Premières lignes #30 : Spin

Voilà une trilogie que je souhaitais lire depuis pas mal de temps, notamment poussée par Le chien critique. Comme j’avais choisi Robert Charles Wilson comme auteur mystère dans le challenge babelio portant sur le duo Ian Banks – Arthur C. Clarke, ça tombait plutôt bien. J’ai donc commencé Spin, premier tome de la trilogie (suivi d’Axis et de Vortex) et c’est son incipit qui est l’objet de ces premières lignes #30.

4e de couverture

Une nuit d’octobre, Tyler Dupree, douze ans, et ses deux meilleurs amis, Jason et Diane Lawton, quatorze ans, assistent à la disparition soudaine des étoiles. Bientôt, l’humanité s’aperçoit que la Terre est entourée d’une barrière à l’extérieur de laquelle le temps s’écoule des millions de fois plus vite. La lune a disparu, le soleil est un simulacre, les satellites artificiels sont retombés sur terre. Mais le plus grave, c’est qu’à la vitesse à laquelle vieillit désormais le véritable soleil, l’humanité n’a plus que quelques décennies à vivre…

Qui a emprisonné la terre derrière le Bouclier d’Octobre ?
Et s’il s’agit d’extraterrestres, pourquoi ont-ils agi ainsi ?

Premières lignes #30

4 × 109 ap. J.-C.

Tout le monde tombe, et nous atterrissons tous quelque part.

Nous avons donc loué une chambre au troisième étage d’un hôtel de style colonial de Padang, où personne ne nous remarquerait avant un moment.

Neuf cents euros par nuit nous ont permis d’obtenir tranquillité et balcon avec vue sur l’océan Indien. Par beau temps, ce dont on ne manquait pas depuis quelques jours, on apercevait la partie la plus proche de l’Arc : une ligne verticale couleur de nuage qui ne cessait de s’élever sur l’horizon jusqu’à disparaître dans une brume bleue. Un spectacle impressionnant, même si on ne voyait en réalité, de la côte ouest de Sumatra, qu’une fraction de l’Arc tout entier. Son pilier le plus éloigné plongeait jusqu’aux pics sous-marins de la crête Carpenter, à plus de mille kilomètres de là, enjambant la faille de Mentawai comme une alliance lâchée à la verticale dans une flaque peu profonde. Sur la terre ferme, l’Arc serait allé de Bombay, sur la côte orientale de l’Inde, à Madras, sur la côte occidentale. Ou disons, très grossièrement, de New York à Chicago.

Diane avait passé la majeure partie de l’après-midi sur le balcon, transpirant à l’ombre d’un parasol rayé aux couleurs passées. La vue la fascinait, et qu’elle puisse encore y prendre un tel plaisir — après tout ce qu’il s’était passé — me ravissait et me soulageait à la fois.

Je l’ai rejointe au crépuscule. Le coucher du soleil était le meilleur moment de la journée.

Le long de la côte, un cargo se dirigeait vers Teluk Bayur, le port de Padang, tel un collier de perles lumineuses glissant sans peine dans l’obscurité du large. Le pilier le plus proche de l’Arc luisait comme un clou d’un rouge lustré épinglant le ciel à la mer. Nous avons regardé l’ombre de la Terre monter sur ce pilier tandis que la nuit tombait sur la ville.

C’était une technologie, comme dit la célèbre citation, « impossible à distinguer de la magie ». Comment, sinon par magie, l’air et la mer pourraient-ils s’écouler sans interruption du golfe du Bengale à l’océan Indien là où un navire de surface se voyait transporter vers des ports bien plus singuliers ? Quel miracle de l’ingénierie permettrait à une structure de mille kilomètres de rayon de ne pas s’effondrer sous son propre poids ? De quoi était-elle constituée, et comment accomplissait-elle ce qu’elle accomplissait ?

Brèves réflexions

J’adore cette première phrase, qui nous fait tomber dans ce roman. Ça fait un effet « trou de ver/toboggan – sploch – atterrissage » bien sympathique. La descente est effectivement assez directe : pas de lacets ici, plutôt une ligne droite avec beaucoup de dénivelé jusqu’en bas. En effet, après avoir imaginé un truc vertigineux (parce que quand même : Spin/Axis/Vortex + résumé + année = attentes de vertige abracadabra badaboum), voilà qu’on atterrit dans un hôtel banal dans le trou du cul du monde. (Enfin banal, façon de parler, une chambre à 900 euros ça doit pas être mal – mais vous avez compris l’idée.)

Malgré tout, on va l’avoir notre vertige, puisque deux lignes plus bas, ça y est, l’Arc est mentionné. Là encore, R. C. Wilson nous épargne les circonvolutions et nous plante le décor en quelques lignes et tracés. Verticales, grandes distances, crêtes et pics, horizon… Non seulement on a un cadre mais on en a les dimensions, gigantesques.

J’aime bien aussi l’aspect magique que revêt cet Arc. Les descriptions concourent à donner à cet « chose » un aspect gigantesque, hors du commun, non explicable par les règles physiques. Un « miracle », « spectacle impressionnant », « qui ne cessait de s’élever »… Il y a également ici un mix entre quelque chose de très géométrique (des distances, des rayons, des verticales, des piliers etc.) et des images plus poétiques (dans le sens étymologique du terme, soit de création d’un monde et d’un univers) : « comme un clou d’un rouge lustré épinglant le ciel », « tel un collier de perles lumineuses »… Association bien étrange mais seule à même de pouvoir décrire ce dont il est question. Comme si l’une ou l’autre seule, géométrie ou poésie, n’était pas assez puissante pour rendre compte.

Et parmi ce gigantisme hors normes et jamais vu, une vie qui semble banale. Deux individus, un hôtel, un parasol et un coucher de soleil. Malgré tout, cette banalité cache aussi quelque chose, « tout ce qui s’est passé ». J’imagine (mais en fait je le sais puisque j’ai déjà bien avancé dans le bouquin) que le roman va revenir sur l’apparition de cette chose qui aura très certainement bousculé ensuite l’ordre établi des choses.

En bref, me voilà, après quelques lignes, complètement happée par toutes ces promesses d’aventures et ces contrastes vertigineux !

Un rendez-vous bloguesque partagé

Ce rendez-vous créé par Aurélia du blog Ma lecturothèque est suivi par pas mal de blogueurs et blogueuses : Lady Butterfly & CoCœur d’encreLadiescolocblogÀ vos crimesJu lit les motsVoyages de KLes paravers de Millina4e de couvertureLes livres de RoseMots et pelotesMiss Biblio Addict !!La magie des livresElo DitLe nocher des livresLight and smell.

N’hésitez pas à me dire si vous participez aussi à ce rendez-vous dominical, je pourrai ainsi actualiser la liste.

Avez-vous déjà lu cette trilogie ? Qu’en avez-vous pensé ? Si ce n’est pas le cas, appréciez-vous ces premières lignes ? Quel effet vous font-elles ? Curiosité, perplexité, envie d’en savoir plus ? Je vous souhaite un très bon dimanche et de bonnes lectures !

2 commentaires sur “Premières lignes #30 : Spin

Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Fièrement propulsé par WordPress | Thème : Baskerville 2 par Anders Noren.

Retour en haut ↑