Bonjour ! Ravie de vous retrouver dans ce nouvel épisode de premières lignes. Je continue de (re)découvrir mes bouquins, dans ma pile à lire papier, numérique et en wishlist… Ce matin, je vous propose l’incipit du roman Les quinze premières vies d’Harry August, de Claire North, que j’ai dans ma liseuse depuis un bon moment. J’ai adoré lire l’autrice en format court, que ce soit La maison des jeux ou Sweet Symphony. J’avais bien envie de voir si sa verve piquante était au rendez-vous avec un roman. Que je suis en train de lire, donc. Je vous laisse avec ces premières lignes #33 et on se retrouve plus bas !
4e de couverture
Harry August se retrouve sur son lit de mort.
Une fois de plus.
Chaque fois qu’Harry décède, il naît de nouveau, au lieu et à la date exacts auxquels il est venu au monde la première fois, possédant tous les souvenirs des vies qu’il a déjà vécues. Peu importent ses actions ou ses choix, le processus est toujours le même. Harry ne sait comment ni pourquoi, seulement qu’il en existe d’autres comme lui.
Alors qu’arrive la fin de sa onzième vie, une petite fille apparaît à son chevet. « J’ai bien failli vous rater, Docteur August, dit-elle. Je dois vous transmettre un message, passé d’enfant à adulte, d’enfant à adulte, à travers des générations depuis mille ans dans le futur. Le voici : « Le monde se meurt, et nous ne pouvons rien y faire. À vous de jouer. » »
Voici l’incroyable histoire d’Harry August, de ce qu’il a fait, de ce qu’il va faire, et comment il va essayer de sauver un passé qu’il ne peut changer, et un futur qu’il ne peut accepter.
Premières lignes #33
INTRODUCTION
J’écris ceci pour toi.
Mon ennemi.
Mon ami.
Tu le sais déjà, tu dois forcément le savoir.
Tu as perdu.
CHAPITRE PREMIER
Le second cataclysme se déclencha durant ma onzième vie, en 1996. Je mourais comme d’habitude, m’enfonçant dans la brume tiède de la morphine, lorsqu’elle m’interrompit tel un glaçon qui aurait glissé le long de ma colonne vertébrale.
Elle avait sept ans et moi soixante-dix-huit. Ses cheveux étaient blonds et raides, attachés en une longue queue-de-cheval dans son dos. Les miens, du moins ceux qui me restaient, avaient viré au blanc neigeux. Je portais une blouse d’hôpital à l’humilité stérile et elle, un uniforme d’écolière bleu vif et un béret.
Elle se percha sur un côté de mon lit, les pieds pendant dans le vide, et me regarda droit dans les yeux. Examinant le moniteur cardiaque relié à ma poitrine, elle constata que j’avais déconnecté l’alarme, chercha mon pouls et dit :
– J’ai failli vous rater, Docteur August.
Son allemand était celui de la haute société berlinoise, mais elle aurait pu s’adresser à moi dans n’importe quelle langue et avoir quand même l’air respectable. Elle se gratta l’arrière du mollet gauche : ses chaussettes blanches, qui lui montaient jusqu’au genou, lui donnaient des démangeaisons à cause de la pluie qui tombait dehors. Et elle poursuivit :
– J’ai besoin de faire remonter un message dans le temps. Du moins, si on peut considérer que la notion de temps a la moindre importance ici. Comme vous avez l’obligeance d’être en train de mourir, je vous demande de le transmettre aux Cercles de votre jeunesse, de la même façon qu’il m’a été transmis.
Je tentai de parler, mais les mots se bousculèrent sur ma langue, s’emmêlant les uns aux autres.
– La fin du monde approche, dit-elle encore. Le message passe d’enfant à adulte, d’enfant à adulte, remontant de génération en génération depuis un millénaire dans le futur. La fin du monde approche, et nous ne pouvons pas l’empêcher. À vous de jouer.
Je m’aperçus que le thaï était la seule langue qui consentait à franchir mes lèvres sous une forme cohérente, et que le seul mot que je semblais capable de former était : « Pourquoi ? » Non pas, je me hâte de le préciser, « pourquoi » la fin du monde approchait-elle ? Mais « pourquoi » cela avait-il la moindre importance ?
Elle sourit, comprenant ce que je voulais dire sans que j’aie besoin de l’exprimer. Alors, elle se pencha vers moi et murmura à mon oreille :
– La fin du monde approche, comme il se doit de toute éternité. Mais elle approche de plus en plus vite.
Ce fut le début de la fin.
Quelques réflexions
J’adore l’introduction, qui laisse penser que c’est mal barré. Quoi et pour qui, comment ? On ne sait pas, mais ça ne sent pas bon. J’aime aussi la manière que ce narrateur s’adresse au narrataire; celui-ci, qui est-il ? Le lecteur ? Un personnage à venir ? Suspense.
Le premier chapitre est relativement court, et plante déjà bien le décor. On déboule d’entrée de jeu dans une histoire déjà commencée. Sont évoqués un second cataclysme et une 11e vie. On a une date, un âge, donc on a une idée de la période à laquelle ce personnage mourant, Harry donc, a vécu, et quel âge au total il a dans son esprit. On se trouve donc ici dans une sorte de moment clef de l’histoire, avec déjà pas mal de choses passées derrière, et d’autres sur le point d’arriver. Et ce futur est annoncé assez moche et s’accélérant.
Sachant que le titre annonce 15 vies, on se dit que ce passage se situe plutôt dans le dernier tiers de l’histoire. On s’attend donc à revenir en arrière ensuite, pour retracer le cours des 11 premières et comprendre comment on en arrive là. Est-ce que cela veut dire que les 4 dernières vies d’Harry vont se dérouler dans une ambiance fin du monde ?
En revanche, le titre évoque les 15 premières vies; cela sous-entend-il que ledit Harry en a vécu d’autres ensuite ? Mystère. En tout cas, il sera bien question ici de temps, de temporalité façon Retour vers le futur II et de sa manipulation.
Voilà sur le fond ce que ces premières lignes m’inspirent, en partie. Je suis intriguée. Terminer un premier chapitre en annonçant que c’est « le début de la fin » me plait beaucoup. J’aime beaucoup les trucs catastrophes et apocalyptiques et fin du monde. Chic. Je suis curieuse de savoir comment on en est arrivé là et quelle est cette fin.
Sur la forme, je retrouve un peu de cette plume piquante northienne. Un style qui semble assez doux et innocent d’abord, mais ses notes de cœur sont bien acides et ironiques. Cela se ressent notamment dans le récit et le ton du personnage : « je mourais comme d’habitude » (étrange habitude que voilà, on le sent blasé le bonhomme, ce n’est pourtant pas si commun), le relevé de trucs anodins à la porte de la mort (les chaussettes qui grattent), l’écart entre le narrant et le narré avec les commentaires du narrant, créant un décalage assez cocasse… Evidemment, c’est moins percutant et décoiffant que dans un format court, néanmoins je sens le potentiel. Et puis un roman de 500 pages ne peut pas être aussi rude que Sweet Harmony, ce ne serait pas tenable. Donc vraiment bien intriguée, et à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai bien avancé dans les vies de ce Harry… !
Un rendez-vous bloguesque partagé
Ce rendez-vous créé par Aurélia du blog Ma lecturothèque est suivi par pas mal de blogueurs et blogueuses : Lady Butterfly & Co, Cœur d’encre, Ladiescolocblog, À vos crimes, Ju lit les mots, Voyages de K, Les paravers de Millina, 4e de couverture, Les livres de Rose, Mots et pelotes, Miss Biblio Addict !!, La magie des livres, Elo Dit, Le nocher des livres, Light and smell.
N’hésitez pas à me dire si vous participez aussi à ce rendez-vous dominical, je pourrai ainsi actualiser la liste.
Que pensez-vous de ces premières lignes #33 ? Avez-vous lu ce roman ? Qu’en avez-vous pensé ? Si ce n’est pas le cas, ces premières lignes et la 4e de couverture vous donnent-elles envie d’y mettre le nez ? Je vous souhaite un bon dimanche ensoleillé j’espère, et bonnes lectures !
Mon premier Claire North et j’avais adoré. Je l’ai trouvé ingénieux, malin et bougrement original. J’ai découvert une plume merveilleuse, confirmé par ses autres romans et novellas. (Même si j’ai cru comprendre que tu n’accrochais aps plus que çà… !)
En fait c’est surtout le ventre mou du milieu que j’ai trouvé loooooong. Parce que j’ai lu assez facilement le premier tiers et trouvé le dernier tiers vraiment très bon, avec comme ce que tu dis : de l’intelligence, de l’originalité. En revanche, je préfère malgré tout sa plume des textes courts !