Aux sources de la fantasy

Un billet un peu différent aujourd’hui. Je vous présente une série TV ! Aux sources de la fantasy se compose de 4 épisodes consacrés à 4 figures majeures du genre : Les frères Grimm, William Morris, H. P. Lovecraft et Robert E. Howard. La série a été diffusée en 2022 sur Arte. J’inaugure avec ce billet une petite série d’articles podcasts et docus TV, parce que j’ai prévu d’en écouter quelques-uns cet été. Cela faisait un petit moment que je voulais regarder ce documentaire, c’est chose faite, alors parlons-en !

Présentation du documentaire Aux sources de la fantasy

Cette mini-série documentaire propose une exploration des origines du genre de la fantasy. Elle comporte 4 épisodes de 25 minutes à peu près chacun. Diffusée sur Arte en 2022, la série franco-américano-allemande est réalisée par Stéphan Roelants.

On suit, pendant ces 4 épisodes, le dessinateur John Howe qui mène un travail d’archéologue, revenant dans les lieux emblématiques de chacun des auteurs analysés. Une balade littéraire, mais aussi géographique et temporelle.

J’imagine que l’affiche de la série est signée John Howe, mais je ne suis pas parvenue à trouver l’info quelque part.

Vous pouvez accéder aux épisodes sur Arte VOD ici. Par ailleurs, vous trouverez un autre retour sur cette série documentaire ici.

Les sources de la fantasy, hum…

Une fantasy mal cadrée

4 grandes figures du genre, donc. D’abord les frères Grimm avec le renouveau du conte; puis William Morris, artiste total et précurseur du genre; Lovecraft ensuite, qui met en place le système d’un grand univers tissé sur plusieurs ouvrages, avec une mythologie, une cosmogonie et un background récurrents sur fond d’horreur. Et enfin Howard avec son Conan le Barbare, et l’exploration de ses liens avec les pulps américains.

J’aurais aimé, dans un premier temps, une définition et un périmètre des termes. Qu’on sache de quoi on parle. Car personnellement, classer Lovecraft en fantasy… Pourquoi pas mais ça se justifie (et ça se discute). C’est en tout cas un choix particulier. D’autant que pas mal d’intervenants sont anglosaxons : et l’on sait que le terme fantasy ne recouvre pas la même chose en français et en anglais. Donc là, il me semble qu’il aurait vraiment fallu borner le propos et préciser de quoi on parle.

Dans tous les cas, rassembler Grimm, Lovecraft, Morris et Howard sous la bannière fantasy ne coule pas forcément… de source. La série aurait mérité d’abord un éclairage sur le terme fantasy et ses délimitations, et une justification des choix effectués. Qu’on comprenne un peu la logique – à part une avancée chronologique.

Des sources hasardeuses

Quant au terme source : évoquer Lovecraft et Howard pose aussi question. Peut-on encore parler de source du genre pour qualifier ces auteurs ? Qui viennent après un 19ème bien chargé, et un auteur comme Morris dont on a justement dit, deux épisodes plus tôt, qu’il était précurseur du genre ? Des auteurs phare, oui, je veux bien; mais dans ce cas, où est Tolkien ? Il me semble que dans le genre, s’il y a un nom majeur, c’est bien lui. Dans tous les cas, présenter 4 auteurs comme étant des sources du genre sur une période assez tardive (19-20e) me pose vraiment question. Dommage également que les périodes antérieures n’aient pas été explorées du tout.

J’ai plutôt eu tendance à penser qu’on avait davantage ici un rapport personnel et affectif à 4 auteurs qui ont compté pour le narrateur John Howe. Ce qui donne alors à la série quelque chose de très subjectif. Pas inintéressant, mais très limité dans sa portée. Bref, niveau cadrage, c’est assez flou, tant sur les figures que sur la temporalité choisie et la finalité de la série.

Structure des épisodes

Les épisodes sont assez courts, et bâtis sur le même modèle. John Howe est le narrateur, et on suit ses pérégrinations sur les traces de ces figures tutélaires. Chaque épisode est donc un voyage à part entière, nous permettant de voir les lieux chers aux différents auteurs présentés.

Structure récurrente

Chaque épisode est bâti de la même façon :

  • Une lecture résumée d’une œuvre majeure, en plusieurs temps, par une voix féminine et de manière illustrée (j’imagine par John Howe);
  • Une à deux interviews d’historiens, de conservateurs et d’écrivains, qui reviennent à la fois sur la biographie des auteurs et sur la réception de leurs œuvres, tant sur le plan du genre que sur le plan personnel pour les écrivains interrogés. Ces interviews sont également coupées en plusieurs morceaux placés en alternance de la narration et de la lecture résumé de l’œuvre.

Ce faisant, les épisodes présentent une structure un peu scolaire. Ils évoquent assez longuement la biographie de chaque auteur, reviennent sur une ou deux œuvres phare de l’auteur en les remettant dans leur contexte culturel et littéraire, puis concluent sur son apport dans le genre et la culture populaire.

Ce n’est pas très fouillé, ni solidement construit. Mais cela va de pair avec les choix de fond qui ne sont pas non plus suffisamment étayés ni justifiés.

Quelques remarques sur la forme

Le rythme est lent, et la promenade de John Howe est certes mignonnette, mais très contemplative. Or, 25 minutes c’est très court. De ce fait, le contenu m’a souvent paru assez superficiel avec des conclusions pas inintéressantes mais très générales.

D’autre part, l’accent est davantage mis sur la bio des auteurs, moins sur leurs œuvres. Chaque épisode propose un focus sur un des textes les plus emblématiques de l’auteur, mais ça manque selon moi d’intertextualité, de dialogues entre les textes et d’un aperçu plus large sur les autres écrits de l’auteur. De ce fait, si le propos parvient à souligner quelques caractéristiques propres à l’auteur, ça fait un peu trop « grille de lecture ».

Enfin, les interviews ne m’ont pas toujours semblé très pertinentes non plus. Quand ce sont des écrivains ou des réalisateurs qui sont interrogés, c’est plutôt pour parler d’eux : de leur rapport aux textes de ces auteurs, de leur regard dessus, et de la manière dont ils s’en sont inspirés. Ce n’est pas inintéressant non plus puisque cela aborde toute la partie « études de réception » très intéressante à étudier pour comprendre et analyser le caractère précurseur et classique attribué à tel auteur ou telle œuvre. Mais c’est longuet et pas super approfondi et il manque selon moi cet élargissement nécessaire pour dépasser le stade « inspiration personnelle ».

Intérêt de la série

Je dirais que c’est surtout très intéressant pour des complets novices dans le genre. Quoiqu’un cadrage préalable pourrait être utile, sous peine de les perdre complètement. Quant aux amateurs, ils risquent de ne pas apprendre grand chose et de s’ennuyer profondément. Et de hausser les sourcils plusieurs fois. J’ai glané quelques petites infos ici et là, mais rien de plus.

J’attendais de cette série un vrai dialogue entre les œuvres, entre passé et présent. Un focus plus approfondi sur les œuvres des auteurs, dans leur ensemble. J’aurais aimé voir comment les artistes après eux se sont réapproprié ce matériau pour le renouveler, l’interroger, le réutiliser. Quant aux sources, j’aurais aimé y remonter vraiment. Mais sans doute avais-je des attentes qui ne collaient pas avec l’idée de départ et le public visé. Sans doute aussi que le format 25 minutes ne permettait pas d’approfondir de la sorte.

En d’autres termes, c’est sympatoche mais pas très solide. Ca manque de méthode, d’analyses approfondies et pertinentes, et enfin d’exploration des textes.

En comparaison, j’ai écouté ensuite les 3 épisodes de la série L’histoire de la SF française diffusés dans La méthode scientifique l’année dernière sur France culture. Et là, c’était du solide. Gros atout de ce podcast que la série d’Arte n’a pas : une abondance de sources venant appuyer, étayer, remettre en perspective… les propos des interviewés (autrement plus calés aussi sur le sujet). Alors évidemment, le but et le public diffèrent complètement. Mais je ne retiendrai pas grand chose de cette série Aux sources de la fantasy. A part des balades contemplatives dans des forêts magiques et des petits villages bucoliques.

Déception donc pour cette série documentaire télévisée. Sur le papier, cela semblait pas mal. Mais effectivement quand j’y repense, je me dis qu’en 25 minutes (dont 2 de générique), c’est difficile d’approfondir le propos. Disons que ça a le mérite d’exister, et d’apporter des bases pour des novices souhaitant découvrir un peu le genre. En cela, ça fait le job, même si je ne suis pas persuadée que le choix de ce rythme plan plan soit le plus adapté pour témoigner de l’extrême vitalité de ce genre littéraire.

6 thoughts on “Aux sources de la fantasy

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    1. C’est bien pour des personnes qui n’y connaissent strictement rien et comme le disait Pages pluvieuses, la série a le mérite de parler d’un genre méconnu et déprécié sur un grand média. Mais pas sûre que tu y apprennes beaucoup de choses…

  1. quand on sait que « fantasy » chez les anglo-saxons incorpore le « fantastique » cette série est faussée dès le début..entièrement d’accord avec ton analyse

    1. Tout à fait ! Elle aurait au moins mérité de préciser de quel côté on se trouve, et quel point de vue on donne au terme. Sinon, c’est un peu flou, même si pour les anglosaxons c’est justement beaucoup plus simple. D’ailleurs, on pourrait dire que la série a ce point de vue là quand on voit les auteurs convoqués. Mais ce n’est pas forcément évident non plus.
      C’est rigolo parce que si la série n’avait pas été coproduite par une équipe allemande, pas sûre qu’on aurait trouvé les frères Grimm ^^

  2. J’avais bien aimé cette série ! C’est vrai que le contenu n’est finalement pas à la hauteur de la promesse du titre et du résumé, mais ça permet de parler de certaines œuvres et de voyager un peu, et au final de globaliser et normaliser les discussions sur l’imaginaire sur les médias « grand public » ☺️

    1. Tu as raison, ça a effectivement ce mérite, sur un média grand public c’est suffisamment rare pour le signaler, oui ! Au moins, ça donne de la visibilité au genre et c’est tout à fait bon à prendre !

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