Troisième et dernier volume de la trilogie d’une nuit d’hiver, L’hiver de la sorcière de Katherine Arden est pour moi un roman qui frôle la perfection. Je l’ai dévoré en moins de 24h, accrochée à mon livre comme une moule à son rocher. Palpitant, majestueux, très beau, épique et terrible à la fois : j’ai vécu sur des montagnes russes (hahah) pendant toute ma lecture. Ce final est magistral, et le plus abouti de la série. Je cale cette lecture dans le Cold Winter Challenge, à la place de Sous le sceau de l’hiver que j’ai abandonné (danse de la fée dragée, fantasy).
Synopsis
« Un incendie vient de ravager la ville de Moscou. Le grand prince est fou de rage et les habitants exigent des explications. Tous cherchent un bouc émissaire et Vassia, dotée d’étranges pouvoirs, fait une coupable idéale. Le père Konstantin aiguillonne la vindicte populaire pendant que Vassia cherche à réconcilier le monde des humains et celui des créatures magiques ».
Le retour de l’ambiance hivernale
Enfin on sort de l’enfer moscovite pour retrouver les grands espaces continentaux, sauvages, chargés de mystères et de peurs enfouies, les pieds dans la neige. Et l’autrice nous promène à la fois dans les paysages sauvages de la Russie mais aussi dans ses saisons : on passe des hivers glaciaux aux étés infernaux. La traduction, je l’ai déjà dit, est parfaite : on n’a pas du tout l’impression de lire une traduction, et on s’y croit pleinement, les ressentis sont vifs.
Equilibre monde visible / monde invisible
C’est là un des grands points forts du roman. Dans L’ours et le rossignol, on faisait la connaissance des esprits protecteurs, de tous ces éléments du monde invisible, issus des contes et légendes russes oraux. Puis La fille dans la tour nous présentait un monde citadin, qui vivait au rythme des cloches de ses Eglises orthodoxes, soumis aux prêches de ses évêques tout puissants.
Enfin, dans L’hiver de la sorcière, tout l’enjeu est de trouver l’équilibre : les forces religieuses et folkloriques s’associent, se repoussent et se retrouvent. De cette réconciliation naîtra cette identité russe en train de se forger.
Des intrigues palpitantes
Du coup, on sent ces tiraillements incessants. Trahisons, pactes, vengeances : toute l’histoire accompagne à merveille ces forces contraires.
Et je parle volontairement d’intrigueS, car l’histoire est incluse dans l’Histoire. Vassia est bluffante, je la suivrais les yeux fermés (elle me fait penser à Arya Stark). Son histoire personnelle (se trouver, connaître ses racines, accepter sa nature, la contrôler, résister à ses désirs pour s’affirmer en tant que personne et femme) rejoint la grande Histoire : l’unification de la Russie face aux Tatars, la création d’un peuple uni autour de ses croyances multiples, et la terre.
Ce sentiment viscéral d’attachement à la terre, mère porteuse, se retrouve bien ici. j’avais déjà lu cet aspect dans d’autres sagas russes (de Troyat notamment, avec La lumière des Justes et Tant que la Terre durera) et ne l’ai jamais trouvé ailleurs, aussi fortement palpable. Le roman porte ce souffle intense jusqu’au bout, jusqu’à un final grandiose aux accents épiques. J’ai trouvé ça superbe !
« Il parla de la Russie. Non pas de la Moscovie, ou de Tver, ou de Vladimir, ou des principautés des fils de Kiev, mais de la Russie elle-même, de ses sols et de ses cieux, de son peuple et de sa fierté.
Elle écouta dans un mutisme fasciné, les yeux écarquillés et remplis d’ombres. « Voilà ce pour quoi nous nous battons, dit Sacha. Non pas pour Moscou, ni même pour Dimitri ; non pas pour le bien de l’in de ces princes. Mais pour la terre qui nous a portés, tant les hommes que les diables ».
Un aboutissement
C’est vraiment ce qu’on ressent à la lecture de L’hiver de la sorcière : un aboutissement. La fin d’une époque, le début d’une autre. Des personnages qui ont gagné en maturité, qui se sont étoffés, qui révèlent toute leur complexité. Des fils narratifs qui se sont trouvés pour créer une fresque épique assez incroyable.
Ce dernier volume est à mon sens le plus abouti, le plus mûr, le plus puissant des trois. Si L’ours et le rossignol m’avait fait apprécier la découverte de ce monde, il paraît malgré tout bien gentil et innocent à côté de celui-ci. Et La fille dans la tour m’a plutôt donné l’impression d’être une transition.
C’est trépidant, on ne connait pas l’ennui une seule seconde dans ce troisième volume. Mais pour autant, on n’est jamais dépassé non plus par les événements, qui s’enchaînent dans une logique bien huilée. Bien huilée mais pas exempte de surprises non plus. Bref, c’est franchement parfait, disons-le.
Ici, tout s’éclaire, tout prend son sens. A la fin de cette trilogie, on a l’impression d’avoir lu une saga interminable. Comme s’il s’était passé mille et une choses et mille ans depuis les premières pages de L’ours et le rossignol. Peut-être que nous aussi, on a passé par les chemins étranges de la Minuit, trompant ainsi le temps.
En pratique
Katherine Arden, L’hiver de la sorcière
Titre original : The winter of the witch
Editions Denoël (2020) et Folio SF (2021)
Couverture : Aurélien Police
Traduction : Jacques Collin
L’hiver de la sorcière de Katherine Arden conclut magistralement la trilogie d’une nuit d’hiver. Tous les arcs narratifs se rejoignent, la petite histoire rejoint la grande Histoire, et on assiste ici à une fresque épique spectaculaire. Un roman trépidant, qui pourrait se lire comme un manifeste, celui de la naissance d’un peuple et d’une Terre. Il y a une force dans ce roman qui est palpable, et que la traduction par Jacques Collin retranscrit à la perfection. Dommage, j’ai déjà fait mon bilan des tops et flops 2021, car ce roman-là fait pleinement partie de mes tops de l’année. Je vous encourage à découvrir cette saga, à la lire d’une traite pour en sentir pleinement le souffle, et à cette saison, c’est tout simplement l’idéal !
Bon, j’étais déjà décidé à lire cette trilogie, mais cela renforce ma hâte : je dois lui trouver rapidement une place dans ma (longue) liste.
Merci.
Je pense que tu ne le regretteras pas 🙂
Une trilogie exceptionnelle qui se termine, en effet, en apothéose. Katherine Arden est une conteuse qui m’a vraiment transporté avec ces trois romans. Ravie que tu l’aies aimé autant que moi.
Rohlala mais ce troisième tome !!! Et oui, cete autrice est une conteuse hors pair. J’ai pas aimé, je suis tombée raide dingue amoureuse de cette série 🙂 Mon cœur saigne toujours d’avoir fini la lecture la semaine dernière… Terrible.
Et bien je vois que ce dernier volet t’as donné de quoi écrire ! On ressent tout ta dévotion et ton admiration pour cette saga et ça fait plaisir car sans toi je n’aurais peut-être pas découvert celle-ci cette année !
Concernant nos avis, je vois que nous avons été sensible au retour du folklore et à celui du temps et ses saisons qui rythment à merveille ce dernier volet. Je suis content de voir que je ne suis pas le seul à avoir souvent visualiser Arya même s’il m’a semblé que Vassia s’émancipait totalement cette fois-ci. Quel régal d’avoir suivi une telle élévation.
Je suis vraiment plus que satisfait de cette conclusion qui allie magie et réalisme avec nuance et finesse et qui m’a fait voyager.
Toi aussi tu l’as dévorée la trilogie !! Je suis ravie de te l’avoir fait découvrir et que tu aies tant aimé comme moi.
Dévotion : c’est tellement ça… 🙂