Recycler les bonnes idées épisode n°2 : je vous disais dans l’avis flash dernier que j’espérais revenir à des romans : bon, ben, non. Toujours difficile, toujours débordée, toujours très envie de dodo. Alors on continue dans les formats courts ! Je vous annonce quand même que vous aurez une chronique de roman mercredi prochain, parce que ça y est, j’arrive au bout du Problème à trois corps ! Et j’ai commandé le tome 2 donc c’est que l’expérience n’a pas été mauvaise 🙂 En attendant et avec un peu de retard, voici l’avis flash #21, sur des bouquins que j’ai trouvés globalement assez moyens :
– Helstrid, de Christian Léourier,
– Sale temps, de Lou Jan,
– Ormeshadow, de Priya Sharma.
Christian Léourier, Helstrid
Résumé
Certains mondes ne sont pas faits pour l’humanité : Helstrid est de ceux-là. Pourtant, la Compagnie exploite ses ressources en minerai, appâtant des hommes et des femmes à l’image de Vic qui supervise le travail de prospection et d’exploitation des machines. Un jour, il est contraint d’accompagner un convoi chargé de ravitailler un avant-poste à plusieurs centaines de kilomètres de la base principale. Un trajet dangereux…
Avis flash
Dès le début, c’était mal parti. Parce que l’idée de départ selon moi n’a aucune crédibilité. On est sur une planète toxique, infernale, où l’humain n’a pas sa place. Bon, il y est quand même, pour exploiter les ressources : soit. L’intrigue se construit sur la mission de Vic, qui doit accompagner un convoi à l’autre bout de la planète. Il est assisté d’une IA. Enfin, non, justement. Il se trouve que les IA dans cet univers sont hyper développées et s’occupent de tout. Vraiment tout. Dans cette mission, la valeur ajoutée de Vic est égale à 0. L’IA aurait très bien pu tout gérer toute seule. Alors pourquoi, que diable, envoyer un bonhomme faire le travail d’une machine plus performante, efficace, qui ne risque pas, elle, de s’enliser dans les ennuis ? Je ne sais pas et ce n’est pas interrogé.
Dès le départ, donc, j’ai trouvé que ça manquait de cohérence. Ça ne tient pas debout, cette affaire. D’ailleurs, le personnage ne sert à rien. Vraiment à rien. Donc forcément, pour meubler, il se plaint, il pleurniche, il se rappelle sa vie de merde d’avant, se lamente du départ de sa compagne. Malgré le rythme trépidant de cette mission foireuse et le rythme narratif qui alterne présent et souvenirs, j’ai trouvé tout cela bien long, bien chiant, et bien vide.
Sans compter les pages où est développé à foison un bon male gaze de beauf. Alors oui, Vic est un beauf, donc son point de vue ne peut pas être différent. Mais j’avoue que j’en ai autant assez des persos féminins nuls que des persos masculins nuls. Quel manque d’imagination, saperlipopette.
Alors je ne jette pas tout : ça se lit vite et bien (je suis en revanche assez déçue par l’écriture qui m’a semblé très commune), et la fin est intéressante (mais très vite torchée – dommage, parce que c’était précisément là que je trouvais enfin quelque chose à creuser). Bon, je ne jette pas tout m’enfin c’est pas glorieux quand même. C’était mon premier Léourier, il y en aura peut-être d’autres, mais là, mauvaise pioche 🙁
Priya Sharma, Ormeshadow
Résumé
Angleterre, fin du XIXe siècle.
Fonctionnaire de province, le père du jeune Gideon Belman subit divers échecs financiers qui l’obligent, lui et sa famille, à quitter Bath pour l’ancestrale ferme de son frère, au lieu-dit Ormeshadow. Un dragon serait endormi sous cette colline et un trésor s’y trouverait dissimulé, trésor dont les Belman seraient les gardiens. Une simple légende, rien d’autre…
Avis flash
Voilà un texte bien étrange. Je n’ai pas détesté ma lecture, mais elle m’a laissée perplexe. D’abord, par sa présence dans une collection d’imaginaire. Bon, OK il est question d’une légende dans laquelle figure un dragon, m’enfin… Cette légende est justement traitée comme telle, un récit pour se changer les idées et rêver cinq minutes à l’écart de tonton Thomas. Je suis très réductrice, car bien sûr ce n’est pas que cela, mais je n’ai pas eu la sensation de lire un texte d’imaginaire. Ce n’est pas gênant en soi, je peux apprécier un texte quel que soit son genre. Mais là, j’avais envie de SFFF. J’imagine que la force de ce texte réside justement dans le fait d’en dire le moins pour faire marcher l’imagination des personnages comme des lecteurs; une sorte de fenêtre entrouverte qu’il nous appartient d’ouvrir franchement et de franchir. Bon, moi je suis restée à l’intérieur.
Parce que je n’ai pas été emballée par cette histoire de dragon. La légende était sympathique, mais je n’ai pas réussi à adhérer davantage. Les ellipses et l’absence d’émotions ressenties par le personnage principal ont créé une distance entre l’histoire et moi, que je n’ai pas réussi à combler. Si l’ambiance m’a marquée, ce n’est en revanche pas le cas de l’histoire. Et ce, même si l’association des deux crée un contraste intéressant.
Enfin, la vie dans le cul des moutons, les pieds dans la boue et les oreilles farcies des horreurs du tonton patriarcal, c’est bof. Je dois reconnaître que l’ambiance est réaliste, très bien rendue. Mais si rude. Là, c’est une erreur de casting de ma part : je voulais du léger, clairement ce n’était encore une fois pas le titre approprié. (Si, j’avais lu la 4e de couv – qui raconte tout, d’ailleurs, pas merci, ce pourquoi j’ai coupé le résumé ici.) En tout cas, l’écriture est marquante, et ce récit prend aux tripes.
Lou Jan, Sale temps
J’avais acheté ce texte aux dernières Utopiales, directement auprès de l’autrice, avec qui j’avais papoté pas mal. J’étais très curieuse de lire ce texte, et de comprendre le travail de l’autrice qui se concentre pour chaque titre sur un concept en particulier. Le temps ici et l’amour dans La machine à aimer.
Voici la dernière mini chronique de cet avis flash #21.
Résumé
Le temps est notre ressource la plus précieuse. Qui n’a jamais rêvé de pouvoir l’arrêter ? Olgann, le champion de ski, le peut, lui. Il stoppe les chronomètres en course pour gagner. Le premier cas de dopage par le temps. Une mécanique bien huilée jusqu’à ce que d’autres se mettent à l’imiter. Si chacun arrête le temps à sa guise, le monde ne risque-t-il pas de sombrer dans le chaos ? Le temps nous instruit, nous soigne parfois, mais il finit toujours par nous tuer. Sale temps.
Avis flash
Je n’avais encore jamais lu, je crois, de Rivière blanche. Je trouve les couvertures d’un moche. Le graphisme, la police, les persos féminins aux formes accentuées et pas très habillés… Bon, bref, passons, ça on s’en fiche.
J’ai apprécié le traitement par l’autrice du temps et de sa manipulation. Cela m’a un peu fait penser à L’une rêve, l’autre pas de Nancy Kress. Gagner du temps, courir contre le temps, perdre son temps : autant d’expressions traitées dans ce court roman. C’est percutant, d’autant plus avec la plume incisive, brève et tranchante bien reconnaissable de l’autrice. Le roman se lit vite, et l’écriture nous immerge parfaitement dans le récit et cette problématique autour du temps. J’ai aimé que l’autrice aille plus loin que le fait de gagner contre le temps, en inventant des univers parallèles qui fonctionnent comme des vases communicants. Elle imagine aussi toutes les répercussions sociales, économiques, culturelles de ce « jeu » (choisi ou subi) avec le temps sur les sociétés. En revanche, je suis moins conquise par la fin, qui m’a semblé assez perchée, et j’ai perdu le fil.
En revanche, j’ai eu un souci majeur avec ce texte : le personnage principal, Olgann. C’est un connard pervers. Alors OK encore, « oui c’est le perso qui est comme ça donc forcément ses pensées sont à son image patati patata ». Oui, oui, d’accord. Mais je le répète : les personnages pourris jusqu’à la moëlle, c’est bon, j’ai eu ma dose.
Donc qui dit connard pervers, dit male gaze de beauf épisode 568157135415, et puis scènes (dispensables à mon sens) d’agressions sexuelles et de viols. Une fois dès le début, puis deux fois, trois fois… C’est lourd.
L’ennui ici, c’est que le récit n’aurait pas changé de sens si le personnage n’avait pas été un agresseur sexuel. Donc j’ai eu le sentiment d’une gratuité franchement pas agréable du tout, d’une « normalité » qui m’a profondément agacée. J’imagine bien que le but recherché était de dénoncer ce comportement et cette apparente normalité, évidemment. Mais j’ai trouvé cela plutôt maladroit. Je peux donc difficilement dire que j’ai passé du bon temps en lisant ce roman, malgré l’intelligence du traitement des thématiques convoquées…
Comme vous le voyez, la pioche n’a pas été folichonne pour cet avis flash #21. Erreurs de casting de ma part, beaucoup moins de patience et de compréhension face à des schémas récurrents qui me saoulent, inadéquation avec mes attentes du moment… Cela arrive, et c’est pas grave. J’ai fait des heureux et des heureuses en déposant ces titres dans la boîte à livres de ma ville. J’aurai davantage de plaisir à vous parler la semaine prochaine de ma lecture du Problème à trois corps, d’autant que ça a été une véritable aventure ^^
C’est toujours « marrant » de voir comment on peut vivre des livres différemment. « Ormeshadow » est sûrement mon deuxième UHL préféré, juste derrière « Un Pont sur la brume ». Mais c’est sûr que pour une lecture légère, c’est raté. 😅
En fait, il n’est pas mauvais du tout et franchement je l’ai trouvé solide sur pas mal de plans, et si je l’avais lu à un autre moment et avec d’autres envies je l’aurais davantage apprécié à sa juste valeur. Je n’ai pas lu Un pont sur la brume, tiens ! Ca a l’air super, comment ça se fait que je n’ai pas lu ce bouquin encore ? Merci de l’avoir mentionné ici 🙂
Bon ben je vais plussoyer Baroona, j’ai également adoré Ormeshadow et Un pont sur la brume dans les UHL ! Helstrid, ma mémoire l’a effacé, et je ne connais pas le dernier. Mais il est vrai qu’en général les couvertures de Rivière blanche ont un côté un peu dépassés pour moi.
Très datées, oui 😀 je ne nie pas du tout la qualité d’Ormeshadow, j’ai en revanche été surprise par ce texte, je ne m’attendais pas à ça et pas dans la collection UHL, à vrai dire… Bon, ça fait 2 pour le pont sur la brume, d’accord d’accord, je vais me le prendre 🙂
Les schémas récurrents sur les personnages masculins… que je te comprends. Les créer pour dénoncer ou leur faire comprendre à un moment donné que leurs comportements sont malsains d’accord. Mais je commence aussi à en avoir marre de ça.
Je prends de plus en plus conscience que pour changer les comportements, il faut créer des personnages sains qui vivent l’aventure tout simplement et sans à chaque fois pointer cela du doigt au sein même du roman.
J’en avais déjà parlé dans une de mes chroniques quand un perso masculin pleurait sans qu’un autre lui dise qu’il pouvait se laisser aller ou qu’il ne perdait pas ses coquilles en pleurant. Et ça fait du bien, car ça veut dire que c’est normalisé.
Je suis totalement d’accord avec toi ! Dénoncer c’est cool mais c’est comme si, finalement, on ne parvenait pas à imaginer des personnages différents (et normaux, enfin qui reflètent la réalité, quoi : le monde réel n’est pas peuplé que de types toxiques et dégueulasses, franchement). C’est dommage quand même !