Voilà encore un livre que j’avais dans ma PaL depuis les Imaginales, pendant lesquelles j’ai pu rencontrer en vrai Audrey ! Gemmae est le premier volume de ce diptyque. Un roman qui s’inscrit dans deux challenges différents : le défi #Unhiverauchalet (Pouding chômeur ou sucre à la crème, livre au choix) et le ABC de l’imaginaire (lettre W). Si le roman présente nombre d’atouts, je n’ai malheureusement pas accroché, pour plusieurs raisons.
Synopsis
« À compter de ce jour, la pratique de la magie des Gemmes est interdite dans les royaumes d’Eïa, d’Arÿscie et de Melfolië. Tous les maîtres seront emprisonnés et subiront l’amputation libératoire d’un bras. »
Sa Majesté Ghitzeraï de Melfolië, au nom des souverains de Naïel, an 3667.
Ewendyn, princesse du royaume de Melfolië, pensait son destin tracé. Elle n’a pour but que de poursuivre l’œuvre de son père et de protéger le plus grand nombre face aux Gemmes destructrices. C’est dans cette forteresse de certitudes qu’elle croise la route d’Aëwë, jeune fille rescapée d’un génocide. La résilience et la joie de vivre de cette dernière ébranlent alors ses convictions les plus profondes.
Ensemble, elles assistent à l’apparition mystérieuse d’une étrangère, propulsée au sud de Melfolië. Cette inconnue pourrait-elle contribuer à faire bouger les lignes une fois de plus ?
Un univers complet
Avoir Gemmae dans les mains est une invitation au voyage magique. Le livre est magnifique. D’abord, sa couverture, signée Eva Raynal, brille partout, la maquette intérieure est très belle, avec des pages illustrées (de la même artiste) de toute beauté. Il y a un soin apporté au livre qui rend la lecture d’autant plus immersive. Ajoutez à cela un beau marque-pages, une carte en début de roman, et vous avez là un livre objet de très belle qualité.
Audrey Weisseldinger a commencé à travailler sur son roman très tôt. Son univers, elle l’a en tête depuis des années, elle le peaufine, elle en imagine depuis longtemps ses caractéristiques. Cela se ressent dans le roman. Outre la carte, les personnages ont des noms particuliers, aux consonnances qui semblent provenir d’une langue disparue. Parcourir cet univers c’est voyager dans une géographie réfléchie et diversifiée. C’est aussi parcourir différents territoires habités par des peuples aux traditions et aux politiques différents.
On a ici quelque chose de dense qui aurait malgré tout gagné à être davantage creusé, expliqué, détaillé pour une immersion parfaite.
Une écriture efficace
Le roman est bien relu, cela se ressent. Quelques coquilles restantes mais rien de méchant, pas de tics de langage, pas de maladresses ni de lourdeurs.
C’est très fluide, les mots s’enchaînent dans un semblant de naturel. C’est agréable à lire, et on se laisse porter par le rythme et le bon équilibre entre dialogues et narration. De plus, Audrey Weisseldinger ne lésine pas sur la qualité du langage, offrant vocabulaire précis et varié, et jolis effets de poésie par moments.
La plume de l’autrice offre déjà une certaine maturité, avec une personnalité propre.
Des personnages un peu vides
Néanmoins, le roman a des faiblesses, à commencer par les personnages. J’aime bien avoir des personnages consistants, complexes, détaillés. Evidemment, on peut avoir de très bonnes histoires avec des protagonistes volontairement minimalistes, mais ça se prête moins à une série.
Les personnages de Gemmae m’ont d’abord semblé assez creux, et manquant de nuance. C’est notamment le cas d’Ewendyn et surtout de son Père, tellement tyran que certaines de ses tirades m’ont fait sourire. Dans le même genre, le père d’Eleena ne m’a pas convaincue en figure monstrueuse, n’ayant aperçu aucune parcelle de son humanité ni n’ayant compris sa violence extrême. J’ai eu une impression de surenchère de violence qui dès les premières pages m’a un peu rebutée.
Outre ce manque de nuance que j’ai pu ressentir, j’ai regretté parfois aussi des comportements qui m’ont semblé peu crédibles. J’ai souvent oublié que Thyn n’était qu’un paysan, tant sa façon de parler à Ewendyn ne correspondait pas à son statut. Idem pour Aëwë, qui d’ailleurs s’adresse à la Princesse tantôt en la tutoyant, tantôt en la vouvoyant; c’était assez perturbant. Tantôt compagnons de voyages, tantôt amis, tantôt sujets… autant de façons qu’a Ewendyn de voir ses comparses; là aussi, j’ai eu du mal à bien saisir les liens qui se forment entre eux tous.
Le personnage d’Eleena aurait pu être vraiment intéressant, j’adore quand les personnages absents se révèlent au centre de l’intrigue et plus présents que les personnages en place. Mais finalement, elle n’apporte pas grand chose, et on l’oublie même vite. J’ai manqué d’indices sur sa présence réelle, son origine… pour concentrer mon intérêt sur elle, et j’ai fini par l’oublier complètement, sauf quand il était mentionné qu’elle était toujours endormie et trimballée dans une charrette. J’espère que le second tome éclaircira cet aspect-là, et donnera des réponses sur ce personnage.
Des facilités scénaristiques
J’avoue que les premiers chapitres qui se déroulent dans un présent « réel » m’ont beaucoup perturbée. Je me suis dit que je finirais par comprendre le pourquoi du comment, sauf que je n’ai jamais réussi à relier cet incipit avec le reste du roman. J’imagine que le tome 2 donnera là aussi des réponses.
Partant alors sur les terres de Naïel, j’ai rejoint ce petit groupe de personnages dont je me suis longtemps demandé quel était réellement son but. J’ai eu la sensation pendant le roman d’aller d’un point A à un point B puis ainsi de suite, sans vraiment parvenir à saisir le but de l’intrigue. On ne peut pas vraiment parler de quête, et les raisons pour lesquelles chaque personnage suit le mouvement restent obscures pour moi. Je pense que la rapidité de l’enchaînement des événements m’a perdue en route.
Puis, comme pour les personnages, certaines facilités m’ont plusieurs fois fait tiquer et ont fini par me sortir de ma lecture. Par exemple, quand Aëwë est blessée, avec le bras en compote, mais qui arrive néanmoins à se hisser sur le balcon de la princesse pour lui parler en privé. Ou encore les « méchants » dont on découvre les conspirations au hasard d’un dialogue dans des endroits un peu faciles (ce qui m’a laissé penser que ces méchants n’étaient vraiment pas malins ^^). L’arrivée ni vu ni connu et sans embrouille dans la ville d’Ewendyn m’a là aussi fait tiquer, j’ai trouvé cette étape beaucoup trop simple.
Rien de rédhibitoire, quand on y pense, tout ceci étant de l’ordre du détail qui peut être facilement corrigé. Je pense que le tome 2 parviendra aussi à boucher quelques trous et incompréhensions qui peuvent demeurer à la fin de ce premier tome.
En pratique
Audrey Weisseldinger, Gemmae (Tome 1)
Edition indépendante, mai 2021
Vous pouvez vous le procurer sur la Librairie des jeunes pousses
Couverture et illustrations : Eva Raynal
Sortie de Gemmae tome 2 : mai 2022
Gemmae est le premier volume d’un diptyque d’Audrey Weisseldinger. C’est un roman indépendant, qui est le fruit d’un travail de plusieurs années déjà, et qui sera complété en mai 2022 avec la sortie du second volet. Le roman n’a pas comblé toutes mes attentes, toutefois je suis contente de l’avoir découvert. C’est un premier roman prometteur, à l’univers passionnant et dense, suffisamment pour être exploité sur plusieurs œuvres. Et j’ai été très agréablement surprise par la plume de l’autrice, déjà très personnelle et agréable à lire. Une autrice à suivre donc, et qui à mon avis a de quoi nous surprendre !
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