G. G. Kay – La mosaïque sarantine

ENFIN. Enfin, j’ai lu une œuvre de Guy Gavriel Kay. Depuis le temps qu’on m’en parle, que je procrastine… Je n’y croyais plus. Mais toujours dans mes envies d’autre chose cet été, je suis partie avec la duologie sous le bras (enfin, dans la liseuse) pendant ma quinzaine au Pays de Galles. La mosaïque sarantine (Voile vers Sarance et Les seigneurs de Sarance) m’a accompagnée pendant mon périple, et le timing était parfait, j’ai fini le tome 2 dans le train du retour. Les bouquins en papier sont dans ma bibliothèque depuis… 2019 je crois. 5 ans, ça vaaaaa…. 

4e de couverture

A la mort de sa femme et de ses filles, emportées par la peste, Crispin, talentueux mosaïste, n’aspire plus qu’à l’oubli. Aussi, lorsqu’il reçoit une missive de l’empereur Valérius II le convoquant à Sarance pour décorer le nouveau sanctuaire de la Sainte Sagesse, l’artiste décide-t-il de refuser. Mais peut-on longtemps désobéir à son empereur ? Commence ainsi pour Crispin un voyage semé d’embûches avec pour seul compagnon un bien étrange oiseau pensant – et parlant ; muni d’un laissez-passer portant le sceau du chancelier, le mosaïste va traverser l’empire pour rejoindre Sarance. Sarance la dorée, capitale où pouvoir, art, intrigue et passion mènent une danse échevelée…

Fantasy ou pas fantasy ?

La mosaïque sarantine est un de ces romans que j’aimais lire quand j’étais ado. Gros pavé, immersion totale, personnages nombreux qui évoluent selon le contexte politique, social et culturel. Des lieux que l’on côtoie pendant tout le temps de la lecture… Quelque chose qui, à la fin, devient familier. Ce genre de romans qui vous embarquent pleinement et totalement pendant tout le temps de votre lecture, dans lesquels vous pensez devenir un personnage à part entière, et qui vous laissent un peu vides une fois la dernière page tournée.

La mosaïque sarantine c’est donc tout cela. Avec un cadre faussement historique, et c’est là que la fantasy intervient. Je me suis crue, souvent, dans cette Byzance-Constantinople, au cœur d’un Empire éclaté entre sa partie occidentale et sa partie orientale. J’y ai retrouvé un art de la mosaïque similaire, un héritage sportif et culturel évident (les courses de chars), une question religieuse tout aussi centrale et une géographie qui donne une impression de déjà-vu.

Mais on n’est pas dans un roman historique, puisque l’auteur transpose son récit dans un imaginaire propre – certes très proche de ce qu’on a pu apprendre, mais éloigné malgré tout. La mosaïque sarantine, c’est précisément ce pas de côté qui caractérise les littérature de l’imaginaire. Comme on sait ce qu’il advient de l’Empire romain d’Orient, on ne peut en plus s’empêcher d’anticiper la suite du récit et de craindre la tournure des événements. L’auteur le sait, et il sait aussi nous surprendre à chaque page.

J’ai donc adoré ces clins d’œil constants. C’est très habile. Cela permet au lectorat d’avancer dans un univers qu’il semble connaître, mais en même temps de lui donner autre chose à voir, à expérimenter. Assez familier tout en étant original et dépaysant, avec une impression de renouveau : c’est un superbe équilibre que l’auteur a su garder tout au long du texte.

Une fresque…

La mosaïque sarantine est une incroyable fresque. La forme accompagne à la perfection le fond. Si l’on suit principalement un artisan mosaïste, le roman est lui aussi une mosaïque à part entière. Chaque personnage est comme une tesselle dans l’histoire racontée, tout comme chaque événement qui survient. Cet assemblage forme à la fin cette fresque narrative d’une ampleur remarquable.

Dans cette duologie, chaque détail compte. Chaque pensée, chaque parole, chaque action a des répercussions sur la suite. Paroles prémonitoires de personnages et prolepses de l’auteur ajoutant du rythme et du suspense accompagnent le cheminement dans cette histoire de destin et de destinées.

… épique

une fresque épique portée par une plume…

Tout ceci contribue à donner au roman un souffle épique incroyable. La plume n’y est pas pour rien, et les excellentes traduction (de Mickael Cabon) et relecture en font un texte riche en vocabulaire, sonorités, rythmes. Un énorme plaisir à lire. Par exemple, l’auteur a soigné le décor, en donnant vie à cette ville de Sarance. Des bruits, des sons, des parfums, des couleurs… On navigue entre différents lieux de la cité : lieux sportifs, villas, palais, bains et lieus de culte. On parcourt la ville et on vit pleinement dans ses murs pendant la lecture.

Il soigne également ses personnages. Loin de n’être que des personnages de papier, ils sont presque réels, passionnés et vivants. Souvent, l’auteur fait des sortes d’arrêt sur images pour insister sur l’importance de certaines scènes. C’est là qu’il fait des prolepses, et il ajoute aussi beaucoup d’emphase et d’effets de rythme. Pendant ces moments, le texte se rapproche presque de la chronique, ce qui peut contribuer à rendre réels ces personnages. Car l’auteur les fait comme rentrer dans l’Histoire.

… et une parfaite maîtrise du récit

Enfin, le rythme de la duologie est très bien pensé.

Voile vers Sarance suit le parcours de plusieurs personnages pour atteindre Sarance. Un roman de voyage, parsemé d’embûches et de rebondissements. Nul ennui pour ma part dans ce texte dont on sent bien que la première moitié n’est qu’un préambule à l’histoire à venir. Certes, le début de ce premier tome peut paraître longuet. Mais le texte jongle habilement entre les chemins de plusieurs personnages dont on se doute qu’ils vont ensuite se croiser. Voile vers Sarance inclut tout aussi habilement les petites histoires de ces personnages dans la grande histoire, avec son lot de complots et décisions politiques d’ampleur. Si loin que l’on soit de Sarance, on y est malgré tout déjà, même si l’attente de l’atteindre enfin croît de page en page.

Quant aux Seigneurs de Sarance, il déroule de manière implacable ses fils, et le rythme s’accélère. Ce deuxième mouvement est grandiose, passionnant, captivant, et se conclut de manière assez spectaculaire. J’ai adoré être surprise sur ce plan. Guy Gavriel Kay mène son récit comme les premiers des Bleus et des Verts mènent leur course de char : avec maîtrise, confiance, allure et talent incroyable.

En pratique

Guy Gavriel Kay, La mosaïque sarantine, tome 1 : Voile vers Sarance et tome 2 : Les seigneurs de Sarance
VO : Sarantine Mosaic, book 1: Sailing to Sarantium (1998), book 2: Lord of Emperors (2000)
L’atalante, La Dentelle du cygne, 2019 et 2020
Traduction : Mickael Cabon
Couverture  : Antoine Helbert
Autres avis : un premier tome qui a plu à l’Ours mais il lui a manqué de l’attachement pour les personnages; premier tome assez introductif pour Elhyandra, qui n’a pas non plus eu beaucoup d’attachement pour les personnages. (C’est là que je me rends compte que la lecture des deux tomes d’affilée a beaucoup influencé mon ressenti, je pense.)

 

Excellente découverte que voilà. Je ne sais pas pourquoi j’ai attendu si longtemps avant de me plonger dans ce texte incroyable. Ce n’est pas grave, je l’ai savouré je pense au bon moment. La mosaïque sarantine m’a beaucoup plu, époustouflée aussi, et j’ai adoré passer mes vacances en compagnie de tous ces personnages passionnants. Il va sans dire que je ne m’arrêterai pas à cette œuvre de l’auteur !

 

10 commentaires sur “G. G. Kay – La mosaïque sarantine

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  1. Heureux que ce livre t’ait plu. Je suis fan de cet auteur, de sa plume. Je n’ai pas encore tout lu de lui, mais je sais que je ne serai jamais pas déçu. En tout cas, ça n’a pas été le cas jusqu’à présent.

  2. Un peu pareil que toi, j’ai mis des années et des années avant d’enfin me lancer dans un livre de l’auteur et ce fut, comme prévu, une réussite totale. D’ailleurs cette duologie pourrait bien être ma prochaine escapade en terres kayiennes !

    1. Ah ben justement, je me souvenais que tu appréciais beaucoup cet auteur, mais je n’avais pas trouvé sur ton blog la chronique de cette duologie – voilà pourquoi, tu ne l’as pas encore lue !
      Hé bien en effet, je pense que tu peux programmer ce prochain voyage, qui devrait bien te plaire 🙂

  3. C’est un auteur que je me dois encore de découvrir. J’ai profité que certains de ses titres soient dans l’OP All stars pour les intégrer à ma liseuse. Reste à trouver le temps de m’y plonger…

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