Enfin, j’ai vaincu. Enfin, j’ai aimé un ouvrage du label Mu (chez Mnemos). Après mes nombreux déboires (Je suis le rêve des autres, Les oiseaux du temps et Moi, Peter Pan, trois abandons), j’avais fini par penser que cette collection n’était pas pour moi. Même si chaque résumé me tentait. Et puis Le nocher a publié sa chronique sur Le livre de Nathan qui m’a beaucoup plu. Je me le suis procuré dans la foulée. Et en attendant le démarrage du cocorico challenge, j’avais un creux à caler. Le livre de Nathan s’est donc faufilé jusqu’à moi et le moment qu’on a passé ensemble fut extrêmement satisfaisant.
4e de couverture
Le destin est incroyablement railleur. Une étrange apocalypse maritime se déclenche en une nuit et Nathan Verdier devient l’un des seuls survivants d’une humanité privée de ses terres. Sur son bateau de fortune, au milieu des bouteilles vides et de quelques conserves, se trouve son manuscrit, son précieux roman dont aucun éditeur n’a voulu. Et ce livre improbable est le seul à avoir été sauvé des eaux…
D’année en année, de siècle en siècle, ce texte miraculé, qui aurait dû finir dans les archives de la médiocrité, va devenir un objet d’escroquerie, de tentation, de passion et de culte. Cette fois, c’est sûr, il aura le succès qu’il mérite !
Il est frais, mon poisson, il est frais !
Le livre de Nathan se déroule dans un monde très humide. Soit il pleut, soit il pleut, soit il a tellement plu que l’océan a tout recouvert et qu’il n’y a quasiment plus de terre. Donc on navigue, la plupart du temps. J’ai adoré l’Apocalypse. Complètement irréaliste; même celle qui s’abat sur Noé est un peu plus réaliste. De ce fait, qu’est-ce que c’est drôle. Il pleut, et hop, tout est recouvert. Pourquoi, comment, concrètement, et donc… On s’en fout. C’est pas le sujet.
Qui dit eau et océan, dit poisson. J’espère que vous aimez le poisson, parce que vous allez bouffer du mérou à chaque page. Sinon, c’est lui qui vous mangera (ahah je ris toute seule, mais ceux qui savent savent). Je n’en dis pas plus sur le sujet du poisson, je dévoilerais beaucoup trop de choses.
Sachez cependant que le texte file la métaphore de la mer, du poisson et de la noyade. Vous croiserez donc toutes sortes d’expressions marines et maritimes, des groupes de personnes comparées à des bancs de sardines, etc. Evidemment, ce genre de choses fonctionne très bien avec moi. Je me régale de ce genre de clins d’œil formels qui sont comme une cerise sur le gâteau.
Une construction atypique
J’ai également adoré la construction de ce récit. Celui-ci est constitué de plusieurs chapitres étalés dans le temps, plus ou moins éloignés de l’Apocalypse. Ils sont tous en lien avec Nathan par le biais de son livre, qui a eu un retentissement pour le moins inattendu. J’en parlerai plus bas. En attendant, ces petits chapitres fonctionnent comme des nouvelles, reliées entre elles et avec le 1er chapitre. Ca forme comme un canon musical, avec des échos entre chaque partie.
Chaque partie est extrêmement savoureuse et en premier lieu celle liée à Nathan. Incroyablement attachant ce bougre. De nature un peu gauche, rien ne lui réussit vraiment mais rien ne parvient non plus à le bousculer. Un peu naïf, gentil comme tout, il se fait bouffer tout cru par tous ceux qui l’entourent. Cela donne alors lieu à des scènes hilarantes. Je pense notamment au déjeuner avec son éditeur qui défonce son manuscrit ou la dégustation du dernier saucisson fourré aux noisettes de l’Humanité avec la mère Viviane.
Le reste des chapitres est sur le même modèle. Peu de personnages, une intrigue resserrée, avec des situations cocasses et des personnages entiers et truculents. Ca me fait penser à un mix entre The good omens de Pratchett & Gaiman et des planches d’Astérix et Obélix avec force jeux de mots et ironie subtile.
Chaque chapitre donne lieu à des dialogues très très drôles, d’autant que la plupart des pensées des quelques personnages sont directement intégrées dans le récit, sans ponctuation. Cela crée énormément de fluidité (logique pour un roman plutôt marin), et de naturel. D’ailleurs, j’ai aimé l’écriture très spontanée qui reflète à la perfection la fraîcheur innocente (relative) des personnages.
Le pouvoir des mots
Enfin, après avoir parlé de la forme, parlons du fond. Le livre de Nathan est un petit livre. Je ne me souviens plus du nombre de mots qu’il faut pour le qualifier ainsi mais il se rapproche davantage de la novella que du roman. C’est petit, mais dense. Et en même temps se dégage de cette œuvre une légèreté et une volonté de ne pas se prendre la tête. C’est un sacré tour d’illusionniste !
Ce qui m’a plu d’abord, ce sont les petites pichenettes données au monde éditorial et à la chaîne du livre actuelle. Pas un réquisitoire non plus, mais quelques bonnes petites piques bien placées. L’éditeur est une caricature, mais j’ai adoré la manière dont il défonce le manuscrit de Nathan, qui pourtant… ! D’ailleurs, Nathan est un correcteur-relecteur, et j’ai aimé son positionnement très effacé qui reflète en creux la considération portée à ce corps de métier dans la chaîne du livre aujourd’hui. Enfin, j’ai également beaucoup apprécié le propos sur la traduction et l’interprétation (par le biais notamment d’une petite touche d’humour bien rigolote), d’ailleurs au cœur de l’intrigue.
En effet, c’est le cœur du propos du Livre de Nathan. Le roman de Nicolas Cartelet porte le titre du texte qui survit à l’Apocalypse; une espèce de nouvelle Bible que des illuminés, des centaines et milliers d’années plus tard, vont réinterpréter et utiliser comme guide. Des sortes d’Apôtres, qui vont aller répandre la Parole de Nathan, de la Mer et du Mérou partout. Avec ce qu’ils en ont compris (c’est-à-dire pas grand-chose). La manière dont l’Ecrit devient Vérité est assez saisissante. Notre Nathan aura donc eu plus de chance que celui de la Bible, puisque son Livre à lui na pas été perdu et est même devenu la Bible de ce monde marin.
On a alors une « petite » impression de déjà vu, car les pratiques, visions de la vie, des hommes et des femmes de ces missionnaires sont bien connues. Cela reste toujours rigolo, malgré tout parfois on rit jaune, tout de même, tant c’est très ressemblant à ce qu’on a pu connaître par le passé (et encore maintenant, les mécaniques du prosélytisme religieux restent les mêmes). Et aussi car on se dit, au fil du texte, « tout ça pour ça, et c’est reparti pour un tour… ». L’humain est humain, et refait toujours les mêmes conneries. Nicolas Cartelet a pris le parti d’y porter un regard à la fois attendri et moqueur. C’est toujours mieux que de sombrer dans le désespoir…
En pratique
Nicolas Cartelet, Le livre de Nathan
Mnemos, label Mu, 2023
Couverture : Kévin Deneufchatel
Autres avis : j’ai cité celui de mon camarade Le nocher plus haut – je te remercie tout plein de m’avoir fait découvrir ce joyeux texte ! Par ailleurs, retrouvez les retours de La geekosophe et de Maude Elyther, qui rejoignent le nôtre.
Une fort bonne petite lecture ce Livre de Nathan ! Nicolas Cartelet nous offre un bon petit bol d’air frais et iodé. A travers ce texte qui traverse les siècles, l’auteur nous emmène en voyage dans les tribulations de ces hommes et de ces femmes survivantes de l’Apocalypse, guidées par un sombre et ennuyeux écrit millénaire. Le livre de Nathan aborde pas mal de choses, et le fait avec légèreté, piquant et de petites pichenettes par-ci par-là. C’est plein d’humour, de scènes vraiment très drôles, avec une écriture remarquable… Une franche réussite ! Cela m’incite à regarder de plus près ce qu’a écrit d’autre cet auteur qui a su si bien titiller ma curiosité.
Univers de la mer, situations cocasses et personnages entiers et truculents… Tout autant de choses qui me plaisent bien 🙂
Hé bien écoute : c’est bon, c’est fin, c’est frais, ça se mange sans fin ! Il a tout pour plaire ce petit bouquin qui se déguste comme une bouchée exquise ^^ Alors je dis : fonce 🙂
Si après ça, je ne suis pas ton conseil 🙂
^^
On peut donc dire que tu t’es sentie comme un poisson dans l’eau en lisant ce livre ? 🐟
J’ai aussi eu quelques petites déceptions avec Mu, mais aussi de belles réussites. Celui-ci me parle bien, j’espère qu’il rejoindra le camp des reussites pour moi aussi !
Oui ! Youpi ! Je le savais…Bon, je suis content que ça t’ait plu.
🙂 Merci encore pour la découverte ! Je ne tarderai pas à lire Le monde de Julia aussi, que je me suis procuré.