Liu Cixin – Le problème à trois corps

Autre gros morceau de mon année : la lecture de la trilogie du Problème à trois corps de Liu Cixin. Longue procrastination avant d’affronter ce roman, causée par la peut encore une fois de ne rien y comprendre et de passer à côté d’un chef-d’œuvre. J’ai profité d’une LC avec L’ourse bibliophile pour m’y mettre enfin, même si l’aventure ne s’est pas déroulée comme prévu, et j’en suis bien désolée 🙁 En effet, j’ai abandonné le bouquin à la moitié, avant de visionner la série (américaine) et de m’y remettre, pour aller au bout cette fois. Il est temps maintenant de livrer mon retour sur ce roman, avec un regard croisé série/livre !

4e de couverture

En pleine Révolution culturelle, le pouvoir chinois construit la base militaire secrète de Côte Rouge, destinée à développer une arme de grand calibre. Ye Wenjie, une jeune astrophysicienne en cours de “rééducation”, intègre l’équipe de recherche. Dans ce lieu isolé où elle croit devoir passer le restant de sa vie, elle est amenée à travailler sur un système de télétransmissions dirigé vers l’espace et découvre peu à peu la véritable mission de Côte Rouge…

Trente-huit ans plus tard, alors qu’une étrange vague de suicides frappe la communauté scientifique internationale, l’éminent chercheur en nanotechnologies Wang Miao est témoin de phénomènes paranormaux qui bouleversent ses convictions d’homme rationnel. Parmi eux, une inexplicable suite de nombres qui défile sur sa rétine, tel un angoissant compte à rebours…

Regard croisé série/livre

J’ai d’abord commencé le roman sans avoir vu une seule image de la série américaine. Je l’ai mis ensuite de côté une fois arrivée à la moitié, lassée par les personnages très froids. Et ce, malgré les événements terribles racontés et les épisodes qui se situent dans le jeu Les trois corps. J’ai d’ailleurs détesté ces passages.

Alors, à la moitié du livre, comme je n’avais pas encore dit mon dernier mot ni déclaré définitivement forfait, j’ai décidé de regarder la série américaine sortie plus tôt. Celle-ci est sortie sur Netflix en mars 2024 et contient 8 épisodes. Plusieurs impressions me sont venues pendant le visionnage :

  • c’est très occidentalo-centré. Dommage, mes pages préférées dans le roman sont celles qui évoquent la Révolution Culturelle et toute l’époque de Côte Rouge. Cela dit, je note que c’est dans cette série que les Trisolariens reprennent leur nom d’origine (San Ti, le titre du roman chinois) ;
  • c’est également très mélodramatique. Autant les personnages du bouquin m’ont tous laissée de marbre, autant les épisodes « sortez les mouchoirs » de la série américaine m’ont gonflée ;
  • j’ai trouvé le générique super nul ;
  • on y retrouve des acteurs de GoT, et ce n’est pas étonnant puisque deux des créateurs de la série sont ceux de GoT. On voit que le matériau d’origine n’est pas occidental, car les relations entre les personnages et le rapport à l’image, au visuel, sont très différents. Là, c’est beaucoup plus propre, réservé, pudique, il faut dire que ce n’est pas le même univers non plus ;
  • et enfin la série TV empiète sur les tomes suivants, en tout cas le 2, de ce que j’ai pu commencer à lire.

Le gros point fort de la série américaine réside dans le fait qu’elle m’a donné envie de reprendre le livre. Et comme j’avais déjà le fil rouge, j’ai pu zapper toutes les sessions de jeu que vraiment je n’aimais pas du tout. Sinon, bon, ce n’est clairement pas la série TV de l’année, mais hormis ce que j’ai décrit plus haut, je trouve qu’elle fait le job. Juste surprise qu’elle soit de qualité si moyenne avec Ken Liu à la production.

J’ai en revanche commencé la série chinoise, Three Body, la semaine dernière. Très intéressant de comparer les deux visions, chinoise et anglo-saxonne. Le traitement des personnages n’est pas du tout le même, celui de l’histoire non plus : beaucoup plus fidèle au bouquin, à la ligne près, dans la version chinoise. Juste amusée par le générique pop et les musiques parfois beaucoup plus fortes que les dialogues et qui masquent ceux-ci. On sent la différence de regard, de culture et de ce qui est jugé important. J’avoue que c’est beaucoup plus intéressant de comparer les deux séries que la série américaine au bouquin. Je suis un peu désarçonnée mais ça me plait. En tout cas ça m’amène à voir un cinéma qui sort de mes habitudes, et cela me fait l’effet d’une bouffée d’air frais.

Un prequel

Le gros ennui du Problème à trois corps, c’est que c’est long, et chiant. Je ne dis pas cela comme une vérité générale, hein, vous me connaissez. C’est plutôt le ressenti que j’ai eu. Et effectivement, parvenue enfin au bout, c’est seulement là que je me suis dit qu’enfin, ça décollait.

Le problème à trois corps est un roman long, qui prend son temps. En effet, il raconte notamment tout le parcours de Ye Wenjie depuis son enfance. Ceci afin de bien saisir ses motivations ensuite. Étrangement, c’est le premier tiers qui m’a le plus passionnée. Je ne connaissais quasiment rien à cette période de l’Histoire chinoise. Aussi j’ai fait pas mal de recherches pour étoffer un peu mes connaissances là-dessus.

Quand on arrive dans le présent, on conçoit bien qu’il se passe des choses. Mais il faut attendre très longtemps pour comprendre exactement ce dont il est question. L’enquête sur les décès des scientifiques piétine, les sessions de jeu ralentissent encore le rythme narratif. D’autre part, il n’est pas aisé de faire le lien entre ces épisodes et l’intrigue principale. On navigue dans le flou durant 400 pages. Très honnêtement, sans la série qui m’a aidée à zapper des passages, j’aurais fini par laisser traîner le bouquin quelque part, sans grande envie d’y revenir.

Bref, la fin du premier tome offre une ouverture intéressante. Et oui, enfin les choses remuent dans le tome suivant. Ce qui me laisse penser que ces 500 pages du Problème à trois corps ne sont en fait qu’un prequel à la duologie suivante.

Un roman ou un bouquin de physique appliquée ?

Ce sont vraiment les 100 dernières pages qui sont trépidantes. Mais là encore j’ai eu par moments la sensation de me retrouver face à un cours de physique plutôt qu’à une fiction (même avec science devant). Ce n’était pas inintelligible, mais ce n’était pas non plus ma tasse de thé. C’est vraiment, selon moi, le gros problème de la hard SF. On a trop souvent à lire des manuels de physique avancée plutôt que des romans. J’avais eu un ressenti similaire avec La couleur du froid de Jean Krug, par exemple, qui m’avait perdue dans la 2e partie pour les mêmes raisons. Cérès et Vesta m’avait également fait le même effet. Tout le monde n’est pas Robert Charles Wilson ou Arthur C. Clarke.

Ajoutons à cela des personnages qui ne dégagent rien, aucune émotion. Résultat, on a un récit qui m’a semblé poussif et froid. L’écart entre les personnages de Liu Cixin et ceux de la série US est ainsi plus qu’énorme. En attendant, les personnages du roman ne m’ont absolument pas fait vibrer. Ils manquent de corporalité, d’histoire quotidienne, de caractères spécifiques… Tous ces éléments qui permettent de les camper, de leur donner un visage, une réalité. Aucun qui n’agace, aucun qui ne s’énerve, aucun qui ne hurle. Je trouve tout cela très contrit, presque artificiel. Peut-être est-ce une question là encore de culture et de point de vue, car j’ai un souvenir similaire des personnages de Murakami.

Enfin, s’il y a effectivement des passages superbes, il y a aussi des épisodes super fastoches et bien pratiques. Qui tombent vachement bien au bon moment, comme par hasard, si vous voyez ce que je veux dire. Pour de la hard SF, du deus ex machina comme ça est assez étrange. De mon point de vue, ça ne va pas trop ensemble. J’ai ainsi la sensation que l’auteur est meilleur physicien que romancier… Mais beaucoup m’ont dit que les tomes suivants permettaient de bien comprendre le projet de l’auteur, et que La forêt sombre était génial. Bon, j’attends de voir, je réviserai mon jugement si tel est le cas. J’avoue être aussi un peu déçue par les révélations, j’avoue que j’attendais autre chose qu’une énième histoire d’aliens qui en plus semblent finalement très… humains. Bon, là encore à voir si ça va plus loin que ça ensuite.

Stop ou encore ?

À la lecture de cette chronique, on pourrait se dire que j’ai bien peiné sur ce premier tome. Que ça suffit. C’est vrai que ça n’a pas été l’éclate espérée. Je redoutais ce bouquin autant que j’espérais y trouver mon compte et ressentir le même éblouissement que beaucoup. Je n’ai pas trouvé ce roman si ardu (malgré quelques passages mais avec la série TV avant, ça m’a bien aidée). En revanche effectivement il ne m’a pas décoiffée non plus. Cela dit, ma curiosité est assez piquée pour poursuivre.

Mais comme on m’a plusieurs fois vanté les mérites de La forêt sombre que je suis en train de lire, j’ai bon espoir que ce ne soit pas le cas. J’espère du surprenant et du waouh. Cependant, je doute encore. Arrivée à plus d’un tiers du tome 2, l’ennui est encore là, c’est toujours aussi loooooooooooooooong et chiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiant. Je me demande si je vais vraiment aller au bout de la trilogie, à ce stade…

En pratique

Liu Cixin, Le problème à trois corps
Édition lue : Actes Sud Babel, 2018
Couverture : Yoozoo pictures
Traduction : Gwennaël Gaffric
VO : San Ti, 2006
Autres avis : immense coup de cœur pour Somestimes a book et Elwyn; Yuyine laissée un peu au bord de la route; ressenti assez similaire au mien pour Tachan; bouffée d’air frais pour Le Maki; petite déception pour Xapur; d’accord avec Le chien critique pour dire qu’il y a plus d’émotions et de vertige dans Spin; analyse toujours bien intéressante chez Apophis; L’épaule d’Orion me convainc de persévérer dans La forêt sombre; et enfin, un roman pas exempt de défauts mais intriguant, satisfaisant et qui appelle la lecture de la suite pour Herbefol.
Prix de science-fiction Galaxy Award (2006), Hugo du meilleur roman (2015)

Bon, bon, bon, pas folichon tout ça mais pas non plus la cata. Si je n’ai pas été perdue par le côté hard de ce roman SF (même sans la série, je trouve que cela reste grosso modo assez intelligible), c’est la froideur des personnages, la lenteur du roman et les passages longuets qui m’ont déçue. J’espère vraiment avoir LA révélation avec la forêt sombre, mais il faudrait pour cela que ça se remue un peu, et pour l’instant on ne peut pas dire que ce soit le cas. Bon, contente d’avoir enfin mis mon nez dans ce fameux Problème à trois corps, même si je suis loin d’être séduite… Un grand merci à l’Ourse bibliophile pour nos échanges et pour m’avoir motivée à m’y plonger, finalement c’est plus le fait de lire ce roman à deux que j’ai préféré 🙂

4 commentaires sur “Liu Cixin – Le problème à trois corps

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  1. Franchement, je ne suis pas convaincu que tu apprécieras plus le deuxième volume. Pour moi, il est moins bon, plus long, plus chiant, avec quelques idées bien débiles dedans. J’ai laissé tombé la série après, d’autant plus que la fin suffit largement.
    Sur l’aspect Hard Science, je ne partage pas l’avis d’autres lecteurices. Je trouve certains trucs utilisés par l’auteur sans vrai support scientifique crédible (au contraire d’un Egan ou d’un Baxter) et ça ressemble plus à des artifices assez maladroits de narration pour justifier les actions des personnages (les intellectrons c’est vraiment une vaste blague).
    Plus le temps passe et plus mon avis sur cette série se dégrade. Je suis maintenant plus critique sur le premier volume qu’au moment où je l’ai lu. 😛

  2. Bon, tout cela ne m’encourage à me lancer dans cette lecture. ni dans le visionnage de la série. Ce que tu dis des personnages ne m’étonne pas, je l’ai ressenti dans ses nouvelles : le propos est gigantesque, mais le côté humain a du mal à prendre. Dommage…

  3. Je n’ai pas été franchement emballée par le 1er tome non plus, par contre je pense que je regarderai quand même la série chinoise, pour voir.

  4. Bonjour Zoé
    J’ai vu que Sibylline (que tu ne dois pas connaître – pas dans ton réseau!) a aussi lu ce bouquin (Le problème à trois corps) à cause de la série Netflix, et l’a référencé pour le challenge « Les pavés de l’été » qu’elle organise (livres d’au minimum 500 pages). Le présent billet pourrait d(‘ailleurs tout à fait s’y faire référencer!
    https://la-petite-liste.blogspot.com/2024/06/recapitulative-paves-de-lete-2024-nous.html
    Si le coeur t’en dit: logo et lien rajoutés dans le présent billet, un commentaire pour le signaler sous son billet récapitulatif, et hop!
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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