Encore un roman de ma pile à lire constituée pour l’ultime challenge. Callysse m’a offert ce roman à Ouest Hurlant cette année, et depuis il traînait là. Morgane l’a lu il y a quelque temps et beaucoup aimé, alors je me suis dit que je n’allais pas le laisser plus longtemps sur les étagères. Trois battements, un silence est un roman musical singulier, entre monde contemporain brutasse et féérie (pas vraiment moins brutasse, d’ailleurs). J’ai aimé ce roman autant qu’il m’a laissée perplexe. Voyons voir ça.
4e de couverture
Difficile d’échapper à son héritage familial quand, comme Marco Delusi, on grandit au sein d’une famille dysfonctionnelle dans laquelle être un homme signifie haïr les femmes. Seul son oncle Ray lui montre de l’affection et l’initie à la magie du monde et de celles et ceux qui le peuplent, habitants de l’ombre autant que de la lumière.
Après la mort de Ray, Marco vit à l’écart de la société. Celle-ci se rappelle toutefois à son bon souvenir quand son fils disparu huit ans plus tôt revient dans sa vie. Ce retour laisse alors surgir un passé qu’il préférait oublier.
Pour sauver son garçon, Marco sait qu’il lui faudra mettre fin à la malédiction qui pèse sur les hommes de sa famille et accorder son cœur au rythme des autres. Pourquoi pas à celui de Hannah, son premier amour…
Le temps, peut-être, de trois battements et d’un silence.
Un roman musical et rythmé
C’est ce que je retiendrai de ce roman, surtout : sa forme. Car son fond m’a un peu échappé – et c’est un euphémisme, mais j’y reviendrai plus bas.
Le titre, déjà. Trois battements, un silence. J’aime beaucoup cette rupture de rythme qui donne le LA au roman. Cette rupture, on la retrouve partout. Dans les 7 parties du roman, qui sont autant de chants centrés sur un des personnages, même si la voix de Marco résonne partout. Ces parties sont inégales, mais elles se complètent et se répondent.
On retrouve aussi cette rupture dans l’écriture. Tantôt particulièrement vive, écorchée, crade, comme pour traduire la dureté de la vie menée par ce clan Lusignan. Ils ne connaissent que la violence physique et verbale, et cela se ressent dans la prose. le vocabulaire est familier, les phrases torturées. Et tantôt, quand une parcelle d’espoir et d’amour se fait entrevoir, l’écriture s’assouplit, s’embellit. Anne Fakhouri façonne ses différents mondes avec le langage dont elle maîtrise les secrets, les registres, les champs lexicaux.
Et puis dans ce roman, on chante, et on danse. Au son des vieux disques de l’oncle Ray, ou entre le monde des Fées et le monde réel. Toujours cet entre-deux, qui permet de sautiller d’un endroit à un autre, d’aller et de venir, tout en fluidité.
Ce rythme entraînant m’a beaucoup plu et complètement happée dans le roman, que j’ai continué de parcourir malgré le flou total dans lequel il m’a plongée.
Un conte ancien et moderne
J’ai parlé de l’alternance monde des fées et monde contemporain plus haut. Difficile d’imaginer que cette association fonctionne si bien, et pourtant. Peut-être parce qu’on n’en sait pas vraiment beaucoup plus sur cette famille de dingues. Où ils vivent (en plus, certains personnages vont et viennent entre deux mondes), quand exactement (le temps, dans ce roman, est très relatif, en plus)… On va comprendre petit à petit l’histoire de cette famille (enfin, comprendre… Bon.)
Trois battements, un silence se lit comme un conte.
Un conte moderne, qui raconte une quête de ses racines, de sens, de son amour perdu. Le roman raconte la perte, aussi. La perte de ses illusions, de ses croyances, des siens. Et puis il raconte l’amour. Fusionnel, corporel, filial… L’amour sous toutes ses formes.
Comme dans tout conte, il y a des apprentissages et une finalité. En effet, il y a de dures leçons à apprendre dans ce roman. Et puis tous les incontournables du genre. Des actes de bravoure, des scènes de baston, des scènes d’amour, mais aussi des moments de prise de conscience, des histoires d’antan qui forgent le destin des Hommes d’aujourd’hui. Des objets (une lance), un patronyme, une malédiction. Et puis des personnages qui ne font pas vraiment dans la nuance; chacun dans son rôle. Et enfin, du symbole, bien sûr. La femme-serpent, le fils Orphée, une Ombre qui plane…
Entre mythologie, folklore médiéval et conte moderne, Trois battements, un silence fait le pont entre tout cela et ouvre pas mal de portes, que Marco doit emprunter pour comprendre, tracer son chemin et trouver une issue. Pas évident, surtout quand un brouillard opaque englobe tout le récit…
Mais où suis-je ?
Je disais plus haut que j’avais été charmée par le récit et l’écriture de l’autrice, c’est tout à fait le mot qui convient. Charmée. Comme si j’avais subi un charme de glamour. Parce qu’une fois le charme dissipé, je me retrouvais dans un sacré brouillard. En d’autres termes, je n’ai franchement pas compris grand-chose à ce roman. Et je pense que cette chronique le traduit bien. Je vous mets au défi de me dire ce que vous avez compris de l’histoire de ce bouquin à travers mon charabia. Ben pas grand-chose sinon rien, tout simplement parce que je n’en ai encore rien dit.
Mais je n’en dirai pas beaucoup plus, car le fond du roman m’a complètement échappé. Les sept parties que je mentionnais plus haut m’ont paru assez inégales. Il y a un gros ventre mou selon moi dans ce roman, en plein milieu. Pas mal de délayage, de choses qui se passent mais qu’on ne perçoit pas bien précisément. Le voile se soulève à la fin du roman avec les récits autour de l’oncle Ray et de Mélusine. J’ai cru comprendre que ces récits étaient vus par Marco comme dans une sorte de « pensine » mais je n’ai pas saisi concrètement le comment du pourquoi. Enfin bref, j’ai apprécié ces deux parties qui ont répondu un peu à certaines de mes questions (tout en obscurcissant ce que je croyais avoir compris plus tôt), mais la dernière partie consacrée à Une ombre m’a définitivement perdue.
Et me voilà, encore une fois, à la dernière page, en me demandant ce que j’ai lu et ce que c »était que ce charabia auquel je n’ai strictement rien saisi. Parfois, je me demande si c’est moi qui suis dure de la feuille ou si vraiment, certains bouquins sont volontairement opaques. Pour en avoir discuté avec Lucie, l’organisatrice de l’ultime challenge, peut-être que cette opacité est voulue. Après tout, on est dans un monde pas vraiment réel, avec des Fées qui traînent, et avec elles rien n’est jamais certain et tout se prête toujours à une multitude de sens.
Alors bon, je vais en rester là, et garder ce bouquin dans la bibliothèque pour une deuxième lecture, plus tard.
En pratique
Anne Fakhouri, Trois battements, un silence
Editions Argyll, 2023
Couverture : Xavier Collette
Autres avis : Un roman vibrant qui rend hommage au merveilleux pour Yuyine;
Trois battements, un silence est un roman bien singulier. Anne Fakhouri s’est transformée en fée et a soufflé des mots bien étranges sur ces pages. Elles renferment de la magie, du glamour, mais aussi beaucoup de dureté, de violence, d’espoir… Une multitude d’émotions renfermées dans une petite fiole explosive. L’expérience musicale m’a plu, et ce roman aurait pu être pour moi une merveille si j’en avais saisi son sens profond… Cependant, je n’ai pas réussi à en soulever totalement le voile et le brouillard est resté bien opaque. J’y reviendrai plus tard.
La maîtrise de la plume me plaît bien. L’opacité de l’intrigue me donne envie de me plonger dans ce puzzle féerique et onirique.
Je publie les premières lignes ce dimanche, cela te donnera une idée de la plume – en tout cas une facette de la plume de l’autrice. J’espère que cela te tentera davantage et t’amènera à sauter le pas 🙂
Je n’avais pas compté le nombre de parties ! Sept… C’est ce dont il faut se défaire pour cerner la réalité de soi-même, c’est un chemin alchimique qu’on retrouve dans plusieurs mythes, et ça fait totalement sens (oui, faire sens… je sais…).
Quant à la compréhension… J’avoue que ça ne m’a gênée… Mais Mélusine, les Lusignan, la féerie et Orphée font partie de mon monde mythologique et poétique… Peut-être que ça aide, soit à comprendre, soit à abandonner l’idée de comprendre et se laisser porter ?
Ah oui, bien vu, tiens. J’ai compté les parties tu vois, et ça n’a même pas fait tilt dans mon esprit.
Abandonner l’idée de comprendre c’est quelque chose chez moi qui est très difficile à faire. Je suis quand même assez satisfaite d’avoir apprécié ce bouquin malgré le taux de compréhension assez faible que j’en ai, je suis donc sur la bonne voie 😀
Je conçois qu’il te parle particulièrement ce roman, pour avoir lu tes derniers posts en effet tu es tout à fait en phase avec cette féérie et cette mythologie. Comme tu disais, cela dépend de notre angle d’attaque et de notre façon de voir les choses. Très cartésienne ici. Ca ne marche pas bien pour tout ^^
J’avais lu tous ses romans à une époque, j’étais tellement contente qu’elle publie à nouveau en imaginaire et j’ai appris son décès. J’ai à la fois hâte de le lire et en même temps (d’ailleurs j’ai mis du temps à l’acheter). Bon je finirais par y venir.
Ses autres textes te plairaient peut-être ceci dit 🤔
Je regarderai à l’occasion ses autres écrits, effectivement ! Lequel as-tu préféré ?
Ce n’est pas une franche réussite mais il y a matière à réflexion. ça me fait penser qu’il va falloir que je lise celui que tu m’as offert! Au moins avant la prochaine édition de Ouest Hurlant XD
C’était lequel déjà ? Je ne m’en souviens plus… Un chat noir ?
Non c’était un roman de Pauline Sidre, j’ai oublié son titre
Ah, au chat noir, non ? Crimes surnaturels ? 🙂
Oui c’est ça!
Roman noté dans un coin pour moi, le côté opaque ne me gêne pas trop, et l’onirique me plaît pas mal. A voir quand même.
Il mérite la découverte, c’est sûr !