté des non-déçus. Fiou, pas besoin de Hard-SF pour que l’imaginaire prenne la tête ! (oui, bon, la comparaison est peut-être un poil exagérée)

    1. Au risque de déplaire à ton côté complétionniste, je te conseillerais bien d’en rester là… Mais je ne voudrais pas que cela te frustre ou pire, te colle la migraine à force d’y penser ^^ Sinon, tu peux commencer le second volume à reculons et les yeux à moitié cachés, en te disant que ça va être un marasme, comme ça tu ne pourras qu’être – au pire convaincu que c’est le cas (mais tu y auras été préparé) ou – au mieux content que le pire ne soit finalement jamais sûr.
      Cette phrase aussi est bien prise de tête, on fait la paire 😀

  2. Et bah moi j’avais bien aimé l’ensemble, je trouve qu’après l’horreur du tome 1 (qui est quand même assez horrible), il fallait bien deux tomes pour se remettre 😁

    1. Effectivement vu comme ça c’est un argument qui s’entend 🙂
      C’est vrai que le tome 1 est assez horrible, mais je lui ai trouvé un petit côté presque rigolo tant c’était horrible. Presque caricatural par moments. j’imaginais des flopées de sang et de lambeaux de peau qui faisaient sploutch et splatch, et ça m’amusait beaucoup.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Fièrement propulsé par WordPress | Thème : Baskerville 2 par Anders Noren.

Retour en haut ↑