J’ai lu une série. Oui, en vrai. 4 tomes, que j’ai engloutis en une dizaine de jours. Pascale Quiviger m’a emmenée en balade dans des contrées fantasy du Nord, dans sa saga Le royaume de Pierre d’Angle. Avec cette lecture, je valide la catégorie Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver ! du défi Un hiver au chalet. Pascale Quiviger est une autrice québécoise, et sa saga est parue aux éditions du Rouergue, entre 2019 et 2021.
Composition de la saga du Royaume de Pierre d’Angle
Je vais essayer de rester volontairement vague pour ne pas vous spoiler, mais de vous en dire suffisamment pour vous donner les grandes lignes de la saga. Si vous préférez, sautez les résumés et allez directement à la chronique en-dessous 😉
Premier volume – L’art du naufrage
Thibault, prince héritier de la couronne de Pierre d’Angle, profite de ses années de liberté tant qu’il le peut encore, à bord de son bateau L’Isabelle. Là, il sillonne sur les mers de cet univers fantasy créé par Pascale Quiviger, avec son équipage haut en couleurs. Tout va fort bien, jusqu’à ce qu’un passager clandestin montre le bout de son nez, embarqué ni vu ni connu après une escale. Ca se gâte davantage quand le passager est en fait une passagère, esclave en fuite et peu loquace. Mais bientôt, Thibault doit rentrer : le roi est mort, vive le roi ! Et il a intérêt de rentrer vite, car son demi-frère, l’impitoyable Jacquard, a des vues sur la couronne… Les ennuis commencent vraiment.
Second volume – Les filles de mai
Si le premier volume comportait une bonne partie de son déroulé en mer, Les filles de mai est un roman résolument terrien. Nous voici plongés dans la vie de la Cour, avec ses petits tracas, son brouhaha quotidien, sa panoplie de personnages, et ses intrigues. Ce roman amorce un virage vers une suite plus politique. L’hiver est dur, la famine pointe le bout de son nez, les complots se nouent : les belles années d’insouciance semblent derrière, Thibault et son entourage de confiance vont devoir faire face à des dangers menaçant la couronne.
Troisième volume – Les adieux
Avec ce troisième volume, Pascale Quiviger nous ancre dans la dure réalité d’un royaume à deux doigts d’imploser. Les adieux, comme son nom l’indique, nous amène dans un récit assez sombre et à forte tension dramatique. Sacrifices personnels, complots politiques qui atteignent leur paroxysme, et Jacquard qui resserre sa toile : ce volume prépare un final grandiose et terrible à la fois.
Quatrième et dernier volume – Courage
Un nouveau jour se lève à Pierre d’Angle, bien sombre. Plus rien ne sera comme avant. Et pourtant, le royaume peut encore être sauvé. Dans ce volume haut en couleurs, trépidant et riche en péripéties, tout s’imbrique. La politique, le passé des personnages, l’ambiance magique de l’île avec sa forêt de la Catastrophe, sur laquelle planent des non-dits depuis trop longtemps.
Le royaume de Pierre d’Angle : une saga jeunesse/YA ?
Oui…
Le royaume de Pierre d’Angle est en tout cas publié avec la mention « adolescents ». En effet, les personnages sont assez jeunes. Par ailleurs, la figure du jeune prince qui devient roi et qui apprend chaque jour fait penser au héros d’un roman d’apprentissage.
D’autre part, l’écriture est efficace et directe. Claire, fluide, tout en étant riche en vocabulaire (j’en ai appris des mots relatifs au bateau et à son équipement !), et pleine d’humour pince sans rire. On n’est pas dans quelque chose d’imagé, ni dans des phrases alambiquées et complexes dans leur construction. En cela, c’est tout à fait adapté aux ados, mais avec un niveau de langage vraiment nickel. J’ai beaucoup apprécié la plume de Pascale Quiviger.
L’univers reste assez classique (les royaumes imaginaires, avec l’élément cartographique qui va bien), le début de l’intrigue également (lutte de pouvoir entre deux frères à la mort suspecte du roi). Les personnages semblent à première vue calés sur des rôles typiques (le héros, les aidants, les antis, les traîtres…). On évite au moins la traditionnelle quête. Cela dit, classique ne veut pas dire mauvais, et vous avez noté que je parle du « début de l’intrigue » avec des « à première vue ». On verra un peu plus loin qu’en fait, l’autrice crée quelque chose de beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
Mais avec une lecture adulte
Qui dit roman pour ados n’exclut pas que des adultes prennent leur pied à lire. Ici, c’est d’autant plus vrai que les 4 volumes ont une profondeur et un enjeu qui dépassent le simple divertissement. Evidemment, ce n’est pas parce qu’un roman est plutôt destiné à un public jeune qu’il n’offre qu’un divertissement de base. Mais ici, j’ai trouvé qu’il y avait un second niveau de lecture, et plutôt adulte pour le coup.
C’est d’abord le cas dans l’écriture, pleine de jeux de mots. Je ne suis pas certaine qu’un public plus jeune capte tout les petits clins d’œil bourrés d’humour. Et puis l’intrigue politique devient assez complexe, et très contemporaine. On y voit les rouages d’une administration moribonde, la prise de pouvoir d’un tyran qui amène son royaume au bord d’une dictature totalitaire, mais aussi les racines d’une résistance révolutionnaire, qui m’a beaucoup fait penser à la Révolution avec tous ses courants et ses divergences de pensées.
Je ne suis pas certaine qu’ado j’aurais capté toutes ces références, ni réalisé à quel point cette saga, toute fantasy qu’elle soit, se veut finalement très réaliste.
Une saga trépidante
Multiplicité des intrigues
Le royaume de Pierre d’Angle m’a réservé bien des surprises effectivement. Quatre tomes, assez denses d’ailleurs (2160 pages en tout), qui jamais ne se calent sur le développement classique d’une intrigue (le truc à cinq temps, vous savez ? situation initiale, élément perturbateur, nœud, dénouement et situation finale).
D’abord parce qu’il y a plusieurs intrigues en même temps. Il y a les affaires de cour et l’intrigue politique, le cœur de la saga. Cet arc narratif-là nous amène de rebondissement en rebondissement, avec un gonflement constant de la tension dans les tomes 2 et 3. Tension qui explose en fin de tome 3, mais derrière lequel il reste les 640 pages du tome 4 ! Donc clairement, avec cette série, on n’est jamais au bout de ses surprises.
Ensuite, il y a l’intrigue centrée autour du mystère de la forêt de la Catastrophe, un lieu maudit sur l’île, qui réclame régulièrement sa « fille de mai », première nouvelle née du mois de mai. Qu’en fait-elle ? Pourquoi ? Qu’est réellement cette forêt ? Quel est le lien entre la forêt et la couronne du royaume ? Une intrigue qui se déroule plus lentement, avec des réponses savamment saupoudrées au fil des tomes mais qui prend tout son sens dans le dernier tome.
Un saga tout en vagues
Je me suis rendue compte de l’intérêt de lire toute une série d’affilée. On sent particulièrement bien ses grands mouvements, et ici je les ai bien ressentis. Comme de grandes vagues. Il y a du mouvement dans cette série, très maritime, avec ses flux et ses reflux.
Si la première moitié du premier volume est très insouciante, légère et rigolote, dès l’accostage de l’Isabelle à Pierre d’Angle on sent que les choses changent. Et effectivement, on ne rigole plus très longtemps. L’écriture s’adapte par ailleurs. Si l’autrice parsème toujours son récit de jeux de mots, de dialogues et de personnages cocasses, c’est pour mieux faire ressortir le danger qui éclot petit à petit.
Je me suis un peu ennuyée dans le second tome en revanche, il ne s’y passe pas grand chose. Il est davantage un tome de transition, qui pose tous les personnages sur l’échiquier et met tout en place. Un calme avant la tempête… Car Les filles de mai fait gonfler la tension et le suspense, qui éclatent dans les tomes 3 et 4, carrément trépidants, terrifiants et époustouflants. Tout ça en même temps. Peu de répit, mais des péripéties qui s’enchaînent bien, qui ont du sens, et qui ne sont jamais posées dans la précipitation. C’est vraiment super bien dosé.
Une fresque de personnages passionnants
Une scène vivante
Enfin, il y a des intrigues centrées sur les personnages. Il y en a une ribambelle, qui tous ont des traits de caractère, une histoire, un passé, un rôle à jouer. Aucun n’est un simple figurant. L’autrice s’attache à développer pour chacun d’eux une histoire, de près ou de loin de l’intrigue centrale autour de la Couronne. Il y a une psychologie très fine des personnages dans cette saga, c’est remarquable. Au fil des tomes, plein de petits détails autour des personnages s’ajoutent aux autres, ajoutant à leur consistance.
Toutes ces voix concourent également à créer une scène très vivante : on s’y croirait, dans cette Cour, avec ses valets, chambellans, dames de chambres, cuisinière, messagère… Ca grouille de partout, et c’est comme si on entendait tout ce petit monde parler face à nous. J’ai trouvé ça vraiment génial.
Sans compter qu’on ne se promène pas seulement à la Cour, mais aussi dans tout le royaume, avec ses villages, son organisation territoriale, ses habitants.
Des personnages attachants
Les personnages provoquent un ascenseur émotionnel. L’autrice offre à chacun d’entre eux une évolution passionnante. Et finalement, il n’y a pas de gentils ni de méchants dans cette saga. En revanche, un camaïeu de gris, et des gris qui ne sont pas statiques. Elle donne à ses personnages des reflets incroyables. Il va vous falloir du courage, dans cette saga, parce que Pascale Quiviger n’épargne aucun de ses personnages.
Très souvent, je n’en suis pas revenue. Là clairement, l’autrice ne casse pas les codes du roman fantasy jeunesse, elle les défonce intégralement. C’est rude, mais ça donne à la série une teinte de réalisme vraiment génial, rendant l’intégralité du récit plus que crédible.
J’ai été véritablement bluffée par la saga du Royaume de Pierre d’Angle, à plus d’un titre. Toutefois, ce sont vraiment ses personnages qui me marqueront durablement. Je n’avais jamais lu de série jeunesse/YA avec autant de précision et de finesse dans les nombreuses figures présentes, ni autant râlé/hurlé/soufflé face au sort que l’autrice réserve à chacun d’entre eux. Je me souviendrai longtemps de cette Cour de Pierre d’Angle, et de tous ses petits personnages passionnants qui l’ont faite vibrer durant plus de 2000 pages.
En pratique
Pascale Quiviger, Le royaume de Pierre d’Angle
L’art du naufrage, Les filles de mai, Les adieux et Courage
Editions du Rouergue, 2019-2021
Prix Millepages 2019 (L’art du naufrage)
Illustration et couvertures : Patrick Connan
Le royaume de Pierre d’Angle de Pascale Quiviger est une saga passionnante, captivante, hyper riche, aux nombreux personnages super bien développés et aux intrigues trépidantes. C’est une lecture que j’ai dévorée, et je ne m’étais pas du tout attendue à ça. Quelle surprise ! Même pendant une période d’ennui dans le tome 2, l’écriture de l’autrice a su me tenir intéressée et me donner envie de lire la suite. On prend un véritable plaisir à se promener dans ce royaume, à vivre dans cette Cour grouillante, et à suivre tous ces personnages. La manière dont Pascale Quiviger les dépeint, de manière très fine et réalisme, m’a scotchée. Je me suis attachée à ses personnages, très fort, et ils me resteront en tête très longtemps. Une série que je relirai avec plaisir !
Je te rejoins totalement : j’ai adoré lire cette saga.
Je ne m’attendais pas à ça du tout ! EN fait je l’avais dans ma Pal depuis des mois, et c’est pendant une nuit d’insomnie que je me suis dit, un peu par dépit, bon allez, je m’y mets 😐 résultat, j’ai avalé la moitié du tome 1 dans la nuit, et il a fallu que je me procure de suite les autres tomes !
Une série de qualité, je me dis que des parents avec ados pour une LC en famille ça pourrait être pas mal du tout…
Tout à fait d’accord avec toi.
Entres les magnifiques couvertures et ton étayé mais néanmoins élogieux avis, je pense que je n’ai d’autres choix que de craquer à mon tour sur ce que semble être cette formidable saga 😉
Merci pour la découverte que je note de suite !
Je pense que tu ne le regretteras pas, je ne m’attendais pas à ça du tout quand j’ai commencé un peu par dépit cette série qui traînait dans ma Pal depuis des mois…
J’espère que si tu craques tu auras le même coup de cœur qu’avec la trilogie d’une nuit d’hiver ^^
Je vais inscrire cette série dans ma liste à lire. J’avais aussi entendu une libraire le conseiller dans l’émission La Bibliothèque des ados. Tu as achevé de me convaincre ? Et ses 4 couvertures réunies sont très belles.
Je suis ravie que cette série rejoigne ta PaL prochainement ! J’espère que tu prendras autant de plaisir que moi à la dévorer. Et effectivement, les couvertures sont magnifiques toutes ensemble.
J’ai le tome 1 dans ma PAL, tu me donnes sacrément envie de l’en sortir. Mais j’ai quelques sagas à terminer avant
Ah oui, je te comprends, je n’aime pas non plus avoir trop de séries en cours en même temps !
J’espère que tu aimeras, je pense que ça pourrait te plaire. Si tu vois que tu commences à aimer… je te conseille de pouvoir rapidement te procurer les tomes suivants ^^ J’ai lu la série d’une traite sur une grosse semaine.
Je pense aussi que cela pourrait me plaire ? je ne pense pas pouvoir la lire en une semaine par contre ou alors c’est une semaine par tome mdr
c’est vrai que je l’ai lue en vacances et quand je n’avais rien rien d’autre à faire de la journée que lire, ça aide ^^ (n’empêche c’était super chouette !)
Pour ma part j’avais lu le premier tome mais assez péniblement. Du coup je n’ai jamais poursuivi la série, sans doute à tort mais je suis forcée de constater que je n’en ai plus aucun souvenir :x.
J’avais trouvé l’ensemble trop lent, trop long à se mettre en place aussi.
Ah oui, aucun souvenir dans ce cas c’est effectivement le témoignage d’une lecture très bof !
Ce qui m’a un peu perturbée dans le tome 1 c’est la coupure très nette centrale, entre la partie en mer au début, que j’ai adorée, et la suite. J’ai eu un peu de mal à accepter que la légèreté du début s’en était allée. Mais finalement, ça l’a fait !