Premières lignes #1 : Fahrenheit 451

J’ai repéré ce rendez-vous sur le blog d’Aurélia, Ma lecturothèque. Elle partageait il y a trois semaines les premières lignes de l’essai de Titiou Lecoq, Autrices : Ces grandes effacées qui ont fait la littératureJ’ai trouvé l’idée géniale, parce que je ne compte pas le nombre de fois où je me suis dit « j’aimerais bien lire le début d’un livre avant de l’acheter ». Et puis je trouve que les incipit sont particulièrement marquants : ce sont eux qui font qu’on rentre dans le récit d’emblée ou pas. A mon tour donc : voici Premières lignes #1 !

A l’occasion de ce Premières lignes #1, je voudrais partager avec vous l’incipit de ma lecture de cette semaine, que j’ai trouvé absolument superbe.

Fahrenheit 451, édition Folio SF, 2021 Couverture Aurélien Police

Ray Bradbury, 451 Fahrenheit

« PREMIÈRE PARTIE
Le foyer et la salamandre

Le plaisir d’incendier !
Quel plaisir extraordinaire c’était de voir les choses se faire dévorer, de les voir noircir et se transformer.
Les poings serrés sur l’embout de cuivre, armé de ce python géant qui crachait son venin de pétrole sur le monde, il sentait le sang battre à ses tempes, et ses mains devenaient celles d’un prodigieux chef d’orchestre dirigeant toutes les symphonies en feu majeur pour abattre les guenilles et les ruines carbonisées de l’Histoire.
Son casque symbolique numéroté 451 sur sa tête massive, une flamme orange dans les yeux à la pensée de ce qui allait se produire, il actionna l’igniteur d’une chiquenaude et la maison décolla dans un feu vorace qui embrasa le ciel du soir de rouge, de jaune et de noir.
Comme à la parade, il avança dans une nuée de lucioles. Il aurait surtout voulu, conformément à la vieille plaisanterie, plonger dans le brasier une boule de guimauve piquée au bout d’un bâton, tandis que les livres, comme autant de pigeons battant des ailes, mouraient sur le seuil et la pelouse de la maison. Tandis que les livres s’envolaient en tourbillons d’étincelles avant d’être emportés par un vent noir de suie.
Montag arbora le sourire féroce de tous les nommes roussis et repoussés par les flammes.
Il savait qu’à son retour à la caserne il lancerait un clin d’oeil à son reflet dans la glace, à ce nègre de music-hall passé au bouchon brûlé. Plus tard, au bord du sommeil, dans le noir, il sentirait ce sourire farouche toujours prisonnier des muscles de son visage. Jamais il ne le quittait, ce sourire, jamais au grand jamais, autant qu’il s’en souvînt ».

Quelques mots…

Ce que j’aime d’abord dans cet incipit, c’est l’énorme quantité de métaphores qu’on y trouve. Nombre d’entre elles sont d’ailleurs filées sur plusieurs pages, voire toute la première partie. Elles reprennent d’ailleurs le titre de la première partie.

Ainsi, l’auteur propose un incipit tout en contrastes : il joue sur les couleurs et les textures autour de l’opposition noir/couleur vive (qui évoque les cendres vs le feu), et sur la salamandre, qui reprend d’ailleurs ces couleurs. On a en effet tout un lexique autour des cendres, des ruines et du feu associé à celui du serpent (la salamandre étant un symbole figurant sur les tenues des pompiers). Ca va jusque dans les sonorités, avec des allitérations sifflantes et fricatives (« le sourire féroce de tous les hommes roussis et repoussés par les flammes »).

Mais ce qui est assez génial, c’est surtout la manière dont l’auteur poétise la mise à feu de la maison. C’est d’une rare violence, et cela pourtant procure un plaisir (deux fois répété) à Montag. La façon dont la monstruosité de l’acte est embellie par les mots me fascine.

J’ai été scotchée par ces premières lignes, et mon intérêt n’a pas décru durant ma lecture. Ray Bradbury propose là un formidable travail d’écriture.

Un rendez-vous bloguesque partagé

Ce rendez-vous est suivi par pas mal de blogueurs et blogueuses :

Lady Butterfly & Co
Cœur d’encre
Ladiescolocblog
À vos crimes
Ju lit les mots
Voyages de K
Les paravers de Millina
4e de couverture
Les livres de Rose
Ma lecturothèque
Mots et pelotes
Miss Biblio Addict !!
La magie des livres
Elo Dit

N’hésitez pas à me dire si vous participez aussi à ce rendez-vous dominical, je pourrai actualiser la liste !

J’espère que ce rendez-vous vous plaira, et que ces Premières lignes #1 vous auront donné envie de mettre votre nez dans ce classique d’une grande beauté. Certes, ce n’est pas très original comme incipit, toutefois les classiques sont souvent boudés, à tort. J’y vois donc l’occasion d’attirer votre attention sur ces textes qui ont inspiré les auteurs et autrices d’aujourd’hui, d’autant que leurs propos restent fort souvent pertinents. Vous pourrez retrouver ma chronique du roman très bientôt ! Bonne lecture et bon dimanche !

6 commentaires sur “Premières lignes #1 : Fahrenheit 451

Ajouter un commentaire

  1. l’ainsi pythe quel bonne idée en imaginaire pour ainsi té la lecture d un roman

    1. Je regrette fort de ne l’avoir lu que maintenant ce roman ! J’aurais bcp aimé par ex l’étudier à l’école. Plutôt qu’Atala ou Le Horla qui m’ont ennuyée prodigieusement… ^^

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Fièrement propulsé par WordPress | Thème : Baskerville 2 par Anders Noren.

Retour en haut ↑