Reçu dans le cadre d’une opération masse critique Babelio, La fille qui danse est une romance contemporaine de Lisa Soto, publiée aux éditions Noir d’Absinthe en 2020. Magnifiquement illustré par Emilie Léger, c’est un très beau pavé de plus de 400 pages, qui se lit avec facilité. Je remercie les éditions Noir d’Absinthe et Babelio pour l’envoi de ce très beau roman. Je l’ai lu d’une traite, avec entrain, et déconnectée du monde réel. Le retour sur Terre a été un peu compliqué ensuite, tout de même.
Synopsis
« Quand Asa part en quête de ses origines, le bleu à l’âme sur les sentiers irlandais, elle ne s’attendait pas à rencontrer un homme tel que Marec.
Elle est une enfant du monde, Lui, des montagnes.
Dans des contrées proches ou lointaines, entre deux pas de danse, Asa et Marec se croisent et s’éloignent, s’interrogent sur la vie, son sens et leur amour, seule constante dans cette valse des sentiments ».
Un roman dansant et rythmé
Une intrigue musicale
La fille qui danse porte bien son titre… Asa, le personnage principal, a le rythme dans la peau. C’est une femme qui bouge, incapable de tenir en place. Le mouvement est dans ses gênes, et ses habitudes, elle qui a connu le monde entier. C’est d’ailleurs lors d’un festival musical qu’elle rencontre Marec.
D’autre part, j’ai beaucoup aimé la danse que mènent ces deux personnages. Ils se rencontrent, dansent ensemble, se perdent de vue, se retrouvent, se recroisent, se perdent de nouveau… « Le tourbillon de la vie » en quelque sorte. Ce n’est rien d’autre qu’un ballet à deux qu’ils nous offrent tout au long du roman. Si ce duo d’étoiles concentre les regards sur scène, le corps de ballet en arrière-plan se compose de personnages secondaires étoffés, que j’ai trouvés intéressants. Cela crée une pièce cohérente, constituée de tableaux successifs avec une forte tension dramatique.
A l’origine de la fille qui danse : la musique
Tout au long du récit, la musique va accompagner les personnages et le lecteur. Plusieurs morceaux figurent dans le texte, et c’est assez intéressant de lire en musique, pour prolonger la lecture et s’immerger dans l’univers d’Asa et Marec. Dans sa note en fin de roman, Lisa Soto décrit sa manière d’écrire, en musique. Cela se ressent dans le texte, certains chapitres portent d’ailleurs le titre d’un morceau (par exemple Only You de Jack Savoretti). Ce n’est pas du tout mon style musical, mais ça accompagne bien le texte.
Enfin, « la fille qui danse est née en tout premier lieu d’une chanson de Saez, Mon européenne ». L’origine du roman est ainsi explicitée dans la note de l’autrice en postface. Les paroles de cette chanson lui ont inspiré le personnage d’Asa, vadrouilleuse et danseuse. La musique a donc une importance toute particulière dans ce roman.
Une écriture mimétique
Si la musique qui résonne dans ces pages n’est pas vraiment celle que je préfère, en revanche j’ai été particulièrement sensible à la musicalité de l’écriture. Le roman est raconté avec un point de vue omniscient, toutefois les chapitres alternent les points de vue, tantôt centrés sur Asa, tantôt sur Marec. C’est intéressant, car une dynamique entraînante se crée tout au long du récit. J’ai particulièrement apprécié l’épilogue qui boucle la boucle.
D’autre part, le récit est narré au présent et les phrases sont assez courtes. Il en découle une sensation d’instantanéité très forte. C’est comme si on était dans la tête même des personnages, à l’instant où ils vivent ce qui est raconté. C’est très réussi d’autant plus que le récit n’est pas raconté avec un point de vue interne. L’insertion de SMS dans le texte ajoute au dynamisme du texte. De ce fait, ce roman est particulièrement vivant et contemporain, mais sans altérer la qualité de la langue (je déteste particulièrement les dialogues oralisés à l’extrême). Heureusement, Lisa Soto nous offre un roman bien écrit, fluide, agréable à lire, avec un niveau de langage soigné.
La fille qui danse : une romance lumineuse
Derrière l’intrigue principale, un récit engagé
Derrière la romance, il y a un arrière-plan ancré dans la réalité d’aujourd’hui. Asa est une fille du monde, entière, élevée avec des valeurs humanistes, et bien dans son temps. Il y a donc dans ce roman des thématiques abordées très actuelles et engagées. Sont par exemple évoqués les dérives religieuses sectaires en Afghanistan, où vivent les parents d’Asa, avec leurs conséquences dramatiques (attentats, terrorisme, absence de libertés des habitants etc.). Par ailleurs, il y a des propos qu’on pourrait dire féministes (je n’aime pas non plus ce mot), dans le sens où Asa se révolte contre la négation de l’éducation pour les petites filles dans certains pays, revendique son droit de faire de son corps ce qu’elle veut et de le donner à qui elle veut, prône une liberté dans ses actes. Enfin, on parle dans ce roman de tolérance, de vivre ensemble, et d’acceptation de la différence.
Ce que j’ai surtout apprécié ce n’est pas tant que soient évoqués tous ces sujets, mais qu’ils le soient de manière bien dosée. Tous ces sujets sont saupoudrés avec parcimonie, construisant le personnage d’Asa avec justesse. Je n’aurais pas apprécié lire un essai féministe (pas que ça ne me plaît pas mais ce n’est pas ce que j’attends dans un roman de ce type), ni un pamphlet politique. Ce n’est pas du tout ce que nous donne à lire Lisa Soto. Certes, on peut imaginer que l’autrice nous donne son point de vue sur tous ces sujets, mais elle le fait dans un cadre romanesque. Cela reste subtil, jamais politique, enragé ou polémique, et surtout le regard reste optimiste malgré tout.
La fille qui danse est une fille réaliste
Ce roman m’a semblé vraiment réaliste. L’illusion romanesque fonctionne à plein régime durant les trois quarts du roman. Elle permet une identification aux personnages et des parallèles entre la vie réelle et le roman. Je me suis pleinement identifiée à Asa, et Marec aurait pu être quelqu’un que j’aurais croisé, un jour. Les parents d’Asa aussi sont très réalistes, humains. Ils ont leurs habitudes, leurs valeurs, leur façon d’être avec leur fille… Les personnages principaux sont consistants, ils ont une forte présence physique. Leurs caractères sont complexes, et ils ont leur histoire, leurs faiblesses, leurs émotions. Bref, ils vivent. De la même façon, les personnages secondaires sont dessinés avec beaucoup de vraisemblance.
Et ce roman est une petite fenêtre sur le monde à lui tout seul. Il s’inscrit dans un cadre bien actuel, contemporain, et les personnages vivent dans ce monde-là. Ils interagissent avec lui, s’adaptent, tentent de le changer, le subissent… Ils évoluent dans leur environnement. Le cadre de ce récit n’est pas un simple décor, il participe à l’ancrage réaliste de cette histoire.
Une romance un peu trop parfaite
La fille qui danse est une romance lumineuse, et les personnages sont attachants. C’est touchant sans être guimauve, ni mièvre. J’ai vraiment accroché pendant la quasi totalité du récit, tant que cela restait vraisemblable.
Mais j’ai trouvé que le final (la dernière partie avant l’épilogue) revêtait un caractère fortement improbable. J’ai perçu un décalage entre la réalité et le récit dans cette dernière partie, qui a détruit l’illusion romanesque. Jusque là, j’y croyais, fortement : Asa et Marec étaient réels, palpables, humains. Et puis l’illusion s’est rompue, faisant basculer la romance dans un conte de fées moderne, accentué par la forme du résumé de cette dernière partie. J’ai failli croire que la vie réelle pouvait être un conte de fées. Mais non. Point de paillettes, d’âmes sœurs, de regards énamourés jusqu’à la fin, de passion démesurée, de promesses éternelles, dans la vraie vie. Pour une romance si réaliste, il y a là un mélange des genres qui m’a laissée vraiment perplexe.
La fille qui danse est une romance lumineuse, musicale et rythmée de Lisa Soto, publiée aux éditions Noir d’Absinthe. J’ai particulièrement aimé l’ambiance musicale et dansante de ce texte qui accompagne à la perfection le ballet amoureux des deux protagonistes. D’autre part, cette romance s’inscrit dans un cadre réaliste et dans une actualité bien réelle. Des thématiques engagées se dégagent et sont évoquées avec justesse. Cependant, la romance à mon sens manque de vraisemblance dans son développement final. Néanmoins, cela reste un texte beau, optimiste, plaisant à lire et puissant.
une très belle chronique à nouveau, et un titre qui va rejoindre ma liste d’envies !
Oui, je te le conseille, c’est un très beau livre, puissant. Personnellement, ça a coincé à la fin, mais c’est un roman de qualité.
Tu en dis beaucoup de belles choses mais je suis absolument pas le public (j’ai une allergie aux romances je crois ^^). Mais je note pour l’acquérir à la biblio, ça trouvera son public!
Je comprends tout à fait. En fait, je lis rarement des romances. Mais comme j’aime énormément cette ME, et que le pitch me plaisait bien, j’y suis allée ! Une sortie de zone de confort, en quelque sorte. Je n’ai pas regretté, malgré le point de déception que j’ai trouvé sur la romance d’ailleurs. Mais en effet, c’est un roman de qualité qui pourra trouver toute sa place dans une bibli.